Chaque semaine, mais toujours avec un peu de retard, l’agence fédérale américaine en charge de la régulation des marchés des matières premières agricoles publie les statistiques relatives aux opérateurs sur les marchés à terme.
On y trouve notamment la position moyenne des opérateurs non commerciaux, c’est-à-dire ceux qui sont présents sur le marché sans pour autant vouloir livrer, ou se faire livrer, ce sucre – on a donc coutume de les appeler les « spéculateurs ».
Or, après avoir été, en fin d’année dernière, largement vendeurs de sucre (c’est-à-dire s’attendant à une baisse du marché), les voilà désormais à l’équilibre. Ces positions, à l’équilibre, sont assez rares : généralement, ces opérateurs penchent dans un sens ou dans l’autre. Qu’est-ce qui pourrait, désormais, les faire choisir d’acheter ou de vendre du sucre ?
Visiblement, le fait que les productions soient meilleures qu’attendu au Brésil ou en Inde est désormais « inclus dans le marché », c’est-à-dire pris en compte par les opérateurs dans leurs prévisions de prix. Il faut donc regarder plus loin pour anticiper une nouvelle évolution. Dans deux mois, en avril, l’ouverture de la nouvelle campagne brésilienne sera un signe : sera-t-elle aussi exceptionnelle que la précédente ? Au même moment, les élections en Inde auront lieu ; le gouvernement reviendra-t-il sur sa décision, qu’il avait prise pour limiter l’inflation alimentaire dans le pays, d’interrompre son programme éthanol à partir de la canne à sucre ?
Ces deux éléments sont fondamentaux pour y voir clair dans les équilibres à venir, tout comme l’ampleur d’El Niño, annoncé historique pour l’été prochain. Mais, d’ici là, les analystes ont bien du mal à affiner un bilan mondial – et cela explique probablement l’attentisme des spéculateurs…
Mais, plutôt que de tenter d’anticiper le futur, arrêtons-nous sur cet attentisme. Car il n’est pas dénué d’intérêt. Au contraire même : malgré cet équilibre dans les positions des spéculateurs, le marché du sucre brut reste au-dessus de 23 cts/lb. La dernière fois qu’il était à ce niveau de prix, c’était en 2016 et, à l’époque, les spéculateurs n’y étaient pas étrangers : ils étaient acheteurs-nets de sucre de 12 Mt – presque trois fois la production française ! Un marché élevé, sans spéculation : on peut être tenté d’en déduire que la valeur actuelle du marché semble bien robuste…