Depuis une quinzaine de jours, le prix de la tonne de blé oscille autour de 240 € sur le marché de Rouen après avoir coté 267 € le 27 mai dernier. De tels prix n’avaient pas été atteints depuis plus d’un an. En trois mois, le cours de la céréale a ainsi progressé de près de 60-70 €.

Dans la foulée, les prix de l’orge et du maïs ont dépassé le seuil de 200 €.

Leur écart avec le blé se creuse, car aucune réelle tension n’est perceptible sur les marchés des céréales secondaires. Hors Chine (924 Mt), leurs productions seraient excédentaires de 15 Mt. Et comme l’empire du milieu s’apprête à moissonner 296 Mt de maïs (un record), elle n’en importerait que 19 Mt durant la prochaine campagne 2024-2025.

Pour le blé, la fin de l’actuelle campagne est très dynamique. L’Algérie, l’Égypte et la Tunisie se sont récemment engagées sur plus d’un million de tonnes.

Cependant, la céréale semble d’ores et déjà le maillon faible de 2024-2025. Sa production mondiale, estimée à 800 Mt, serait à peine suffisante pour couvrir des besoins tirés par une croissance démographique continue. Et comme l’approvisionnement des marchés sera essentiellement assuré par les grands pays exportateurs situés dans l’hémisphère nord, tout se jouera dans les prochaines semaines.

Or, en Ukraine, « les superficies cultivées en blé ont diminué et la récolte devrait être inférieure de 2 à 2,5 Mt à celle de l’année dernière », rapporte UkrAgroConsult (UAC) dans son dernier bulletin d’information, le 4 juin dernier. Pour le Conseil international des céréales (CIC), le repli serait même de 4 Mt à 23,7 Mt.

En Russie, la production de blé est dorénavant estimée par Sovecon.ru à 85 Mt ; une estimation reprise par le CIC. Dans les régions du Sud, la céréale manque toujours d’eau et dans le Nord, elle ne se remet pas de l’épisode de gel du mois dernier : les températures avaient alors atteint – 6 °C.

Le disponible exportable serait alors de 46 Mt, le plus faible dès trois dernières campagnes.

Dans l’Union européenne (UE), les perspectives s’assombrissent. La Commission européenne estime à 120 Mt (131 Mt versus 2019, année record) la prochaine production de blé et à 32 Mt ses capacités d’exportation.

Seuls le Canada et les États-Unis (85 Mt à eux deux) anticipent une campagne commerciale prometteuse. Mais bien qu’ils fassent jeu égal avec la Russie, les deux pays ne pourront exporter que 37 Mt de blé. En conséquence, seules 180 Mt de grains sont susceptibles d’être échangées dans le monde par les principaux pays exportateurs, soit 12 Mt de moins qu’en 2022-2023 alors que la consommation mondiale aura entretemps progressé de 6 Mt.

Les sombres perspectives européennes pour la prochaine moisson viennent aussi de la France. La Commission européenne estime la récolte de blé à 31,8 Mt, soit la plus faible après celles de 2016 et de 2020. Mais compte tenu de l’état des cultures, à peine 30 Mt de blé pourraient être engrangées. Tout porte à croire que la conjoncture de prix sera bien plus favorable que ces années-ci.

Toutes céréales confondues, l’Union européenne parviendrait à s’inscrire quasiment dans la moyenne des 5 dernières campagnes en récoltant 278 Mt de grains. Les productions d’orges (64 Mt) et de maïs (68 Mt) (1), attendues en hausse de 12 Mt, compenseraient la faible performance en blé. L’Union européenne parviendrait alors à exporter l’équivalent de 7,5 Mt d’orges et à n’importer que 17,5 Mt de maïs.

Mais la France ne produirait que 60 Mt de grains, soit 4 Mt de moins que la moyenne des cinq dernières années. La production d’orges (11,2 Mt) serait inférieure d’1 Mt à l’an passé en raison des piètres conditions de cultures. Quant au maïs, les semis se poursuivent entre deux précipitations avec plus d’un mois de retard. Selon Agreste, 1,4 million d’hectares sont susceptibles d’être semés.

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(1) une estimation établie sur la base des 9 millions d’hectares cultivés.