Le Nord Pas-de-Calais est sous l’eau. Le déluge ne s’est pas arrêté après l’état des lieux que nous avions fait le 14 novembre dernier. De nombreux hectares sont inondés, particulièrement dans le haut du Nord-Pas-de-Calais. Et que dire des dégâts auxquels font face les habitants de la région ? « Les nappes sont pleines et l’eau commence à remonter dans les maisons, soulevant les parquets et les carrelages », explique Antoine Peenaert, planteur aux Attaques (Pas-de-Calais) et président du territoire du Calaisis à la FDSEA 62. En cause, le curage des cours d’eau.
En effet, la région est tellement proche du niveau de la mer, voire en dessous par endroits, que l’écoulement de l’évacuation de l’eau est peu efficace. Si le réseau de wateringues est entretenu par les agriculteurs eux-mêmes, les cours d’eau qui dépendent du domaine public ne le sont pas. Deux obstacles s’opposent à leur curage : la réglementation et le coût.
Antoine Peenaert explique que le chemin administratif pour obtenir une autorisation de curage est compliqué. L’Office français de la biodiversité (OFB) et l’agence de l’eau y sont particulièrement opposés en raison de l’effet sur la biodiversité contenu dans la vase. « Mais les inondations ne sont pas meilleures pour la biodiversité des territoires inondés, comme le gibier ou les vers de terre », explique-t-il.
Autre problème : le coût du curage, dont une part significative est due à l’évacuation et au retraitement des boues. L’agriculteur explique que ce coût pourrait être abaissé en épandant les boues non polluées directement dans les champs. Mais la vase extraite des secteurs urbanisés est potentiellement plus chargée en phosphate (détergent par exemple) et doit faire l’objet d’un traitement spécifique.
Un curage symbolique
Pour pousser les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités, la FDSEA du Pas-de-Calais, sous l’impulsion d’Antoine Peenaert, avait organisé le 9 novembre dernier, un curage symbolique dans la rivière Neuve. « Comme rien n’a avancé depuis, nous avons recommencé le 8 janvier sur la Liane », explique-t-il en précisant qu’il a l’intention de renouveler l’opération prochainement si rien n’avance. L’agriculteur, entouré d’une centaine de tracteurs, a convié une pelleteuse pour remplir quelques remorques de vase et aller les déverser devant la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) et l’agence de l’eau, devant l’œil des passants et des journalistes.
Des effets d’annonce ?
« Suite à notre action du 9 novembre, les pouvoirs publics nous avaient promis des mesures de curage d’urgence, explique Antoine Peenaert. Mais on attend toujours ». Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé le 4 janvier, lors d’un déplacement dans le Pas-de-Calais, un changement de réglementation pour « faciliter le curage ». Mais Antoine Peenaert est maintenant prudent vis-à-vis des déclarations politiques qui ne sont pas suivies d’actes concrets : « on attend les faits ». Il espère que l’événement dramatique que subit le Pas-de-Calais servira de déclencheur pour faire évoluer la législation nationale sur l’entretien des cours d’eau. « Nos voisins hollandais sont plus intelligents que nous : ils curent leurs cours d’eau tous les 2 ou 3 ans », précise l’agriculteur.
Par ailleurs, il alerte sur le montant du fonds d’urgence promis. Le Nord-Pas-de-Calais ne devrait profiter que de 20 millions sur les 80 millions du fonds ; le reste revenant aux autres régions touchées par la tempête Ciaran. « Pourtant, nous aurions besoin de 50 millions », explique-t-il. S’il se réjouit d’avoir réussi à faire sauter le plafond de 5 000 euros par agriculteur, il s’inquiète que cette aide rentre dans le cadre du régime des minimis, limitant ainsi les montants attribuables à chaque exploitation.
À l’occasion de la conférence de presse de la FNSEA du 10 janvier, Arnaud Rousseau, son président, a pris la parole sur le sujet. « Un certain nombre d’élus locaux qui avait pris l’initiative de déboucher des fossés se sont retrouvés au pénal. Il y a des crispations qui ne sont pas saines », a-t-il déclaré en précisant que certains habitants du Pas-de-Calais « ont eu de l’eau dans leur salon pour la quatrième fois ». Il demande une simplification administrative dans la gestion des cours d’eau « car plus d’une dizaine d’acteurs interviennent dans la décision ». Hervé Lapie, le secrétaire général du syndicat, a précisé avoir demandé une diminution du temps de la procédure (de 9 à 2 mois), afin d’engager des travaux le plus rapidement possible.
« Je n’ai pas commencé à arracher mes betteraves »
Antoine Peenaert, qui cultive une ferme située dans la région des wateringues, c’est-à-dire sous le niveau de la mer, n’a pas commencé à arracher ses betteraves à la date du 11 janvier. Il explique s’être consacré à pomper l’eau chez ses voisins plus qu’à celle qui inonde ses champs de betteraves. Il lance un appel à son groupe sucrier, afin qu’il retarde la date de fermeture de son usine.
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