J-Distas est un outil stratégique conçu pour faciliter le choix et le dimensionnement des matériels agricoles en se basant sur le nombre de jours disponibles pour différentes opérations culturales. L’outil est issu d’un projet partenarial conduit par Arvalis auquel l’ITB a participé. C’est actuellement un outil de travail interne aux instituts techniques, dont l’accès devrait être élargi à terme. Une de ses innovations est l’évaluation de jours disponibles pour le désherbage mécanique.

Une variabilité géographique pédoclimatique dans les résultats

Les calculs de jours disponibles sont établis sur la période de 2 mois pour la bineuse d’inter-rang, 15 avril à 15 juin, la période considérée pour la herse étrille (en plein) s’arrête au 15 mai. Les premiers résultats (figure 1) permettent de mettre en avant une variabilité géographique dans les jours disponibles pour le désherbage mécanique, qu’il s’agisse de la herse étrille ou de la bineuse. La région champenoise, en sols de craie, s’affiche comme la plus propice au désherbage mécanique avec 29 jours disponibles médians pour la herse étrille et 56,5 jours pour la bineuse. Cette variation s’explique par les différents contextes pédoclimatiques (type de sol et météo) de chaque région. Pithiviers, qui présente un sol argileux moins propice au désherbage mécanique, affiche 14 jours disponibles médian en moins que Reims.

Quels que soient les sites, la variabilité interannuelle (figure 2) est assez forte avec des nombres de jours disponibles qui passent du simple au double. Les années humides présentent des jours disponibles de désherbage mécanique réduits comme en 2016, où la région d’Arras enregistre seulement 20 jours disponibles pour les passages de bineuse (divisés par 3 par rapport à une année sèche comme 2020). Cette année-là, c’est Pithiviers qui affiche le plus de nombre de jours disponibles (les très fortes pluies sont intervenues plus tard) alors que c’est paradoxalement la station qui affiche le moins de nombre de jours disponibles médians sur 10 ans. L’outil montre alors que ce ne sont pas forcément les régions historiquement peu propices au désherbage mécanique qui s’en sortent les moins bien en années humides.

La figure 3 permet d’apprécier la répartition des jours disponibles pour l’année 2015 à Arras. Cette année est considérée comme moyenne avec 46 jours disponibles pour la bineuse. On constate facilement les épisodes pluvieux sur la frise avec les périodes en rouge, surtout marqués avant le 15 mai. D’autres frises pour des années sèches (2011) ou humides (2016) sont présentées dans la même figure.

Un outil qui surestime sans doute les jours disponibles avec un paramétrage perfectible

L’outil J-Distas fournit des résultats qui peuvent poser question par rapport à la réalité de terrain. En effet, cet outil de simulation annonce 29 jours médians disponibles pour Reims sur une période d’un mois (15 avril au 15 mai) pour le passage de la herse étrille, ce qui semble nettement surestimé. En effet, difficile d’imaginer sur cette période 29 jours médians sans précipitation, avec des conditions sèches optimales pour le désherbage mécanique.

Pour bien comprendre et valoriser les évaluations, il faut considérer que l’outil donne l’information sur la disponibilité du jour sans donner d’indications sur un nombre d’heures effectivement disponibles. Dans la situation de Reims, en sol à ressuyage rapide, les formalismes peuvent amener à considérer comme disponibles des jours qui ne le sont que partiellement. Par exemple, si une pluie intervenue le matin est asséchée par une température et une évapotranspiration potentielle (ETP) assez forte qui permettra d’intervenir, mais en fin de journée seulement. De même, il intègre des informations sur les capacités de dessication des adventices en fonction du climat des jours qui suivent l’intervention, dessication qui peut être favorable malgré des précipitations dans la journée (dans le paramétrage actuel, le désherbage est réussi si au moins 40 % des adventices ont une bonne exposition à la dessication, seuil qu’il faudra sans doute remonter pour correspondre aux critères d’une intervention réussie).

Les formalismes qui permettent d’évaluer des nombres de jours disponibles ne peuvent pas prendre en compte tous les paramètres, et un outil comme J-Distas fournit des indications mais ne recouvre pas la complète réalité du terrain. Le cas du désherbage mécanique est particulièrement complexe. L’outil ne peut pas prendre en compte ni l’infestation initiale en adventices ni le stade des adventices, ce dernier étant un critère majeur dans la réussite ou non de l’opération de désherbage mécanique.

Enfin, comme le montre la frise en figure 3, l’outil affiche un nombre de jours disponibles sans tenir compte du cadencement des opérations de désherbage mécanique qui est nécessaire pour une bonne réduction du salissement (généralement un délai d’une semaine à dix jours entre deux interventions est laissé, ce qui implique qu’on retrouve des jours disponibles à cette échéance). Dans le cas de 2015, le premier passage de herse étrille à un stade jeune de la betterave est possible, mais ensuite, jusqu’au 15 mai, aucun passage n’est envisageable dans de bonnes conditions.

L’outil établit donc une base d’évaluation, mais nécessite dans son développement actuel une interprétation des résultats qui doit intégrer les spécificités de mise en œuvre du désherbage mécanique.

Un outil qui fonctionne selon des indicateurs

Pour être capable d’évaluer le nombre de jours disponibles de désherbage mécanique sur les vingt dernières années, l’outil a besoin d’indicateurs agrégés sous forme de règles de décisions (figure 4). Le premier indicateur concerne la travaillabilité du sol. À partir des données météo et du type de sol, la consistance est simulée. L’outil distingue 4 états possibles : dure, friable, semi-plastique ou plastique, avec des seuils associés à chaque consistance. Une distinction est faite pour la consistance dure avec des conditions considérées bonnes qui varient en fonction de l’outil de désherbage mécanique utilisé (une herse étrille travaille moins bien dans ces conditions qu’une bineuse).

Le deuxième indicateur utilisé est l’aptitude à la dessication des adventices. Trois classes de climat ont été définies en fonction de leurs aptitudes à être favorables ou non à ce critère. Ces données proviennent d’un modèle créé à partir d’expérimentions historiques sur la dessication des adventices menées ces 20 dernières années par Arvalis. Dès lors, en combinant le résultat de simulation de travaillabilité du sol avec l’aptitude à la dessication des adventices, l’outil est capable de fournir le nombre de jours disponibles de désherbage mécanique pour chaque année.

CE QU’IL FAUT RETENIR

– L’outil J-Distas simule le nombre de jours disponibles pour les opérations de désherbage mécanique à partir de deux indicateurs : la travaillabilité du sol et l’aptitude à la dessication des adventices.

– L’établissement de jours disponibles ne peut pas prendre en compte tous les paramètres, particulièrement ceux du désherbage mécanique : il en résulte une tendance structurelle à la surestimation par rapport à la réalité du terrain. Ces premiers résultats doivent pour l’instant être analysés avec du recul.

– Des variabilités géographiques et interannuelles sont mises en évidence par l’outil.

– Un travail de validation des seuils doit être entrepris.

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