Les variétés Smart sont enfin arrivées en France ! Ce type de variétés est désormais disponible dans tous les pays européens, sauf au Danemark. « Le lancement du marché Conviso Smart est réussi après des années de tergiversation en France », se félicite Patrick Mariotte, directeur général de KWS France. Ce démarrage a été possible grâce à la volonté de la filière betterave sucre, qui a œuvré dans les accords interprofessionnels pour ouvrir le marché français aux variétés inscrites au catalogue européen. « Environ 3 000 ha ont été semés en Smart cette année, et pour 2024, on peut s’attendre à 10 000 à 15 000 ha », estime Benoît Carton, directeur de la coopérative de vente de semences C-S2B.

Les variétés Smart ont une tolérance à l’herbicide Conviso One de la famille des inhibiteurs de l’ALS. Cette technologie développée conjointement par Bayer Cropscience et KWS apporte un désherbage simplifié et efficace en deux passages, en y ajoutant un ou des herbicides partenaires à base de phenmedipham et d’éthofumesate pour éviter des résistances de certaines adventices aux ALS.

« Ces variétés permettent aux agriculteurs, qui ont des parcelles très infestées de mauvaises herbes ou de betteraves sauvages, de retrouver de la productivité, tout en limitant le nombre de passages herbicides », résume Patrick Mariotte.

Deux passages

« Les expérimentations ont montré une très bonne efficacité du désherbage en deux passages de 0,5 litre de Conviso One (avec un herbicide partenaire) et une baisse significative de l’IFT désherbage : moins de 2, au lieu de 3,5 à 4,5 », déclare Benoît Carton.

Le directeur agricole du groupe Cristal Union, Bruno Labilloy, estime également que le système Conviso Smart « fonctionne bien ». Il se félicite que l’interprofession ait choisi « un développement raisonné et progressif » qui « permet de désherber des parcelles ayant des problèmes de désherbage, notamment des betteraves sauvages ».

Ne pas traiter trop tôt !

Cette innovation nécessite cependant un changement des pratiques dans le désherbage. « Il faut attendre que les chénopodes atteignent le stade 2 feuilles. C’est un peu déroutant de faire son premier traitement 7 à 8 jours plus tard, alors que l’on devrait être déjà au 2e traitement en conventionnel. Il faut savoir attendre », conseille Ghislain Malatesta, directeur du département expérimentation de l’ITB.

« Nous souhaitons que cette technique soit encadrée, car il y a des changements radicaux dans la gestion du désherbage », ajoute Patrick Mariotte.

Les planteurs doivent s’engager à respecter les consignes d’utilisation, afin de garantir la durabilité de cette innovation. Ainsi, il ne faut pas utiliser de variété Smart si des adventices présentes dans la parcelle ont des résistances avérées aux herbicides du groupe HRAC 2, ou détruire les repousses de betteraves dans les cultures suivantes.

« L’approche économique doit prendre en compte le coût des programmes de désherbage, de la semence Smart, de l’herbicide Conviso One et l’évaluation des pertes potentielles de productivité, détaille Benoît Carton. Le désherbage simplifié apporte une économie de l’ordre de 80 €/ha et les variétés Smart sont distribuées avec un surcoût de l’ordre de 160 €/ha. Au total, le surcoût du programme Conviso Smart est d’environ 80 €/ha. Il reste à prendre en compte la baisse potentielle de la productivité de l’ordre de 0 à 15 points ».

De son côté, Ghislain Malatesta estime « qu’au-delà de 5 passages quand les parcelles sont très sales, le coût est équivalent. On peut ainsi retrouver de nouveaux champs qui n’étaient plus cultivés à cause de la présence de betteraves sauvages ».

Le choix d’une betterave Smart constitue donc une nouvelle alternative pour le désherbage des betteraves, qui doit être ciblée vers les agriculteurs pouvant gagner de la productivité avec cette technologie ou retrouver une capacité de production, car elle est sensiblement plus chère.

Les autres semenciers arrivent

Progressivement, tous les segments du marché intègrent le gène de résistance à l’herbicide inhibiteur de l’ALS : des variétés tolérantes à la forte pression rhizomanie, aux nématodes, au rhizoctone brun ou encore à la cercosporiose sont déjà disponibles dans le pool Conviso de la génétique KWS, indique le semencier. Si la célèbre graine orange est la seule à proposer des variétés en 2023, d’autres sélectionneurs, qui n’avaient que quelques essais, arrivent.

Pour 2024, Betaseed annonce 3 variétés Smart (2 nématodes et 1 rhizomanie).

Florimond Desprez dispose d’une variété, « mais nous n’allons pas la développer commercialement. Nous attendons la nouvelle génération de génétique », explique Hubert Loiseau, chef de produit betteraves chez Florimond Desprez. Maribo ne vendra pas de betteraves Smart en 2024 non plus. Enfin, SESVanderHave a fait tester cette année 4 nouvelles variétés Smart dans différents segments par le réseau SAS-ITB, soit 5 au total, qui seront disponibles en quantités limitées pour les semis 2024.

> À lire aussi : Des progrès sur la cercosporiose (24/11/2023)

Témoignages

Dominique Ouachée à Moyvillers (Oise) : «Éliminer les chénopodes»

« J’ai de gros problèmes de chénopodes, mais pas de betteraves sauvages. J’ai essayé la variété Brida KWS sur 9 ha et le résultat est très satisfaisant, le rendement n’a pas décroché. Il faut se caler sur le développement des chénopodes pour débuter le premier traitement et faire le 2e passage 15 jours après. Les chardons sautent aussi et j’ai l’impression qu’il y a un effet anti-graminées. Il faut bien faire attention aux parcelles voisines cultivées en betteraves conventionnelles et retirer les betteraves montées. Je referai environ 10 ha l’année prochaine, car j’ai un stock de chénopodes très conséquent ».

Bruno Pouteau à Evry (Yonne) : «Baisser les IFT»

« J’ai utilisé des betteraves Smart dans l’optique d’obtenir la certification HVE 3. La baisse des Indicateurs de Fréquence de Traitements phytopharmaceutiques (IFT) a bien fonctionné et la parcelle est très propre en deux passages au lieu de cinq. J’apprécie de moins sortir mon pulvérisateur, car j’ai des hébergements à la ferme. Je n’ai pas encore calculé l’intérêt économique et je ne sais pas encore si je vais continuer. En effet, je n’ai pas pu obtenir le niveau HVE 3, suite aux nouvelles règles sur la fertilisation azotée qui était trop importante, car je fais beaucoup de blé améliorant ».

Sylvain Dubos à Saint-Aubin-d’Écrosville (Eure) : «Les Smart contre les betteraves sauvages»

Voir le portrait du BF1173.