Pendant deux années successives, 46 nouvelles variétés de blé tendre ont déjà subi l’épreuve d’une météo très contrastée : printemps sec et peu de maladies en 2022 ; printemps pluvieux et forte pression de septoriose en 2023. Philippe du Cheyron, ingénieur Arvalis au sein du pôle variétés, génétique et semences, confirme le nécessaire recul sur plusieurs années d’essais pour évaluer la robustesse des performances : « les résultats doivent être réguliers ». Systématiquement, il recommande le panachage de l’assolement avec au moins trois variétés de blé pour lisser le risque face aux aléas climatiques. « Dans les zones déjà soumises à des risques d’échaudage en raison du manque d’eau ou avec des sols peu profonds, le choix s’oriente vers des variétés précoces à l’épiaison », ajoute-t-il.

Dans les situations à fort potentiel de production, Anne-Sophie Colart, ingénieure technique Arvalis pour la zone Nord, rappelle que « le premier critère de choix reste le rendement par groupe de précocité ». En parallèle, la tolérance à la septoriose, aux rouilles, notamment jaunes, permet de diminuer le recours aux fongicides. « Ce sont des critères de sélection importants, observe-t-elle. De plus, celui sur le critère piétin verse entre davantage en ligne de compte ». Ensuite, le choix s’affine selon les situations agronomiques particulières. « Derrière un maïs, une note fusarium plus élevée devient nécessaire, indique-t-elle. La tolérance au chlortoluron est considérée en cas de problème de désherbage des graminées. Nombre de variétés adaptées aux zones betteravières répondent à ces situations. » En revanche, elle note le manque de références pour les semis précoces.

Tiers nord de la France, des nouveautés demi-tardives très productives

D’ores et déjà, sur le seul critère du rendement, de nouvelles variétés demi-tardives à demi-précoces à épiaison dépassent les références dans les essais d’inscription CTPS-Geves. KWS Etoile (précocité 5,5) fait partie du haut du classement.« KWS Etoile est très bien adaptée au nord de la France pour les semis de première quinzaine d’octobre en sol profond, complète Philippe du Cheyron. Au profil complet, ce BPS possède une teneur en protéines, compte tenu de sa productivité et d’un PS élevé. »

KWS le recommande pour le tiers nord et souligne sa régularité. « La note à l’inscription à 105,1 % du rendement des témoins confirme une productivité élevée en 2022 et en 2023 », explique David Bernard, responsable du développement Nord-Est de la France chez KWS. Doté du gène Pch1, ce blé est résistant vis-vis du piétin verse (6). Il est bien noté pour l’oïdium (8) ainsi que la rouille jaune (7) et tolère le chlortoluron.

Autre variété repérée pour ses très bons scores : Kingkong. Plus précoce (6) que KWS Étoile, elle se situe en rendement à 105,8 % des témoins. « Elle peut se semer sur des sols moins profonds et pourrait peut-être descendre jusqu’à la zone Centre », ajoute Philippe du Cheyron. Par ailleurs, son profil maladie est assez complet : septoriose (6,5), rouille jaune (7) et fusariose (5,5). Elle se démarque vis-à-vis de l’oïdium (9). Une bonne teneur en protéines pour son niveau de productivité et un bon PS la caractérisent. « Régulière, elle s’inscrit dans le même cycle de culture que Chevignon », relève Florent Cornut, directeur de Secobra Recherche. Quant à Olaf, ce blé apporte de la rusticité sur l’ensemble des maladies et un bon rendement (104,5 % ).

Outre sa productivité, RGT Indexo (104,5 %) affiche les plus faibles pertes de rendement en l’absence de traitement fongicide. Cette variété révèle un très bon comportement aux maladies : note 8 pour l’oïdium et la rouille brune, 7 pour la rouille jaune, 7,5 pour la septoriose. Elle est résistante vis-à-vis du complexe mosaïque et tolérante au chlortoluron.

LG Aero (104, 1 %) témoigne d’une bonne résistance à la cécidomyie orange et au piétin-verse, un bon comportement face à l’oïdium et la rouille jaune. Toutefois, elle est sensible à la fusariose. À semer en première date de semis.

