La disparition de l’herbicide S-métolachlore change-t-elle la donne pour désherber les parcelles de maïs ? Il permettait de gérer les fortes pressions graminées grâce à son mode d’action racinaire et à son application en pré-levée des adventices. Son utilisation n’est possible que jusqu’au 23 juillet 2024. « Au départ, nous avions l’alachlore, l’acétochlore, le S-métolachlore, le DMTA-P, raconte Valérie Bibard, ingénieure d’Arvalis. Quand l’alachlore a été interdit, les usages se sont reportés sur l’acétochlore. L’interdiction de ce dernier en 2011 a orienté les usages vers le S-métolachlore. Conduisant, in fine, à son retrait de la commercialisation en octobre 2023, explique-t-elle en constatant que l’histoire se répète depuis 25 ans. Désormais, ma crainte est que toute la pression ne se reporte sur le DMTA-P. L’exercice n’est pas indéfini, d’autant qu’ il n’y a rien dans le pipeline comme nouvel herbicide ! »
Désherbage à la parcelle et non à la culture
Aussi, pour l’experte d’Arvalis, il faut mixer les solutions agronomiques pour préserver le plus longtemps possible l’efficacité des molécules restantes, notamment les sulfonylurées. Une utilisation intense de cette famille d’herbicide conduit à des résistances. L’objectif est de diminuer les populations d’adventices en amont. « Le stock du sol en graines de mauvaises herbes fait partie de la valeur patrimoniale de la parcelle, au même titre que la composition du sol, précise Valérie Bibard. Il n’est pas lié à la culture mais bien à la parcelle. La gestion des adventices se raisonne à cette échelle ». Parmi les fondamentaux agronomiques à mettre en œuvre, elle cite la diversification des cultures et la gestion des intercultures. Ces pratiques perturbent le cycle des adventices inféodées à chaque espèce cultivée. Soit les plantes n’arrivent pas à se développer, soit elles s’épuisent à force de repiquer pour survivre. C’est le cas du liseron, « coriace » à détruire chimiquement. Ensuite, un désherbage mécanique ou un faux semis avant le maïs finalise le « nettoyage » des adventices. Autre levier : le labour occasionnel. Il diminue le stock semencier dans le sol sans trop annihiler les bénéfices du travail simplifié.
Pré-levée et post-levée précoce des adventices, pour faire place nette
Malgré tout, Arvalis recommande de réserver le DMTA-P (Isard) aux populations de graminées particulièrement élevées. Dans le cadre de bonnes pratiques, BASF préconise de ne pas dépasser la dose de 864 g par ha/an. Sur les zones de captage d’eau prioritaire, la dose maximale recommandée est de 1152 g par ha sur 2 ans. Isard peut être associé à Merlin Flexx (isoxaflutole) au mode d’action anti-dicotylédones et anti-graminées (panic, sétaire, digitaire). Quant à la péthoxamide avec Successor 600, elle constitue une alternative crédible bien que plus irrégulière, notamment en condition de sol séchante. « Les herbicides de pré-levée ont un mode d’action racinaire qui empêche la germination des adventices pendant un mois environ, selon la dose utilisée, indique Valérie Bibard. Ils facilitent le rattrapage car les levées sont regroupées ». Les autres options, de la pré-lévée à la post-levée précoce (3 feuilles environ du maïs, avant la levée des adventices ) sont Adengo Xtra (thiencarbazone-méthyl + isoxaflutole + cyprosulfamide), Calliprime Xtra (mésotrione), Prowl-400 ou Atic-Aqua (pendiméthaline), Iseran (clomazone +mésotrione)…. Pour qu’ils soient efficaces, ces herbicides demandent une humidité du sol suffisante.
Programmes en post-levée ajustée à la flore dominante
Pour un rattrapage au-delà du stade 4 feuilles du maïs, et sur des adventices aussi jeunes que possible (3 à 6 feuilles selon les espèces), le programme se construit à vue avec les herbicides foliaires. « Comme de nombreuses options sont possibles, il faut être vigilant à l’utilisation répétée de la même substance active sur tout l’itinéraire technique, prévient Valérie Bibard. Cela peut conduire à dépasser les Limites maximales de résidus (LMR) à la récolte. »
Avec seulement des graminées, le choix se porte notamment sur LaudisWG ( tembotrione ), Tarot (rimsulfuron) associé à un mouillant ionique, Capreno (thiencarbazone + tembotrione + Isoxadifen-éthyl)… Si les chénopodes, morelles, renouées persicaires dominent, alors les rattrapages se raisonnent par exemple avec Onyx (pyridate), Basagran SN ou Benta 480SL (bentazone), Decano (sulcotrione), Callisto (mésotrione), Calaris (terbuthylazine + mésotrione ). En cas de flore mixte, le désherbage s’effectue avec Capreno, Monsoon (thiencarbazone-methyl + foramsulfuron + cyprosulfamide), Laudis WG ou avec du nicosulfuron associé au choix avec de nombreux partenaires. Il s’agit de Callisto, Calaris, Laudis WG, Elumis (mésotrione), Decano…. La liste est longue. Arvalis édite, chaque début d’année, un dépliant des solutions en maïs mises à jour.
Désherbage mixte si les conditions météo sont réunies
Par ailleurs, un désherbage chimique de pré-levée localisé sur le rang de culture suivi d’un binage de l’inter-rang sur des adventices jeunes équivaut à un désherbage en plein. Le fait de désherber en localisé réduit les IFT et concentre la dose sur le rang. Cependant, le binage nécessite des conditions sèches au moins 3 jours après le passage et les temps de travaux augmentent d’une demi-heure par hectare. Comme deux binages sont souvent nécessaires avant le recouvrement de l’inter-rang pour une efficacité équivalente à l’herbicide foliaire, le surcroît de temps est de 1 heure/ha. Avec du matériel de guidage, le temps se réduit de l’ordre de 30 %. Mais, il reste toujours une quinzaine de minutes de plus qu’avec la chimie… « Désormais, toute la question est de savoir comment aller au plus près du rang sans abîmer la culture. C’est un point de nos travaux sur le binage que nous partageons avec l’ITB », conclut Valérie Bibard.