« Je ne pouvais plus implanter de betteraves dans certaines de mes parcelles en raison de la présence excessive de betteraves sauvages », explique Sylvain Dubos, betteravier à Saint-Aubin-d’Écrosville dans l’Eure. En 2022, afin de résoudre ce problème, il a eu recours aux betteraves Smart, appelé aussi « bas intrant en herbicides ». Avec un rendement mesuré au compteur de l’arracheuse inférieur aux autres variétés de seulement 6 % en 2022, l’agriculteur est satisfait de cette innovation et a retenté l’expérience en 2023. « Comparé à mes innombrables heures de main-d’œuvre pour venir à bout des betteraves sauvages, le calcul est vite fait ». Il ajoute avoir suivi les conseils de la C-S2B et de l’ITB à la lettre afin d’éviter l’apparition de résistance qui lui serait très dommageable : arrachage scrupuleux des betteraves montées Smart, utilisation d’un produit partenaire et gestion des cordons de déterrage.
Par ailleurs, il précise réserver ces variétés uniquement aux quelques parcelles où il ne pourrait plus faire de betteraves classiques, ou à celles où le désherbage des betteraves montées des années antérieures a un coût trop important. Pour les autres parcelles, il reste sur la génétique classique : « à une moindre productivité potentielle, il faut quand même ajouter le prix supérieur des graines, même si on peut déduire des économies sur le programme désherbage », explique l’agriculteur qui précise aussi ne pas vouloir multiplier les risques de voir apparaître des betteraves ou des adventices résistantes aux sulfonylurées, ce qui serait un vrai problème.
Prolifération des pucerons et disparition des insecticides
Les pucerons sont aussi un vrai problème dans l’exploitation de Sylvain Dubos, sur les betteraves bien sûr, mais aussi sur ses 47 hectares de plants de pommes de terre. « Ils deviennent plus nombreux ou plus agressifs », constate Sylvain Dubos. L’agriculteur attribue ce phénomène à la douceur des hivers, mais aussi au fait que la population ne soit plus contrôlée sur les betteraves ou sur les céréales par les néonicotinoïdes. Parallèlement, il déplore le retrait des insecticides sur les pommes de terre, et particulièrement sur les plants. « Historiquement, on passait une fois tous les 15 jours pendant 2 mois et demi. Cette année, on n’avait le droit qu’à un passage de Teppeki, et l’année prochaine, c’est fini. Ça va être encore pire », s’inquiète Sylvain Dubos. Il utilise quand même de l’huile pour protéger la surface des feuilles, mais l’efficacité est limitée.
Le risque est que sa production soit déclassée, c’est-à-dire moins bien, voire pas du tout valorisée. Parallèlement, la production coûte plus cher. En effet, la production de plants demande un passage manuel dans les champs pour enlever les plants virosés. Un travail minutieux puisque « chaque pied est regardé ». Avant les interdictions d’insecticide, ce travail occupait trois personnes pendant un mois. « Cette année, cette tâche a occupé deux personnes de plus pendant quinze jours ».
Le ray-grass problématique, même dans des rotations diversifiées
« Le plateau du Neubourg est une des régions les plus envahies par le ray-grass. Ce qui nous sauve encore, c’est notre rotation », explique l’agriculteur qui alterne la culture de blé avec celle de la betterave, du lin, du colza ou du plant de pomme de terre. Il affirme que ses champs sont moyennement propres et qu’il sera en grande difficulté technique si une molécule antigraminées est encore enlevée. « Certains voisins qui renouvellent leur semoir passent à 15 cm d’écartement (malgré la culture de lin) et s’équipent de bineuse guidée à la fois par GPS et par caméra, afin de pouvoir biner le blé », affirme l’agriculteur qui réfléchit à faire de même lors de son prochain achat de semoir. « Cette pratique commence même à s’installer en lin », témoigne-t-il. Il faut dire que les limons du plateau du Neubourg se prêtent plutôt bien à cette technique, ce qui n’est pas le cas partout.
Sylvain Dubos gère aussi, avec son père, une activité de prestation d’arrachage de betteraves avec deux intégrales. Ils notent une augmentation importante du coût du matériel, à l’achat comme à l’utilisation. « Le prix d’achat des arracheuses a pris 120 000 euros en deux ans. Et le coût de la main-d’œuvre comme celui de l’entretien des machines suit la même tendance », remarquent-t-ils en évoquant aussi l’évolution de la réglementation sur le gazole non-routier (GNR). Ils ont donc dû répercuter ces augmentations sur le prix de la prestation d’arrachage. « Tant que le prix des betteraves est élevé, ça va. Mais s’il redescend à 25 euros par tonne, ça aura du mal à passer », s’inquiètent-ils.
Dans ce paysage agronomique et réglementaire un peu sombre, Sylvain Dubos retient quand même l’arrivée d’une solution supplémentaire : les betteraves Smart.