La chasse à l’approche a beaucoup d’avantages. D’abord, elle est plus sûre que la battue. On tire en effet l’arme posée sur un trépied et on vise une cible fixe à travers une lunette de tir . Donc aucun risque d’erreur ou d’accident. Ensuite, on choisit son animal. Une longue observation avec les jumelles a permis de l’identifier. Enfin, l’approche estivale permet de renouer avec la passion à un moment où les autres chasses sont interdites. C’est à l’aube ou au crépuscule que les chances sont les meilleures. À ce moment-là, en effet, le chevreuil est actif. Il se déplace. On peut évidemment chasser seul sur son territoire, mais les chasseurs qui veulent s’initier ont tout intérêt à se faire accompagner d’un guide. L’association Actéon fournit ce service. Rappelons que, dans la mythologie grecque, Actéon est le malheureux chasseur qui surprit Artemis, nue, en train de se baigner. Furieuse, la déesse transforma l’homme en cerf et le fit dévorer par ses chiens. Actéon émane donc de la Fédération des Chasseurs de Paris. L’association est partie du constat que les citadins manquaient de territoires pour pratiquer ce type de chasse. On évolue en milieu ouvert, ce qui est une preuve de qualité. Les prix ne sont pas donnés, mais le séjour reste plus abordable qu’un déplacement à l’étranger. Les chevreuils ne portent pas toujours le trophée imposant des plaines hongroises ou polonaises, mais certains peuvent dépasser cinq cents grammes. De toute façon, la chasse à l’approche ne se résume sûrement pas à une question de poids.
Les animaux sauvages sont constamment aux aguets
C’est une aventure qui prend tout son sel dans les brumes de l’aube quand la terre fume encore et que les champs commencent à se colorer sous les premiers rayons du soleil. On marche doucement derrière le guide. Il a l’avantage de bien connaître son territoire et de savoir quels animaux le fréquentent. Voici une tête qui émerge d’un champ de colza. De quoi s’agit-il ? Brocard ? Chevrette ? En « jumelant », le guide et le client s’efforcent d’y voir clair. S’il s’agit d’un brocard et que le chasseur donne son accord, commence l’approche. On regarde d’où vient le vent et on entreprend ensuite une marche silencieuse en se dissimulant derrière les obstacles naturels. Les animaux sauvages sont toujours aux aguets. Observez un chevreuil en train de se nourrir. Toutes les trois secondes, entre les bouchées, il relève la tête et regarde. Voyez comme ses oreilles s’orientent dans toutes les directions pour être à l’affût du moindre bruit. L’homme doit donc redoubler de prudence pour parvenir à distance de tir. Certes, une carabine bien réglée et dotée d’une lunette de qualité est efficace à plus de cent mètres. Mais plus on est près, plus on est précis et plus la mort sera foudroyante. Or, c’est bien ce que l’on recherche : tuer net d’une balle parfaitement placée. L’éthique commande donc de ne pas risquer une balle hasardeuse. Il faudra donc également que le corps de l’animal soit parfaitement dégagé, ce qui en cette période estivale n’est pas la règle, loin s’en faut. Un chevreuil se dissimule parfaitement dans les blés, dans le colza, dans les herbes folles. Il faudra donc attendre patiemment qu’il fasse quelques pas pour se découvrir. Vient le moment du tir. La carabine est posée sur le trépied, il ne reste plus qu’à cadrer parfaitement l’avant-main avant de presser la détente. On ne saurait trop recommander de tester, arme vide, la queue de détente. En entendant le bruit du percuteur, le chasseur sentira dans l’index la pression à donner et évitera ainsi le désastreux « coup de doigt ». Côté calibres, le 243 Winchester est parfait, mais j’ai des amis qui utilisent le 30-06 – nettement plus lourd – et en disent du bien.
Le foie à la poêle
Si l’arme est bien réglée, les loupés sont rares et le chevreuil foudroyé. Pour la décision du tir, certains chasseurs sont comme les hérons de la fable. Ils ne sont jamais satisfaits – trop petit, trop irrégulier, trop jeune – et cherchent toujours mieux jusqu’à l’heure où la partie s’achève. Ils rentrent donc bredouille. Il y a des chasseurs de trophées quasi obsessionnels. Mais ce n’est heureusement pas la majorité.
La sortie de fin d’après-midi a son charme aussi. Cette fois, c’est une course de vitesse avec le crépuscule. L’ombre s’étend, les détails s’atténuent, les couleurs s’estompent. Plus l’obscurité nappe le paysage, plus l’identification devient difficile. Cette seconde sortie n’est pas obligatoire si on a réussi le matin, la plupart des chasseurs se contentant d’un animal ; toutefois certains en veulent un second. Quant à celui qui est rentré bredouille lors de la première sortie, il tentera de se refaire le soir.
Disons un mot sur la venaison : être « viandard », dans ce contexte, est une qualité. Quoi de plus naturel que de vouloir consommer quelques morceaux du gibier ? La chasse a aussi pour but de renouer avec des racines ataviques. Et comme cette viande est très bonne, pourquoi s’en priver ? Il n’y a donc aucune honte à ramener chez soi une gigue ou (et) des côtelettes.
Sachez enfin que déguster, dans la foulée, le foie à la poêle, « en persillade » est un plaisir de sybarite.