Petit rappel : créée il y a quinze ans, la carte européenne d’armes à feu est un document obligatoire si on veut transporter son arme dans un pays de la communauté.

Valable pendant cinq ans seulement, il fallait donc retourner régulièrement à la préfecture de police pour faire tamponner le précieux document. L’affaire ne se réglait pas immédiatement. Après avoir fait sa demande, il fallait attendre un courrier de l’administration vous avisant que le sésame était actualisé. La procédure pouvait durer plusieurs semaines.

Petite révolution ces derniers mois : il est désormais possible de remplir un formulaire sur le « râtelier virtuel » et de faire imprimer sa carte européenne à la maison.

Une première européenne, selon le ministère de l’Intérieur. La carte fonctionne « grâce à un QR code qui pourra être lu et contrôlé partout en Europe, via une application que le détenteur pourra choisir de présenter aux autorités locales, soit en version numérique depuis un « smartphone », soit en version imprimée ».

Dans la jungle du RGA

Si cette nouvelle mesure fait son apparition, c’est bien pour simplifier les procédures administratives pour les détenteurs, indique le ministère. « Mais également, ajoute-t-il, pour les agents de préfecture qui se verront déchargés de ces formalités pour renforcer leur capacité d’instruction des dossiers et de contrôle. »

Saluons l’initiative. Pour une fois, il s’agit bien d’alléger la paperasse et de permettre à tous les usagers de régler l’affaire sans se déplacer.

Attention quand même ! Ce n’est pas si facile. Il faut au préalable avoir inscrit l’arme que vous destinez au voyage. Et surtout, s’il s’agit d’un fusil ancien, l’affaire se corse. Il faut en effet « rechercher le code correspondant au modèle de mon arme sur le RGA ». Le Référentiel Général des Armes est un salmigondis de chiffres, de notules, d’arabesques et de codes bizarres. Après avoir erré longtemps dans ce dédale, on finit par trouver quelque chose et l’on croise les doigts en espérant que cela fonctionne.

On aurait pu imaginer une procédure plus simple : type d’arme (fusil ou carabine), marque, calibre, numéro de fabrication. Écrire, par exemple : Beretta, fusil à canons lisses, superposé, calibre 20, numéro 30417. Mais c’était sans doute trop facile ! Il faudra donc plonger dans la jungle du fameux RGA … Cela posé, si vous avez réussi à inscrire votre arme, vous tenez le bon bout. Bien concentré devant « votre râtelier numérique », cliquez sur « mes démarches » puis « ma carte européenne » en priant le ciel de ne pas voir surgir les mots diaboliques : « serveur bloqué, réessayez plus tard ». Vous ajoutez une photo d’identité et cliquez sur « générer ma CEAF ». Puis, vous remontez en haut de page et cliquez sur « mes titres de détention ». La carte européenne est inscrite. En cliquant sur l’onglet bleu, vous allez la télécharger. Il ne reste plus qu’à l’imprimer. Ouf !

Si vous rencontrez un problème après avoir inscrit vos armes sur le râtelier, le mieux est d’aller voir un armurier qui jongle avec tout cela avec une stupéfiante habileté.

En Afrique noire, on s’en fiche

Le râtelier virtuel n’emballe pas les foules. Willy Schraen, le patron des chasseurs, a déclaré qu’il n’ouvrirait pas de compte. Entre 600 et 700 000 personnes ayant validé un permis de chasser une fois dans leur vie en ont ouvert un. Sur un total estimé entre 2 et 4 millions. Il est vrai que la procédure est fastidieuse. Et que si vous avez, par malheur, égaré votre numéro d’identifiant, il est pratiquement impossible de le récupérer.

On vous demandera, par exemple, quel est le nom de votre animal de compagnie favori. Et vous aurez beau envoyer tous les noms des compagnons à quatre pattes qui vous ont accompagné, la machine restera bloquée. Le service d’assistance numérique du SIA est inopérant et usant pour les nerfs. Sur les conseils d’un armurier, j’ai fini par correspondre à Tulle (oui) avec une certaine Rebecca, agente du ministère de l’intérieur. Aussi dévouée qu’efficace, elle m’a sauvé. Je donne volontiers son mail aux lecteurs du Betteravier qui seraient en perdition : rebecca.tulle@​interieur.gouv.fr.

C’est une perle !

Reste une question : la « carte d’identité européenne d’armes à feu » est-elle toujours efficace ? La vérité oblige à répondre que certains postes de douane s’en fichent. Ils veulent d’autres papiers, ceux de leur ministère de l’intérieur. A Cork, en Irlande, un douanier l’a regardée comme si je lui présentais une image licencieuse. Et, bien entendu, quand on s’en va chasser hors de l’ Union européenne, le document devient une simple feuille volante.

Si Royal Air Maroc le considère comme une preuve de l’appartenance de l’arme, les compagnies aériennes du Cameroun, du Sénégal ou du Burkina n’y attachent aucune importance.