En Espagne, les productions de pommes de terre (563 millions d’euros en 2021) représentent 1 % de la production agricole totale en valeur. Comme toutes les commodités soumises à des prix de vente très volatils d’une campagne à l’autre, le chiffre d’affaires annuel réalisé varie fortement. Mais si le royaume est structurellement déficitaire, il n’en demeure pas moins qu’il produit des pommes de terre onze mois sur douze. Aussi, lorsque les tardives finissent d’être arrachées chaque mois de décembre, les extra-précoces de la prochaine campagne sont déjà programmées pour être récoltées un mois plus tard.
Se contenter de définir la filière espagnole de pommes de terre à sa production (62 000 ha, 1,98 million de tonnes – chiffres 2023), à sa balance commerciale déficitaire (140 M € en 2023) et à ses importations massives de tubercules (1,03 million de tonnes) serait particulièrement réducteur. (1)
Extra-précoces et primeurs
En Union européenne, l’Espagne est un pays qui compte sur le marché européen pour approvisionner ses voisins en pommes de terre primeurs. Chaque début d’année, elle est un exportateur net de pommes de terre extra-précoces et primeurs. Puis l’été venant, elle devient importatrice nette de mi-saison et surtout de tardives.
Autrement dit, la filière espagnole de pommes de terre joue la carte de la complémentarité au sein de l’Union européenne. Favorisée par son climat, elle est au rendez-vous sur les marchés européens chaque début de campagne.
L’été arrivé, l’Espagne a déjà récolté un quart de sa production annuelle de tubercules.
Dès le mois de janvier, elle commercialise ses extra-précoces cultivées essentiellement aux Canaries et en Andalousie (62 000 t) suivies par ses précoces andalouses et expédiées de la région de Murcie (445 000 t).
Ces pommes de terre sont essentiellement exportées dans l’Union européenne. Comme le pays tire profit de sa proximité avec ses partenaires commerciaux, la France est le premier pays destinataire.
Au fil de la saison, deux autres régions prennent progressivement le relais : la Galice et la Castille-et-León, où sont récoltées les pommes de terre de mi-saison, puis les tardives.
Les quatre régions citées cultivent à elles seules 75 % de la production ibérique de pommes de terre (1) mais chacune est spécialisée dans un segment de marché particulier.
Comme nous l’avions déjà mentionné, la production espagnole de pommes de terre est structurellement déficitaire.
Toutes catégories confondues, les importations se sont élevées à 306 M€ en 2023 (versus 134 M€ en moyenne quinquennale) et les exportations à 165 M€ (versus 90 M€), selon le ministère espagnol de l’agriculture. Les échanges sont intracommunautaires à plus de 80 %.
Le déficit de la balance commerciale est proportionnellement plus important en volume qu’en euros, car les pommes de terre exportées sont vendues à des prix bien plus élevés que ceux auxquels les tubercules importés, en grandes quantités, sont achetés.
Mais ces dernières années, les échanges commerciaux ont davantage progressé en valeur qu’en volume, car les prix des pommes terre ont renchéris comme partout dans l’Union européenne. Et les précoces, encore plus augmenté que les autres !
À l’export, les 100 kg de précoces ont gagné 20 € en douze mois jusqu’à atteindre 57 € en moyenne l’an passé, alors que les pommes de terre importées avaient été facturées 42 €, soit 12 € de plus qu’en 2022.
Des échanges intra-européens
En volume, 380 000 tonnes de tubercules, toutes catégories confondues, ont été expédiées en 2023 dès la fin de l’hiver 2022/2023 (+25 % sur la moyenne quinquennale) dont 84 000 t au Portugal et 60 000 t vers la France, selon le ministère espagnol de l’agriculture.
Comme le marché espagnol est insuffisamment approvisionné, 1,03 million de tonnes de tubercules ont été importées, dont 74 % de France pour être consommées en frais ou transformées.
En 2023, la France a perdu des parts de marché en Espagne. « Habituellement, votre pays représente 79 % de nos achats, signalait le ministère de l’agriculture à la fin de l’année dernière en s’appuyant sur les chiffres des 9 premiers mois de 2023. Mais l’an passé, il a perdu dix points car les Pays-Bas et la Roumanie ont doublé leurs ventes ».
Performances agronomiques
En Espagne, parler de rendement moyen de pommes de terre n’a aucun sens (32,5 t/ha en moyenne) compte tenu de l’étendue de la gamme de tubercules produits.
Au cours d’une même campagne, les rendements variaient du simple au double : 19 t/ha pour les extra-précoces et 40,3 t/ha pour les pommes de terre de conservation récoltées à la fin de l’été.
En 2020, on dénombrait environ 41 600 agriculteurs producteurs. Une partie d’entre eux cultivent des pommes de terre (le ministère de l’agriculture ne dispose pas de chiffres plus précis).
La superficie de pommes de terre (62 000 ha en 2023 ; – 9 000 ha depuis 2017) ne cesse de diminuer. Mais cette baisse n’est pas uniforme, elle varie selon les régions et surtout, elle est en partie compensée par l’augmentation des rendements.
La superficie des pommes de terre ultra-précoces progresse chaque année et celle des pommes de terre tardives se maintient. Ce sont, en fait, les cultures précoces et mi-saison qui régressent, alors qu’elles se commercialisent très bien à l’export.
En 2022, le coût de production d’un hectare de pommes de terre (hors extra-précoces) était de 7 280 € et la marge de 2 600 € (subventions de 890 €/ha comprises).
Les pommes de terre sont cultivées en alternance avec des céréales, des légumineuses, des oléagineux ou des betteraves sucrières, etc. Parfois, la culture est également pratiquée en rotation avec des légumes, tels que les oignons ou des salades.
(1) Sources ministère espagnol de l’agriculture et ambassade.