Ce n’est que passé la trentaine, en 2019, que Victor Maman décide de revenir sur l’exploitation familiale. Ancien consultant en cabinet de recrutement, il passe son brevet professionnel responsable d’entreprise agricole (BPREA).
En hiver 2022, à l’issue d’une année de formation, il devient salarié de l’exploitation puis s’installe. « Plus jeune, c’était inenvisageable pour moi d’exercer le métier d’agriculteur et d’éleveur, se souvient Victor. J’étais obnubilé par l’image d’un métier dur et contraignant. Finalement, plus tard, j’ai réalisé qu’être agriculteur offre cette chance de voir le résultat de son travail. C’est tangible et particulièrement appréciable. »
Synergie entre les productions
« L’élevage a toujours représenté le fil conducteur et une richesse sur notre exploitation, indique Victor. Avec mon père, nous réfléchissons toujours à la valeur ajoutée et aux synergies possibles entre les productions animales et végétales. Tout est optimisé : les graminées porte-graines pour l’exploitation de la paille, la luzerne fourragère pour favoriser la lactation des brebis, la betterave sucrière pour la pulpe déshydratée, etc. »
La ration des brebis, de la race Île-de-France, est composée d’orge d’hiver, de pulpes déshydratées et d’un correcteur azoté sous forme de drêche ou de bouchons déshydratés. En revanche, ce type d’alimentation ne convient pas aux agneaux.
« Ce sont des animaux fragiles, précise l’éleveur. Gourmands, ils ont tendance à trier pour ne consommer que l’orge ou la pulpe. Nous les nourrissons donc uniquement avec un aliment complet pour éviter tout risque de déséquilibre alimentaire. »
Victor aspire à faire pâturer davantage ses brebis, pour réduire les coûts d’alimentation, améliorer la structure du sol et défavoriser l’activité des rongeurs grâce au piétinement des ovins et à la pose de piquets pour les rapaces.
Deux temps forts : Pâques et l’Aïd
Victor vend sa production, soit 400 à 550 agneaux par an via la coopérative Sicarev, qui possède la certification Label Rouge. Les animaux peuvent être vendus sous cette appellation, sous réserve qu’ils soient éligibles au cahier des charges. La coopérative gère toute la partie logistique (prise de commande, fixation du prix et transport).
« Je n’envisage pas de me lancer dans la vente directe, indique le jeune agriculteur. Dans l’esprit collectif, l’agneau est une viande au goût trop prononcé pour attirer les consommateurs. C’est pourquoi la vente en circuit court est difficile et économiquement peu rentable pour ce type de production. » Même si le marché de l’agneau a tendance à décliner, l’éleveur reste optimiste quant à la pérennité de cet élevage.
« D’une part, il bénéficie d’une bonne image et d’autre part, la production française actuelle ne suffit pas à couvrir la demande, notamment à Pâques et au moment de l’Aïd. » Pour fournir les besoins lors de ces deux temps forts, Victor s’organise avec les inséminateurs pour concentrer les chaleurs puis les inséminations des brebis. Les agnelages ont ensuite lieu en septembre puis en mars, afin de proposer de la viande de Noël à Pâques et durant l’été.
L’insémination, clé de voûte de l’amélioration du troupeau
Pour la monte naturelle, Victor possède une dizaine de béliers. Il a opté pour la lutte en lots, c’est-à-dire qu’il isole un bélier avec 20 brebis au maximum. Ainsi, il connaît la paternité de l’agneau, qui pourra ensuite être sélectionné puis vendu en tant que reproducteur. « L’insémination m’intéresse particulièrement car elle offre la possibilité de produire des animaux de race avec des caractéristiques recherchées et spécifiques », précise Victor.
Pour se former, il participe à des concours, l’occasion pour lui de rencontrer d’autres éleveurs et de se confronter à leurs pratiques. « Chacun affectionne un ‘profil type’ d’animaux qui diffère selon les régions, constate-t-il. La rencontre avec d’autres éleveurs m’apprend à comprendre les critères recherchés pour être primés. »
Régulièrement, Victor Maman a des demandes pour faire pâturer ses brebis dans des parcelles agricoles ou viticoles. Il ne prend pas encore le temps de s’y consacrer, faute de temps, parce qu’il faut prévoir le transport des animaux, la pose puis la dépose de clôtures.
Pour le moment, ses brebis pâturent dans les couverts d’un voisin, ce qui laisse aux prairies le temps de se recharger. Le partenariat est gagnant-gagnant : les brebis se nourrissent et, en contrepartie, elles broient puis fertilisent la culture. Pour Victor Maman, l’écopâturage représente un véritable sujet d’avenir.