Pierre est un des trois associés d’une exploitation agricole. Sur les 320 000 € de comptes courants inscrits au bilan de la société, il en détient 190 000 €. Comme Pierre n’avait pas d’enfants à charge lorsque l’exploitation avait rencontré des difficultés financières il y a quelques années, l’associé a renoncé à une partie de ses prélèvements pour soutenir financièrement sa société.
« Or, les comptes courants d’associés (CCA) d’une société présentant un solde créditeur sont dits remboursables à tout moment, même en l’absence de trésorerie! », affirme Clément Bizouard, expert-comptable chez Bizouard & Associés, membre du réseau Agri-Agri.
Ces deux dernières années, la société a renoué avec les bénéfices. Pour épurer le compte courant d’associé de Pierre, plusieurs solutions sont envisageables : puiser dans la trésorerie de l’exploitation et/ou céder des actifs. La société a aussi la possibilité de refinancer son compte courant par un emprunt souscrit auprès d’une banque.
Pour qu’une société n’ait pas à épurer des comptes courants d’associés excessifs, tel que celui de Pierre, jusqu’à la mettre en danger, deux mesures sont envisageables.
Il s’agit, les années bénéficiaires, d’affecter une partie du résultat en comptes de réserves pour consolider les capitaux propres de la société.
Les années de crise, abandonner, temporairement ou définitivement, une partie des créances de comptes courants au profit de la société, épargne à cette dernière d’être confrontée à des créances impossibles à rembourser. Par ailleurs, son taux d’endettement est réduit. Une fois la situation économique redressée, le montant abandonné temporairement peut ensuite être réinscrit au crédit du compte courant, sous condition. Cette opération ne peut être une variable d’ajustement des montants des comptes associés.
Gérer un départ
À la fin de l’année, Pierre se retirera de la société. Si la société dispose d’une trésorerie suffisante, elle pourra solder le compte courant de Pierre. Sinon, plusieurs solutions sont envisageables. Citons, par exemple, la vente d’une partie des biens dont la société pourrait ne plus avoir besoin si elle renonce à une partie de ses activités, une fois le départ de Pierre acté. A contrario, les deux autres associés pourraient aussi puiser dans leur épargne personnelle pour verser sur leur compte courant d’associé une partie des fonds nécessaires pour rembourser les 190 000 € de Pierre.
Si ce dernier a trouvé un successeur, le nouvel associé pourra lui-même reprendre à son compte une partie du compte d’associé du partant, s’il dispose suffisamment de liquidités. À moins que les 190 000 € soient partiellement ou totalement convertis en parts sociales qu’acquerra alors le successeur de Pierre. Pour cela, la société procédera à une augmentation de capital social, libérée par les fonds apportés par le nouvel associé. Ces derniers compenseront tout ou partie du montant de la créance du compte courant du partant.
Gérer un décès
Mais si Pierre décède dans les mois à venir, ses héritiers se voient transmettre la créance de compte courant et les titres de la société (parts sociales ou actions). La créance du compte courant reste de 190 000 €.
« Plus les montants des comptes associés sont importants, plus le règlement de la succession sera compliqué », explique Clément Bizouard. Les héritiers de Pierre sont en droit d’exiger le remboursement immédiat des comptes courants alors que la société n’en a pas les moyens. Moins impliqués que Pierre dans la société, ils n’auront peut-être pas la même retenue souhaitée pour ne pas mettre en péril la société!
Quant aux titres, leurs montants seront calculés après avoir valorisé la société à partir de la valeur vénale de ses actifs sous déduction du passif exigible, comptes courants compris.
L’octroi et le montant de certaines subventions agricoles sont souvent conditionnés par le niveau de « trésorerie nette ». Si les montants importants des CCA sont pris en compte dans le calcul de cet indicateur, l’impact sur le taux d’endettement de l’entreprise peut aller jusqu’au rejet pur et simple du dossier (cas de taux négatif) ou faire varier dans des proportions très importantes le montant de l’aide.