Quand on a un haut niveau de responsabilité au sein des instances européennes, les choses peuvent avancer très vite. Comme nous l’écrivions dans le Betteravier n°1173, Ursula Von Der Leyen a été choquée quand un loup a dévoré « Dolly », le poulain de ses petits enfants. Jusque-là, elle considérait le prédateur comme un animal paisible et ignorait les plaintes des éleveurs. Mais elle a été touchée au cœur et les commissaires ont été priés d’avancer rapidement sur ce dossier. Donc, fin 2023, après consultation de toutes les parties concernées, la Commission a estimé nécessaire d’abaisser le niveau de protection. D’un statut « strictement protégé », l’animal passera à celui de « protégé ». Pourquoi ? Parce qu’il est maintenant admis qu’il pose un sérieux problème aux éleveurs, que des centaines de brebis tombent chaque année sous sa dent, que l’espèce explose et qu’il faut maintenant la réguler. Selon le dernier recensement européen, il y aurait aujourd’hui 20 356 loups en Europe. Ils sont revenus partout sur le continent, après avoir été éradiqués ou décimés, depuis le XIXème siècle. La population a quasiment doublé en une décennie. C’est autour de la Baltique, et surtout dans les Balkans que le loup est le plus présent. La Roumanie est le pays qui en compterait le plus grand nombre, avec plus de 2 500 individus.
La directive européenne « Habitats » octroie au loup, depuis 1992, une protection totale contre la chasse ou la capture. Pour la changer, il faudra modifier la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel, à l’unanimité des 50 pays qui en font partie. Ce ne sera pas facile, mais Ursula Von Der Leyen est à la manoeuvre. « La concentration de meutes de loups dans certaines régions européennes est devenue un réel danger pour le bétail et, potentiellement, pour l’homme », a-t-elle martelé. Dans combien de temps aboutira-t-on ? C’est la question. Les débats au Parlement européen sont longs. Les commissions s’enchainent. Les lobbies travaillent dans l’ombre. Et ceux des « pro loup » sont aussi influents que ceux des « anti ». D’autant que l’opinion publique qui, pour l’instant, n’est pas trop confrontée à l’animal, en voit surtout le côté majestueux.
Légitime défense
Mais, dans la réalité, Ysengrin peut se montrer menaçant et pas uniquement avec le bétail. Le 2 janvier dernier, un chasseur de Lorgues, dans le Var, a expliqué à France Bleu avoir tiré sur un animal, alors que celui-ci s’apprêtait à l’attaquer. Il s’est ensuite immédiatement rendu à la gendarmerie, pour plaider la légitime défense. Chassant la grive, il s’était arrêté pour enlever des « épillets » de graminées fichés dans les poils de sa chienne, quand celle-ci s’est mise à grogner. Des grognements auxquels en répondirent d’autres. C’est alors que le chasseur a vu le loup à quelques mètres. Et qu’il a tiré… L’animal s’est ensuite sauvé. C’est évidemment le chien du chasseur qui a provoqué l’attaque. Cela posé, si le loup s’était jeté dessus, l’homme aurait-il fait partie des dommages collatéraux ? En tout cas, le coup de fusil a été dissuasif. L’animal était-il gravement blessé ? L’Office Français de la Biodiversité (OFB) a mené des recherches avec un chien de sang. Sans résultat.
Quant au chasseur, il a été entendu par deux agents de l’OFB, et une enquête judiciaire a été ouverte.
« Une hécatombe silencieuse »
Quoi qu’il en soit, le débat reste vif entre les « régulateurs » et les « protecteurs ». Le quota de prélèvement national était de 174 l’an dernier. L’association Ferus a aussitôt dénoncé « une hécatombe silencieuse ». L’animal a des défenseurs passionnés qui le sacralisent. Et ils peuvent aller loin dans l’intimidation. Des lieutenants de louveterie ont déjà été menacés de mort. C’est la raison pour laquelle la modification du cadre juridique serait de nature à calmer le jeu. Pour l’instant, nous vivons sous un régime de dérogation, avec des quotas de loups à éliminer. Ils sont attribués à des agents spéciaux. En début d’année, il a ainsi été décidé de supprimer un carnassier du côté d’Aix-en-Provence. Après avoir subi cinq attaques en deux mois, tuant une dizaine de ses bêtes, un éleveur de moutons du Puy-Sainte-Réparade a obtenu satisfaction. Un lieutenant de louveterie a été missionné pour régler le problème.
Le loup est fortement présent dans le sud de la France. D’après les dernières estimations, il y aurait six meutes dans les Bouches-du-Rhône, contre 24 dans le Var, et 5 dans le Vaucluse.
La simplification des procédures, suite à une adaptation de la Convention de Berne, allégerait les formalités. Et donc, la bonne gestion de l’animal.
Dans son dernier livre, l’auteur des articles de la rubrique chasse du Betteravier français, Éric Joly, s’intéresse à de très grosses bêtes. Les dinosaures : s’ils n’avaient pas disparu nous ne serions pas là ! C’est cette histoire passionnante que l’auteur raconte ici, à la manière d’une pièce en trois actes : la vie en France à la fin du Crétacé supérieur, l’impact de la météorite et ses effets dévastateurs, la renaissance des mammifères et l’émergence de l’homme. Une saga étonnante, qui aide à mieux comprendre le prodigieux destin de l’humanité.
Éditions : Dervy. 250 pages. Prix : 18 €.