Parisienne depuis 25 ans, Albane de Warren a choisi de reprendre la ferme familiale située à Fontaine-Chaalis, dans l’Oise, en 2022. Tout juste quadragénaire, elle embarque son mari et ses trois jeunes enfants dans l’aventure. Pour Vincent, son époux agent immobilier, il s’agit d’offrir un meilleur cadre de vie aux enfants et d’encourager son épouse dans son projet. Car il en faut de l’énergie.

« Je n’étais pas destinée à devenir agricultrice. Je n’avais pas de connaissance en agriculture », affirme-t-elle. Mais quand son père, double-actif, souhaite transmettre son exploitation de 200 hectares, aucun de ses quatre frères et sœur n’est intéressé. L’attachement à la nature et l’amour du lieu l’ont décidée à relever le défi. Le corps de ferme du 18ème siècle, avec son pigeonnier colombier, appartient au patrimoine familial depuis 200 ans. L’ancienne salariée du marketing, spécialiste des bases de données, voit cette opportunité de reprise comme la possibilité de s’épanouir dans un nouveau projet. En 2018, la jeune urbaine entame une formation pour adulte au lycée professionnel d’Airion (60). Elle découvre avec humilité les termes techniques : socs de la charrue, croûte de battance… et suit ce qui se passe dans l’exploitation. Le Brevet professionnel de responsable d’entreprise agricole (BPREA) à peine en poche, elle s’installe et commence les grands changements !

En quinze jours, tout est en place

Elle se sépare des agriculteurs associés qui travaillaient avec son père. « Je n’ai gardé ni matériel en copropriété, ni salarié ». Elle consulte d’autres voisins agriculteurs ainsi que des concessionnaires sur les équipements adaptés. Suit la rencontre de la présidente d’une CUMA voisine, à qui elle décide de confier semis et récolte. N’ayant pas de bennes, l’agricultrice vend ses grains en départ bout de champ, avec les camions de la coopérative.

Le reste, elle gère. Elle achète deux tracteurs (160 cv et 120 cv), un épandeur et un pulvérisateur. Elle trouve d’occasion un déchaumeur et une charrue cinq socs. « Après les tours de plaine, le pulvérisateur est le matériel qui me permet de suivre précisément l’état de mes cultures. En quinze jours, j’ai réussi à tout mettre en place. L’important est de bien s’entourer », constate cette femme combative.

La voici au pied du mur ! Elle qui n’avait jamais conduit de tracteur. Même si le parcellaire se constitue de trois gros blocs, il a fallu oser se lancer avec le pulvérisateur de 36 mètres. « J’ai encore un peu de mal avec les coins, avoue-t-elle, mais je m’améliore ». Les concessionnaires et un ancien salarié de la ferme, retraité, lui ont transmis les bases. En cas de pépin, comme quand une rotule de rampe s’est cassée, elle n’hésite pas à demander de l’aide autour d’elle. Quant à ceux qui lui recommandaient de rester à la maison avec les enfants et qui ralentissent pour examiner comment elle « se débrouille », ils lui donnent la hargne de réussir.

Pour établir ses itinéraires culturaux, Albane s’appuie sur les techniciens des coopératives et les échanges de son CETA (groupe de développement). « Cela me permet de relativiser mes problèmes, comme les chénopodes dans les betteraves ou les chardons dans les tournesols. Chacun expose ses réussites et ses échecs. Dans ce métier, il faut à tout prix éviter d’être seule », analyse la cheffe d’exploitation.

S’entourer

Comme elle aime le contact, l’agricultrice ouvre sa ferme et la fait découvrir lors d’évènements divers. En juin, avec son mari, ils accueillent le festival « Concerts à la ferme » ainsi que l’exposition d’artistes « Pein’Art ». La ferme reçoit en septembre la brocante des Parcs et Jardins de l’Oise. Albane en profite pour partager sa vision de l’agriculture. Elle parle avec enthousiasme des 3,5 kilomètres de haies de l’exploitation, qui limitent l’érosion et améliorent la biodiversité. Elle se réjouit de la présence de perdrix grises, des faucons, des chouettes hulottes, de 15 nids d’hirondelles et des perchoirs à rapace posés pour contrôler naturellement les mulots. Elle explique aussi la lutte contre les adventices. « Certains s’imaginent que le pulvérisateur est rempli de matières actives pures, sans dilution ! » s’étonne-t-elle. Elle dévoile son assolement, qu’elle a fait évoluer de trois cultures (blé, colza, betterave) à dix. Elle présente la division de son parcellaire en blocs de 20 ha maximum, son partenariat avec les pompiers et la FDSEA avec une cuve de 10 000 litres d’eau au milieu des champs, contre les incendies. « Je n’ai pas de sujet tabou. J’explique mes choix et mon humilité devant la nature ».

« Après deux campagnes, même si tout n’est pas évident, j’ai nettement amélioré les résultats de la ferme. J’apprends tous les jours ». Son mari lui a offert le livre « Il est où le patron ? ». Apparemment, il apprécie aussi.