Les différents plans de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires (Écophyto, Parsada, SUR) doivent être basés sur leur impact sur l’environnement, et pas sur les volumes vendus. Tel est le message qu’a délivré Yves Picquet, le président de Phyteis à l’occasion de sa conférence annuelle, le jeudi 8 février 2024. Quel indicateur utiliser pour mesurer cet impact ?

« Le Nodu et l’IFT sont principalement basés sur les volumes », affirme le président de Phyteis. En effet, selon Ronan Vigouroux, le responsable environnement du syndicat des fabricants de produits de protection des cultures, le Nodu « ne discrimine pas du tout la toxicité et ne reflète pas l’amélioration des pratiques ». Il n’apporte d’ailleurs pas vraiment un niveau d’information supérieur au simple volume de vente annuelle. Il commence à être pertinent quand il est calculé à l’échelle des différentes classes de toxicité (non CMR, CMR2 et CMR1) car il illustre une baisse très importante des CMR 1.

À l’inverse, l’indicateur HRI1 permet de tenir compte du risque, en combinant le classement toxicologique et les quantités vendues. « Il permet de mesurer la diminution des molécules les moins bien classées », explique Ronan Vigouroux. Enfin, il faut noter que le HRI1 a l’avantage d’être européen et donc de favoriser une harmonisation des politiques.

Si Phyteis ne soutient pas spécifiquement le HRI1 car « aucun indicateur n’est parfait », il appelle bien à une refonte des indicateurs pour remettre le risque au centre.

L’importance de la méthode et des études d’impact

Parallèlement à la question de la mesure de l’impact des phytos, Yves Picquet a rappelé la position de Phyteis sur les différents plans de réduction des phytos. « Toute initiative qui s’oriente vers la diminution de l’impact de la production agricole sur l’environnement est une excellente initiative », a affirmé Yves Picquet en évoquant les règlements SUR et Écophyto. « Cependant, nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec la méthode utilisée » en dénonçant l’absence d’étude d’impact préalable à la suppression de moyen de production. « Ne pas prendre en compte l’objectif final qui est la production est une erreur ». Il a aussi dénoncé les distorsions de concurrence européennes, ainsi que les retraits de molécules entraînant des situations d’impasse technique. Selon Phyteis, « en France, 38 % des usages ne sont pas pourvus en solutions de protection et 25 % ne disposent que d’une seule et unique solution ».

Alors qu’Ursula Von der Layen, la présidente de la Commission européenne, a proposé le retrait du règlement SUR, Yves Picquet prévient : « ce règlement a disparu dans sa forme actuelle, mais je suis sûr qu’il reviendra sous une autre forme ». Cependant, Phyteis est beaucoup plus positif à l’égard du nouveau plan d’anticipation de retrait de molécule : « on soutient complètement la démarche du Parsada, affirme Philippe Michel, le directeur des affaires réglementaires et juridiques de l’organisation. C’est un plan coordonné, à long terme, qui a mis les filières et les instituts techniques au cœur du dispositif », précise-t-il en se réjouissant que l’anticipation soit au centre de ce fonctionnement. Il regrette cependant de ne pas avoir été associé à sa construction.

Les fabricants de phytos demandent à être inclus dans les discussions

« Nous n’avons clairement pas été invités à la table des discussions des développements du plan Écophyto », regrette aussi Yves Picquet en y « réclamant une place ». Il explique être convié à des « grandes messes » au cours desquelles il est invité à écouter le discours des pouvoirs publics sans pouvoir échanger concrètement sur le fond. « C’est comme si on discutait du futur du transport et que Peugeot et Citroën n’étaient pas invités », renchérit-il.

Philippe Michel explique qu’à l’origine d’Écophyto, lors du Grenelle de l’environnement, il y avait des vraies discussions entre les différents acteurs. Mais progressivement, la participation des acteurs de la protection des plantes s’est limitée à la réunion annuelle du comité d’orientation stratégique. « Les ministres font un état des lieux de la situation, mais il n’y a pas vraiment de discussion concrète et précise », regrette-t-il.

Lexique

Parsada : plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures.

SUR : règlement sur l’utilisation durable des pesticides (européen).

Nodu : nombre de doses utilisées.

CMR : cancérogène, mutagène et reprotoxique.

HRI1 : indicateur harmonisé de risque.