« J’ai arrêté l’élevage en 2015 et commencé la pomme de terre en 2017 », explique Pierre-Henri Belvas, agriculteur à Regnauville dans le Pas-de-Calais, qui ne regrette pas son choix. Ses productions laitière et porcine manquaient de rentabilité et nécessitaient la construction de bâtiments neufs. À l’inverse, la pomme de terre, tout comme le lin, a le vent en poupe en raison de son niveau de marge.
Si l’agriculteur apprécie la rentabilité et le challenge technique de la culture du tubercule, il précise quand même que cette production est très gourmande en charges de structure. Sa solution pour démarrer : s’équiper progressivement, avec du matériel d’occasion, et parfois en copropriété. « Au début, j’ai sous-traité la plantation et l’arrachage à une ETA, explique l’agriculteur. J’ai juste acheté un déterreur avec un voisin, et des tapis télescopiques tout seul ». Mais en 2019, il a eu du mal à récolter ses pommes de terre à temps. « Je me suis fait peur ». Il achète donc une arracheuse d’occasion.
Par ailleurs, Pierre-Henri Belvas n’hésite pas à amortir son matériel par la prestation de service, comme il le fait d’ailleurs avec sa retourneuse à lin. « Je n’ai pas vocation à devenir entrepreneur de travaux agricoles, mais quand j’ai fini mon travail, je propose mes services autour de moi ». Puis, en 2022, l’agriculteur complète sa gamme avec l’achat d’une planteuse, d’une tamiseuse et d’un billonneur.
Pour le stockage, poste qui peut représenter de très gros investissements, l’agriculteur a réussi à reconvertir ses anciens bâtiments d’élevage. « Je stocke mes pommes de terre dans un hangar qui abritait des porcs sur paille, et fait de même pour le lin dans mon ancienne étable », explique-t-il. Les bâtiments sont isolés chaque année avec des bottes de paille, afin de protéger la récolte du gel. Une solution très économique mais qui ne permet pas un stockage après le mois de janvier. Il espère pouvoir un jour construire un vrai frigo à pomme de terre, mais le coût est beaucoup plus important.
Enfin, côté irrigation, l’agriculteur a commencé sans. Ce n’est que l’hiver dernier que l’agriculteur l’a installée sur une partie de son parcellaire.
Tempérance et stabilité sur les surfaces
Si Pierre-Henri Belvas réalise ses meilleures marges en pomme de terre et en lin, il tient à garder un équilibre entre ses différentes productions. Au-delà des aspects rotationnels, il considère la diversité des cultures comme sa meilleure assurance contre les aléas de la production ou la volatilité du marché. Ainsi, les 2 cultures phares coexistent avec des endives, des betteraves, des pois ou haricots de conserve, du blé et du colza. « Il ne faut pas se faire aveugler par des annonces de prix à 700 €/t de pomme de terre, 9 €/kg de lin ou un blé à 400 €. Cela ne représente pas le prix moyen sur le long terme », explique l’agriculteur, qui se méfie beaucoup des retournements de marché et cherche à développer une certaine résilience. Il se souvient de sa première campagne où il a vendu ses pommes de terre excédentaires sur le marché du libre à 20 €/t. Pour lui, la pomme de terre et le lin souffrent d’un manque de stabilité. Les cultures les plus rentables à un instant t courent le risque d’attirer un afflux de producteurs qui peut entraîner une surproduction et faire s’écrouler les prix. « Les prix trop hauts ou trop bas n’ont pas de sens », complète-t-il en appelant de ses vœux une régulation des surfaces allouées à chaque culture au niveau national et/ou européen, afin d’assurer un prix cohérent et stable.
Rotation et tamisage
Côté rotation, l’agriculteur privilégie les pommes de terre ou les pois de conserve derrière les dernières betteraves (P4) et les endives. « Le blé que je positionnais à cette place partait toujours avec un handicap ».
Au niveau de la préparation du sol, il a opté pour la tamiseuse. Non seulement cette dernière élimine les quelques cailloux que ses champs contiennent par endroits, mais aussi, selon lui, cette pratique permet de retenir un peu plus d’eau dans la butte. Par ailleurs, si le tamisage est très chronophage, il permet d’économiser du temps à la récolte et de moins solliciter l’arracheuse.
Enfin, l’agriculteur est particulièrement vigilant à la qualité de ses sols : « J’ai de la chance d’avoir des sols en bon état grâce à l’élevage que j’ai pratiqué jusqu’en 2017 », explique-t-il. Ainsi, il limite autant que possible le recours à la charrue et soigne bien ses couverts végétaux. Pour ces derniers, il vise un C/N faible et une densité importante afin de tendre vers 4 à 5 tonnes de MS.