Que diriez-vous à un agriculteur qui hésiterait à venir à Potato Europe ?
Potato Europe regroupera en un lieu unique toutes les dimensions de la production, de la transformation et de la commercialisation de la pomme de terre. Un très grand nombre d’acteurs français, européens et internationaux se réuniront pour échanger et partager autour de la filière française, de son dynamisme et de son excellence. Nous attendons une cinquantaine de délégations, de tous les continents. Ce salon sera aussi l’opportunité de découvrir, de suivre et de s’informer sur les travaux de recherche et les dernières innovations d’Arvalis et de ses partenaires sur l’espace technique : de la culture de la pomme de terre à son stockage en passant par sa récolte. Enfin, de nombreuses démonstrations de matériel auront lieu en direct sur le salon, et c’est l’une des caractéristiques de la manifestation française. Il faut rappeler que cet événement n’a pas eu lieu en France depuis 8 ans, puisque la dernière édition a été annulée en raison du Covid. Et la prochaine n’aura pas lieu en France avant 4 ans.
Quels sont les principaux défis techniques de la pomme de terre ?
Les défis qui nous préoccupent aujourd’hui sont la gestion des ravageurs et celle du désherbage. Avec la suppression d’un certain nombre d’insecticides, on a ouvert la boîte de Pandore, et ce n’est probablement pas fini. Les agriculteurs font face à plus de pression de pucerons et disposent de moins d’outils pour la gérer. Ensuite, nous notons une recrudescence du taupin et de ses dégâts. Cela peut empêcher la commercialisation de tout ou partie d’une récolte. Par ailleurs, l’arrivée de la cicadelle devient un vrai problème en raison de sa capacité à transporter un virus qui ramollit les pommes de terre, de manière analogue aux syndromes de base richesse et de la betterave caoutchouteuse qui atteignent les betteraves allemandes.
Côté désherbage, la suppression de molécules non remplacées pose un problème. Si nous manquons de solutions chimiques, nous allons devoir aller vers du rebutage. Mais l’itinéraire technique reste encore à défricher. Dans cette perspective, le dossier gramicide du Parsada (1) revêt une grande importance pour promouvoir de nouvelles solutions pour notre filière.
Deux autres défis retiennent aussi notre attention : la gestion du mildiou et celle de l’eau. Pour lutter contre le mildiou, nous avons encore une palette de molécules, mais elle ne cesse de se restreindre. Heureusement, l’OAD Mileos fonctionne bien et est utilisé chez plus de 70 % des agriculteurs. Du côté de l’eau, la situation est très hétérogène en fonction des producteurs et des zones de production : c’est une vraie problématique chez certains agriculteurs, mais pas chez tous. Ce sont des sujets douloureux chez ceux qui en manquent.
Enfin, le sujet du plant est central pour assurer la pérennité de la production. Cette année en a été l’illustration. Nous avons eu beaucoup d’inquiétudes sur les volumes. Finalement, il y en a eu assez, mais la qualité livrée dans les cours de ferme n’a pas toujours été là. En effet, la sélection des plants à commercialiser a été réalisée avec moins de vigilance, afin d’assurer les volumes nécessaires. Cela a entraîné des problèmes sanitaires (mildiou en particulier) et certaines parcelles qui n’ont même pas levé.
Le marché des pommes de terre transformées est en augmentation au niveau mondial. Quel peut être le rôle de la France ? À quelles conditions pourra-t-on augmenter nos surfaces ?
En effet, la pomme de terre continue son développement à l’échelle planétaire, car le consommateur l’apprécie. La croissance est particulièrement manifeste sur le segment de la pomme de terre transformée (frite et chips), car ces produits répondent davantage à nos habitudes de consommation. Dans ce marché en croissance, il est clair que la France a une carte à jouer. Au niveau européen, nous avons un atout considérable : nos terres ne sont pas saturées en pomme de terre comme peuvent l’être les Pays-Bas ou la Belgique, par exemple. Par ailleurs, nous avons un climat tempéré propice et une bonne technicité. Cependant, la condition nécessaire pour que la France développe sa production, c’est que chacun des acteurs de la filière garde ce professionnalisme et que l’environnement politique et sociétal ne devienne pas trop restrictif.
Les industriels recherchent des surfaces. Peut-on dire que les producteurs sont en position de force ? Comment peuvent-ils en profiter ?
Les marchés ont en effet été plutôt porteurs l’année dernière et les industriels recherchent des surfaces. Mais il faut faire attention car ils peuvent se retourner très vite.
Par ailleurs, je suis inquiet de l’augmentation de la production qui ne s’accompagne pas de celle des moyens de stockage. Le manque de capacité de stockage est un frein à un bon équilibre du marché.
Ensuite, pour équilibrer les rapports de force, je rappellerai la nécessité pour les producteurs de se rassembler et de s’organiser entre eux. L’un des objectifs est de promouvoir une contractualisation équilibrée et compatible avec la gestion concrète de nos exploitations.
Enfin, la filière pomme de terre ne peut garder sa bonne santé que si elle dispose de moyens de production cohérents et suffisants. Les travaux de recherche d’Arvalis et nos exploitations se pilotent sur le long terme : nous avons besoin d’une visibilité politique et réglementaire sur ce sujet, ce que nous n’avons plus aujourd’hui.
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(1) Plan du gouvernement pour mieux anticiper le potentiel retrait européen de substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures.