« La plaine est plutôt belle, mais elle a 15 jours de retard à cause des semis tardifs et du manque d’ensoleillement », explique Ghislain Malatesta, le directeur de l’expérimentation et de l’expertise régionale de l’ITB. « Par ailleurs, les betteraves ont été attaquées par la plus grosse population de limaces que j’ai jamais vue depuis 30 ans, même en Champagne, région moins sensible à ce ravageur ». En effet, les semis 2024 ont été marqués par une météo particulièrement pluvieuse qui a non seulement retardé les chantiers, mais aussi favorisé l’activité des nombreuses limaces présentes dans les parcelles en raison de l’humidité permanente des derniers mois. Les parcelles ont perdu des pieds et ont nécessité, dans certains cas, un ressemis. Si certaines parcelles manquent de densité, l’impact sur le rendement devrait être limité. Cependant, la pression des limaces sera à surveiller très attentivement lors du semis des couverts et des prochaines cultures (colza, orge et blé particulièrement), prévient l’agronome.

Autre ravageur, les tipules: elles se sont montrées particulièrement présentes ce printemps. Enfin, dans la plupart des régions, en raison de l’arrêt de l’usage des néonicotinoïdes, l’ITB assiste à une recrudescence de certains ravageurs qui avaient été peu observés jusqu’à 2022 (altises, atomaires, collemboles et pégomyies). L’institut technique relève une faible présence de Lixus, mais pas de teigne.

Ghislain Malatesta note aussi de nombreuses zones de tassement, liées aux fortes précipitations que la plaine a reçues depuis octobre dernier.

Des parcelles propres

Côté adventices, le désherbage s’est très bien passé, parfois trop. Les parcelles sont propres, mais dans certains cas, les herbicides ont causé de la phytotoxicité sur les betteraves, ralentissant leur croissance, voire entraînant une perte de pieds. Alexandre Quillet, le président de l’ITB, relève de nombreux problèmes de phytotoxicité qu’il attribue entre autres aux conditions hygrométriques qui auraient nécessité une adaptation des doses de désherbant et surtout d’huile, adaptation qui n’a pas toujours été faite. Il relève aussi que plusieurs chercheurs se demandent si l’éruption solaire du 3 au 9 mai n’a pas eu une influence sur la sensibilité des betteraves. Le sujet reste à creuser.

Le désherbage des betteraves Conviso Smart est aussi très satisfaisant. Pourtant, ce n’était pas gagné. En effet, les conditions pluvieuses ont empêché certains planteurs de traiter au bon moment. « Ils sont donc intervenus quand le sol était quasiment couvert par les adventices, et pourtant cela a fonctionné à 100%. C’est plutôt une bonne nouvelle pour la technique », se réjouit Alexandre Quillet. Une expérience riche d’enseignement pour les prochaines années.

Enfin, il note pour l’instant un taux de betteraves montées très limité en raison d’une faible vernalisation.

Des pucerons peu virulents

« Les pucerons verts sont arrivés plus tôt que prévu », affirme le président de l’ITB. Cependant, il précise que les infestations ont été globalement faibles car ils n’ont pas été très dynamiques et se sont peu reproduits. Le modèle de prédiction utilisé a donc montré ses limites et doit être amélioré. Est-ce que les conditions météorologiques de ce printemps froid et humide et les bonnes pratiques des agriculteurs y sont pour quelque chose ? Quoi qu’il en soit, l’ITB a détecté les premiers symptômes en Centre-Val de Loire le 10 juin, où la pression est la plus importante. Selon Ghislain Malatesta, on peut trouver des betteraves contaminées sur tout le territoire betteravier, mais ce sont des plantes isolées. Pour l’instant, l’impact de la jaunisse est relativement faible.

Toujours à propos d’insectes, des cicadelles, le vecteur du syndrome des basses richesses (SBR), ont été repérées en Alsace grâce au réseau de piégeage mis en place cette année par l’ITB sur tout le territoire betteravier. À noter que le SBR, tout comme sa cousine la maladie de la betterave caoutchouteuse, fait déjà de gros dégâts en Allemagne. L’ITB s’est emparé du sujet afin d’anticiper une possible contamination des betteraves françaises dans les années à venir.

Vigilance pour la cercosporiose

« La cercosporiose est arrivée beaucoup plus tôt que d’habitude », affirme Alexandre Quillet. L’ITB a observé les premiers symptômes au sud de la Champagne et dans le Centre – Val de Loire, où 50 % des sites observés ont atteint le seuil d’intervention ». Par ailleurs, la pression est particulièrement forte en Alsace.

Mais bonne nouvelle, « la dérogation sur le produit Airone SC a été délivrée en temps et en heure cette année », se réjouit Nicolas Rialland, le directeur général de la CGB, notamment grâce au travail fait par l’ITB et le syndicat betteravier auprès du ministère de l’Agriculture. Attention, « l’Airone est le seul produit cuivré recommandé par l’ITB, au regard de son efficacité sur betterave, précise-t-il. En revanche, certains organismes stockeurs (OS) n’ont pas anticipé la dérogation et n’ont donc pas la disponibilité suffisante », regrette-t-il.

De son côté, Alexandre Quillet recommande aux planteurs de croiser l’observation de leurs parcelles avec la carte « Alerte maladies » disponible sur le site de l’ITB et l’OAD Cercocap afin de positionner les interventions fongicides au bon moment. Pour les autres maladies, on peut aussi noter une forte attaque de mildiou, quelques traces d’Aphanomyces sur des sols asphyxiants et quelques taches de rouille. La moitié du chemin est parcourue, rendez-vous à la récolte.