Ce sera des tolérantes et des résistantes à la jaunisse. La firme Maribo a présenté sa stratégie de recherche variétale le 28 septembre à Morlancourt, dans la Somme. L’objectif : apporter une réponse aux planteurs contre les trois virus de la jaunisse existants : BYV, BMYV, BChV. D’autant plus qu’une betterave infectée par la jaunisse est beaucoup plus sensible aux maladies foliaires qu’une indemne. La firme danoise va proposer trois variétés tolérantes (Bisquine, Galion, Amarre) et trois résistantes (Aak Vytech, MH 4082, MH 4083), toutes les trois en cours d’inscription en France.
Selon Maribo, les tolérantes peuvent maximiser les rendements en cas d’infestation modérée. Les symptômes visuels de la jaunisse sont inférieurs à ceux d’une variété sensible. Mais le virus est présent dans la plante. Sa multiplication entraîne une transmission possible par les pucerons. En cas de forte pression de jaunisse, les tolérantes accusent des pertes de rendement alors que ces pertes sont limitées en situation d’attaque modérée.
Les résistantes, au contraire, sécurisent les rendements en cas de forte infestation. Les symptômes visuels sont rares. La betterave reste saine et réduit la multiplication du virus. Mais sa productivité reste inférieure aux meilleures variétés du marché en situation non infectée.
« Nous travaillons essentiellement sur la résistance quantitative, détaille Éric Dubert, directeur des activités betteraves France. Avec la résistance qualitative, un ou deux gènes contrôlent la résistance (exemple RZ1). Si le gène est présent, la variété sera résistante à 100 %. S’il est absent, il n’y a aucune protection. La résistance quantitative utilise plusieurs gènes pour contrôler la résistance. La recherche est plus complexe, mais la résistance est plus stable et plus difficile à contourner sur le long terme ».
Des rendements inférieurs en condition non infestée
Reste que les rendements des résistantes ne sont pas au niveau des variétés sensibles du marché. Les variétés VY tech atteignent 10,3 t/ha en 2023 et devraient atteindre 10,8 t/ha en 2024, contre 12 t/ha de sucre pour les variétés au niveau du marché en condition non infectée, estime la firme danoise.
En ce qui concerne les variétés tolérantes, leur rendement est proche de celles des variétés classiques en condition non contaminées. Contrairement aux variétés partiellement résistantes, elles perdent plus de rendement en cas d’infestation.
En cas d’infestation forte, les écarts de rendements entre les variétés tolérantes et la situation non infestée ne cessent de diminuer, se félicite Éric Dubert.
Les premières générations hybrides tolérantes BMYV accusaient un rendement inférieur de 38 % avec les blocs non contaminés. Les deuxièmes générations – 32 % et les troisièmes (actuelles) 23 %. « Nous gagnons 7 % par an de productivité. C’est énorme », se réjouit le directeur betteraves France. Les tolérantes BYV accusent un écart de productivité avec les témoins de 42 % en 2023 en situation non contaminée. Cet écart a été réduit de 6 % en trois ans. Pour les tolérances BChV, la progression de productivité est plus lente et l’écart avec les témoins reste entre 15 et 20 %. Pour atteindre ce résultat, Maribo a testé 60 hybrides tolérants – dans le cadre du projet Flavie – dans 5 localités et avec 3 virus).
L’augmentation attendue de la productivité des nouveaux hybrides VYtech partiellement résistants doit à court terme permettre la sécurisation des rendements. La firme mène aussi en Suède une étude sur les gènes pour comprendre le mécanisme de la tolérance. Elle sera suivie par la confirmation de l’expression des gènes clés par RT-qPCR et par des études fonctionnelles. Mais sans attendre, Maribo a fait le pari de produire déjà des graines de variétés résistantes pour la prochaine campagne 2024 pour les zones à fort risque d’infestation à la jaunisse.
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(1) Les variétés VyTech sont toutes partiellement résistantes, elles sont résistantes au BMYV et BYV, pour ces deux virus il n’y a donc pas de multiplication du virus dans la plante mais tolérantes au BChV, il peut y avoir multiplication du virus BChV dans la plante.
La lutte contre la jaunisse est un axe majeur de recherche pour DFL Beet seeds, qui commercialise les variétés sous les marques Maribo et Hilleshög. « Nous consacrons 17 % de notre chiffre d’affaires en recherche et développement. Sur nos 56 000 parcelles d’essai, nous dédions 4 000 parcelles à la jaunisse réparties sur deux plateformes françaises », détaille Éric Dubert, directeur des activités betteraves France.
Maribo travaille sur la jaunisse dans son programme de sélection depuis les années 70. En 1989, plusieurs gènes d’intérêts (QTLs) sont identifiés lors de travaux de recherches. Et si l’arrivée des néonicotinoïdes en 1992 suspend les recherches sur la jaunisse, Maribo les réintègre dès 2016 et en fait une de ses priorités.
Les chercheurs réalisent des rétrocroisements pour développer du nouveau matériel. « Nous introduisons et fixons des gènes de résistance dans nos meilleures lignées parentales. Nous combinons des lignées résistantes avec des lignées montrant une tolérance au champ. Nous combinons aussi la tolérance/résistance de la jaunisse avec d’autres maladies (RZ1, RZ2, nématodes, Cercospora …) »
Sur les plateformes « jaunisse », le travail est de longue haleine. Les pucerons infectés importés en camions spéciaux depuis la Suède sont inoculés sur les betteraves au stade 6-8 feuilles (mai-juin). Les symptômes visuels sont notés, des contrôles de test Elisa et q-PCR effectués, jusqu’à la mesure du rendement et de la richesse. Sur les deux les plateformes expérimentales en Suède et en France, les inoculations se font ainsi avec les virus BYV (7 %), BMYV (5 %), BChV (5 %) en comparaison avec des parcelles non inoculées et des essais en co-infection (BYV 5 %, BMYV+BChV 3 %).