Nouveautés demi-précoces à haut potentiel

Parmi les nouveautés demi-précoces à précoces à l’épiaison, donc à semer plus tardivement, l’hybride SU Hylord se positionne en tête sur le critère de rendement à l’inscription (108,6 % des témoins). La variété est assez résistante à la rouille jaune et à la septoriose, peu sensible au piétin verse (gène Pch1). « Les hybrides tallent bien ce qui vaut d’adapter leur densité de semis, recommande Emmanuel Sterlin, responsable marketing et communication de Saaten Union. Ils correspondent bien en blé de betteraves ». Dans le sillage de Chevignon, Saaten Union propose SU Horizon (103,4 %) et SU Pulsion (105,2 %). Cette dernière est très bien notée pour la septoriose (7,5), l’oïdium (8). Elle s’avère tolérante aux mosaïques et au piétin verse (7). Son niveau de PS est élevé (7).

RGT Lookeo (105,8 %) figure dans ce pool productif. Ce BPS de précocité 6,5 possède de bons niveaux de résistance à la septoriose (7), au piétin verse (6) et à la rouille brune (8). Il coche aussi les cases de résistance à la cécydomie orange et aux mosaïques ainsi que celle de la tolérance au chlortoluron. « Son profil est bien équilibré avec, en plus, les résistances piétin verse, mosaïques et cécidomyie orange, précise Philippe du Cheyron. Plutôt précoce, elle correspond bien au semis plus tardif de fin octobre/ début novembre en zone nord et centre. » Quant à RGT Farmeo (6,5), il affiche aussi un bon profil maladies et 105,8 % de rendement.

Le blé panifiable précoce Thermidor (7), se révèle très productif (107,8 %), tolérant à la septoriose (7,5) et à la rouille jaune (7) mais sensible à la rouille brune. Il est résistant à la cécydomie orange et aux mosaïques.

Par ailleurs, les nouvelles variétés demi-précoces RGT Farmeo, SU Horizon et Godzilla (101,2 %) perdent peu en rendement dans les essais sans traitement fongicide.

Pour les zones sud (Bassin parisien, Centre) ou pour des semis tardifs, afin d’éviter les fins de cycles échaudantes, Academy, variété précoce (7), se destine en terres colorées (à éviter en craie). Sa note CTPS est de 103 %. Elle offre un profil équilibré avec 7 en verse et en rouille jaune ainsi que 6,5 en septoriose. Avec 5 en fusariose, elle est bien pour blé de maïs. « Elle est celle qui détient le maximum de points CEPP* », souligne Jonathan Thevenet, de Florimond Desprez. Keanu offre aussi un profil intéressant semé début novembre. Enfin, l’hybride SU Hybiscus (111,2 % en cotation CTPS) ressort premier pour le rendement en zone précoce et une régularité de rendement. SU Sauvignon (7) affiche 102,6 %.

« En raison des semis tardifs, Celebrity, Prestance et Tenor se sont fortement déployés en 2023 pour la zone Hauts-de-France et Normandie, témoigne Anne-Sophie Colart, ingénieure technique Arvalis de la zone Nord. Quant à Chevignon et KWS extase, elles sont encore bien présentes en 2023-2024. Ces variétés semblent bien se comporter face à la forte pression de septoriose et de rouille. »

Parmi les variétés plus récentes, elle note le développement d’Intensity, Su Addiction et de Pondor. Par ailleurs, dans les résultats en post-inscription (3 ans), pour cette zone du Nord, Prestance ressort très performante. « Elle correspond bien pour les semis derrière les betteraves car elle est très précoce, indique Philippe du Cheyron, ingénieur au pôle variétés, génétique et semences. De plus, le semis tardif limite les risques liés à sa sensibilité à la verse ».

Avec un arrachage des betteraves pas trop tardif (semis mi-octobre), il cite notamment Chevignon, Pondor, Junior, KWS Extase, KWS Perceptium, KWS Sphere. LG Audace (5,5) se sème plus tôt.

En zone intermédiaire, pour des semis tardifs, Arcachon, Complice, SU Hycardi, Karoque et Prestance conviennent bien. Il mentionne notamment dans la liste des profils équilibrés et assez précoces en épiaison : RGT Propulso, Karoque, Celebrity et Balzac. « Intensity est une variété excellente pour les semis un peu plus précoces », complète l’ingénieur.​​​​​​