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La loi Pompili, qui a interdit en France l’usage des néonicotinoïdes, n’a pas affecté que la betterave. D’autres filières sont aussi dans l’impasse, à l’image de la noisette très impactée par les dégâts du ver de la noisette (appelé aussi balanin) et de la punaise diabolique. Selon une lettre écrite par l’association nationale des producteurs de noisettes de France (ANPN) et la coopérative Unicoque adressée au Président de la République, au Premier ministre et au ministre de l’Agriculture, ces 2 ravageurs peuvent entraîner jusqu’à 80 % (pour le ver de la noisette) et 30 % (pour la punaise) de perte de rendement en l’absence de lutte chimique. Par ailleurs, ils peuvent rendre impropres à la consommation jusqu’à respectivement 20 % et 30 % de la production restante.

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Faut-il sacraliser l’animal ?
La punaise peut entraîner jusqu’à 30 % de perte de rendement en l’absence de lutte chimique. ©ANPN

En 2016, la loi dite « biodiversité », qui a interdit les néonicotinoïdes, a mis à mal cette culture, notamment au travers de l’interdiction de l’acétamipride. Cette réglementation franco-française a entraîné une diminution du revenu des producteurs et une augmentation du prix payé par les consommateurs. En effet, après plusieurs récoltes sans acétamipride, l’Association nationale des producteurs de noisettes de France fait le constat d’un coût de production de plus de 50 % plus élevé, en France, que chez ses concurrents et voisins européens, italiens en particulier qui disposent de l’acétamipride jusqu’au moins en 2033.

Le consommateur se détourne des noisettes françaises avec des prix sur les étals allant de 10 à 12 € /kg pour la noisette entière en coque origine France contre environ 5 a 6 €/kg pour les autres origines, sans bien souvent pouvoir les distinguer.

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Noisettes ©Unicoque

80 % des noisettes consommées aujourd’hui en France proviennent de Turquie, pays qui possède une vingtaine de molécules phytosanitaires pour protéger le fruit à coque contre ces 2 ravageurs, dont 19 sont interdites en France. Autre origine : les États-Unis qui utilisent 38 molécules pour protéger leur production de noisettes, dont 37 sont interdites en France.

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Mais le cas le plus délétère de distorsion de concurrence se situe à l’intérieur même de l’Europe. En effet, l’ensemble des autres pays européens ont accès à l’acétamipride, à l’image de l’Italie, le 3ème pays fournisseur de la France.

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Une interdiction « anti-écologique »

Les producteurs de l’hexagone n’ont accès qu’à la lambda-cyhalothrine, une pyréthrinoïde beaucoup moins efficace que l’acétamipride (60 % vs 98 % d’efficacité) : sans l’acétamipride, « les pertes sont multipliées par 8 et le coût de production augmente de 68 % », précisent les données de l’observatoire statistique de l’ANPN. Parallèlement, Jean-Luc Reigne, directeur général de la coopérative Unicoque, qui regroupe 90 % de la production de noisettes françaises, explique que non seulement l’impact économique menace la filière, mais que même le bilan écologique est catastrophique : « on favorise les noisettes importées moins chères et produites selon des modes interdits en Europe et en France », précise-t-il en rappelant que certaines molécules utilisées en Turquie et aux États-Unis sont interdites en Europe depuis plus de 20 ans.

À noter que, selon Jean-Luc Reigne, la seule raison invoquée en 2016 pour justifier l’interdiction de cette molécule était la toxicité potentielle sur les abeilles de la famille chimique à laquelle appartient l’acétamipride. Mais est-ce donc vraiment le cas ? Selon l’ANPN et Unicoque, « cette molécule ne représente pas de danger pour la santé humaine et n’est pas susceptible de retrait au niveau européen, en tout cas pas avant 2033 ». Par ailleurs, ils précisent que « l’acétamipride n’est pas non plus particulièrement préjudiciable aux abeilles ». Son interdiction pour sa simple appartenance à la famille de substances néonicotinoïdes « n’est pas scientifiquement justifiée », comme l’atteste la base de données Toxibees (BeeFriendly) qui la classe « moyenne » en ce qui concerne la dangerosité pour les abeilles. Jean-Luc Reigne explique qu’elle est donc bien mieux classée (et par conséquent bien moins toxique) qu’un certain nombre de molécules utilisables en France, dont des molécules largement utilisées en bio comme le Spinosad. Bref, selon les producteurs de noisettes, son retrait relève d’une « pure stratégie politique délétère de Mme Royal entre 2016 et 2018 », contre l’avis de l’Efsa. Le ministre de l’Agriculture lui-même a d’ailleurs déclaré le 6 février dernier dans un interview rapporté au 20h de TF1 : « en 2016, il a été décidé d’interdire les néonicotinoïdes et apparentés, ce qui était une erreur ». La noisette et la betterave font donc front commun.

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Verger de noisetiers en France ©Unicoque

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