Créer une dynamique de filière pour le chanvre textile : tel est l’objectif des différents acteurs présents à Culti’nov, à Noyon, en septembre dernier. Lin 2000, teilleur de lin de Grandvilliers (60), souhaite créer une filière textile chanvre d’excellence, complémentaire de son activité lin. « Nous visons le même taux de rentabilité que le lin », annonce Guillaume Vandenberghe, en charge du développement du chanvre de la coopérative. Produire du lin de printemps devient de plus en plus compliqué, avec le réchauffement climatique, constate le responsable. Et le lin d’hiver, gélif, comporte des risques d’approvisionnement de l’usine. En 2023, les producteurs de la coopérative de Lin 2000 ont semé 1000 hectares de lin d’hiver, dont la totalité pourrait, en cas d’hiver rigoureux, se retrouver à zéro. Quant au lin bio, il s’avère difficile à produire vu les problématiques de désherbage. Le chanvre permet de trouver une alternative, complémentaire au lin.
Le chanvre, plus adapté au changement climatique
« Le chanvre résiste mieux au changement climatique, affirme Franck Barbier, président d’InterChanvre et de Planète Chanvre. Il pousse de 5 à 7 cm par jour en juin. Autre atout : il ne nécessite pas de protection phytosanitaire et étouffe les adventices. La plante n’est sensible ni aux insectes ni aux maladies. Enfin, avec ses racines colonisant le sol jusqu’à 2 mètres, elle dispose de bénéfice structurant sur les sols. Sans oublier son effet positif sur le rendement blé suivant, estimé de 8 à 10 % supplémentaires ».
Si les débouchés du chanvre sont nombreux – cordage pour bateau, voile, matériaux pour tableau de bord dans l’automobile, isolation des bâtiments … -, Lin 2000 vise avant tout le marché du chanvre textile. « Il s’agira d’un autre marché que celui du lin textile. Le positionnement du chanvre s’inscrit dans le remplacement du coton, textile très remis en cause au niveau écologique. Un kilo de coton nécessite 9 000 litres d’eau, contre 2 000 pour le chanvre. De plus, le chanvre est un véritable puits de carbone. Certains filateurs chinois montrent déjà de l’intérêt pour cette plante », dévoile Guillaume Vandenberghe.
Reste encore à valider l’itinéraire technique chez les agriculteurs. Marie Menard, de la chambre d’agriculture de l’Oise, a annoncé la création d’un Groupement d’intérêt triple performance économique, environnementale et sociétale (GIEE), avec l’agglomération du Beauvaisis qui travaillera sur ces questions, incluant agriculteurs, transformateurs et territoire. Il s’attachera à sécuriser l’itinéraire technique.
Une nouvelle machine adaptée pour la récolte
Lin 2000 fait déjà partie du GIE régional Chanvre textile ou elle est associée avec Calira (Martainneville – 80), L.A. Linière (Bourbourg – 59) et Opalin (Le Parcq – 62). Au total, ils ont implanté 90 hectares de chanvre. Ensemble, ils ont acquis l’une des six machines de récolte du chanvre conçue en 2022 par Hyler. Celle-ci est capable de paralléliser les tiges de chanvre, puis de couper la nappe en deux. Les premiers tests réalisés cet été sont concluants pour cette plante, moins sensible à la sécheresse que le lin. Cette machine permettra d’éviter des surinvestissements en matériel pour les planteurs. Ils pourront utiliser leurs retourneuses et leurs enrouleuses à lin. De même, les adaptations sur les lignes de teillage – qui restent encore à déterminer précisément- devraient être mineures.
Aujourd’hui, la France occupe le troisième rang mondial de production du chanvre, après la Chine et les USA. Soit près de 22 000 hectares cultivés pour 1500 producteurs, selon InterChanvre. Six chanvrières fonctionnent déjà sur le territoire français. Deux devraient tripler leur capacité de production d’ici deux ans. Quatre nouvelles chanvrières sont en cours de création. Au total, les soles nationales de chanvre devraient doubler d’ici cinq ans, avoisinant les 40 à 45 000 ha.
En Europe, la production atteint 50 000 ha, soit presque la même surface qu’en Chine.