« Plus tard dans la campagne, la baisse inéluctable des capacités d’exportations de la Russie pourrait soutenir le prix du blé », prédit Sovecon, la société russe de conseil agricole. Selon elle, 82,9 millions de tonnes (Mt) de grains seraient finalement récoltées cet été, soit 10 Mt de moins que l’an passé. Dans les régions centrales et de Sibérie, les récoltes déçoivent.

Cependant, le prix de la tonne de blé est passé sous le seuil de 200 € à Rouen. Il a perdu près de 25 euros en un mois. L’orge à moins de 170 € la tonne a baissé d’autant. La céréale est en compétition avec le blé de qualité fourragère très abondant.

« Les cours continuent se replier dans un marché mondial très concurrentiel », analyse le site agri-mutuel.com. Dans l’Union européenne, la parité de la monnaie unique accentue la baisse des cours en dollars.

En fait, la récolte française de blé inférieure de 25 % à la moyenne quinquennale n’a pas du tout impacté l’évolution des cours mondiaux. Sitôt récolté, le blé russe et ukrainien est mis sur le marché à des prix très compétitifs. Selon Ukragoconsult, l’Ukraine a déjà expédié 2,8 Mt de blé depuis le début de la campagne. Comparées à l’an passé, ses ventes ont doublé.

Abondance en Amérique du Nord

Par ailleurs, les productions de blé en Amérique du Nord sont annoncées très importantes. Les États-Unis et le Canada sont en mesure d’en exporter quasiment autant (47 Mt) que la Russie. Cette abondance saisonnière explique en partie la faiblesse des cours.

Les agriculteurs français sont ainsi doublement pénalisés par des prix et une production faibles.

« La diminution du rendement du blé tendre (- 16 %) conjuguée à la nette baisse des surfaces (4,2 millions d’hectares ; – 11 %) entraîne une chute de plus de 20 % de leur production de 2023 », souligne Agreste dans une note parue au début du mois d’août. En orges, le constat est similaire.

Dans les exploitations, ces mauvais résultats accroissent le coût de production de la tonne des céréales et le seuil de rentabilité des cultures.

La production française d’orges d’hiver (7,3 Mt) et de printemps (3,2 Mt) est inférieure de 15,3 % à celle de 2023 (12,3 Mt). Et celle de blé dur, d’1,2 Mt a diminué de 100 000 tonnes.

La France aura les moyens d’exporter du blé et de l’orge vers ses voisins européens (Belgique, Espagne notamment). Mais faute de grains, elle perdra les marchés reconquis ces dernières années hors de l’Union.

Les planteurs de pommes de terre, de betteraves et les maïsculteurs comptent sur ces productions pour se refaire. Actuellement, 14 Mt de maïs seraient susceptibles d’être engrangées (+1 Mt sur un an) dans les prochaines semaines, mais les rendements (88 q/ha) seraient inférieurs d’une dizaine de quintaux par hectare.

Notre pays porte seul la baisse de 8 Mt de la production européenne de blé. Celle-ci est dorénavant estimée à 118 Mt.

Pour les autres cultures, l’Union européenne ne fait pas d’exploits : 52,3 Mt d’orges (+2,5 Mt/2023) ; 63,6 Mt de maïs (63,6 Mt ; +0,5 Mt /2023) ; blé dur (7 Mt)

Sur les marchés, l’Australie est d’ores et déjà attendue en seconde partie de campagne avec des récoltes abondantes. Les retours simultanés de La Niña au sud du Pacifique et du dipôle de l’océan indien (IOD) (l’équivalent d’un El Niño indien), augurent des conditions de cultures très favorables. Selon Agur, société d’expertise agricole, l’Île continent serait en mesure de produire autant de céréales à paille qu’en 2022. Elle avait alors récolté plus de 40 Mt de blé et en avait exporté près de 32 Mt, soit 10 Mt de plus que la campagne passée.

Elle aurait ainsi les moyens d’être de nouveau très présente sur des marchés orientaux et asiatiques, qui lui avaient échappé les deux campagnes passées, faute grains. En effet, la Russie ne pourra exporter que 44 à 46 Mt de blé, soit 8 à 10 Mt de moins que l’an passé, selon le conseil international des céréales.