Dans les toutes prochaines semaines, les agriculteurs américains arbitreront leur assolement en fonction de l’évolution des cours du maïs et du soja. Pour l’heure, la tonne de blé vaut moins de 190 €. L’orge et le maïs cotent autour de 170 €/t. « L’activité portuaire en France maintient un dynamisme particulièrement notable depuis le début de l’année, avec des chargements à destination de la Chine, du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne », souligne le site agri-mutuel.com. Mais les prix sortie-ferme n’ont jamais été aussi faibles depuis près de quatre ans.
En huit mois de campagne, la France a exporté 5,6 millions de tonnes (Mt) de blé et 2,2 Mt d’orges hors de l’Union européenne (UE). À l’échelle des vingt-sept, 20,4 Mt de blé et 3,6 Mt d’orges ont été expédiées en Afrique et en Asie. Le Maroc est en toujours le premier acheteur de blé européen (2,9 Mt) alors que l’Algérie privilégie l’origine russe. Son office interprofessionnel (OIAC) n’a importé que 1,86 Mt de blé depuis le mois de juillet dernier, soit 1 Mt de moins que l’an passé. Quant à l’orge, la Chine est en tête des pays importateurs (2 Mt).
Qui est responsable du niveau actuel des cours mondiaux du blé? La Russie, l’Ukraine ou l’Union européenne ? Selon le site Sovecon.ru, le recul des prix russes à l’exportation observé ces dernières semaines a été précédé par le mouvement de baisse constaté à l’échelle de la planète et auquel la France a notoirement pris part. La cotation du blé à 12,5 % de protéines n’a jamais été aussi faible depuis 2020.
En Europe, les courtiers affirment que la Russie a relancé la course à la compétitivité. Ces quinze derniers jours, la décision du ministère russe de l’Agriculture de diminuer le prix recommandé pour remporter notamment des appels d’offres lancés par le Gasc en Égypte, aurait alimenté la baisse des cours.
Quoi qu’il en soit, la stratégie menée semble la bonne. La Russie aurait exporté 3,8 Mt de blé le mois dernier, un record. L’an passé, les ventes n’avaient pas excédé 2,6 Mt.
Pour sa part, l’Ukraine ne ménage pas ses efforts pour retrouver ses débouchés commerciaux d’avant-guerre. Selon le site Ukragoconsult, 5,2 Mt de produits agricoles ont été embarquées dans le port d’Odessa.
« Depuis le lancement du corridor ukrainien, 42 pays ont reçu près de 28 Mt de marchandises, dont 19 Mt de céréales et d’oléagineux », a déclaré Oleksandr Kubrakov, vice-premier ministre.
Moins de maïs et d’orges venu d’Ukraine
Ces succès expliquent la baisse des livraisons de céréales ukrainiennes vers l’UE observée ces dernières semaines. Depuis le début de la campagne, moins de maïs (7,3 Mt ; -2.7 Mt sur un an) et d’orges (706 000 t ; -49 000 t sur un an) ont été importés d’Ukraine que l’an dernier. Et les quantités de blé expédiées sont à peine plus élevées que l’an passé (4,2 Mt ; +0,2 Mt).
Pour autant, le mécontentement des agriculteurs polonais persiste. Mais ne se trompent-ils pas de cible ? « Le gouvernement polonais commence seulement à prendre des mesures restrictives à l’égard des importations de denrées agricoles russes et biélorusses, sources de distorsions commerciales », déplore le gouvernement ukrainien. L’an passé, la Pologne aurait acheté davantage de produits de Russie qu’en 2021 !
L’évolution favorable des conditions de cultures parvenant de Russie, d’Ukraine et des États-Unis, mais aussi du Brésil, écartent pour l’instant une reprise sensible des cours. Le potentiel de production des plantations de blé d’hiver n’a pas été altéré par le froid, le gel et la neige. La Russie table déjà sur une récolte supérieure à celle de l’an passé (93,6 Mt ; + 2 Mt – sources Sovecon.ru).
L’été prochain en France, le risque d’avoir à écouler à vils prix, dans l’indifférence mondiale, une petite récolte de céréales à paille, n’est pas exclu. Mais il ne cesse de pleuvoir. Les semis de printemps prennent déjà du retard, alors que les producteurs de grains n’ont pas pu semer une partie de leurs blés et d’orges d’hiver.