Le Betteravier français : comment l’Ukraine a-t-elle pu exporter jusqu’à 400 000 tonnes de sucre dans l’Union européenne ?
Nazar Mykhailovyn : Moins de sucre est consommé en Ukraine depuis le début de la guerre. Des millions de personnes ont émigré ou demeurent dans des territoires occupés. Le pouvoir d’achat des Ukrainiens a aussi fortement diminué. Aussi, malgré une surface implantée en net repli l’an passé, la production ukrainienne était excédentaire en 2022-2023. Nous avions aussi encore du sucre en stock de la campagne précédente.
À la fin des années 2010, l’Ukraine exportait jusqu’à 600 000 tonnes (t) de sucre, principalement vers les ex-républiques de l’URSS et vers le bassin méditerranéen, selon Ukrsugar, l’association des producteurs de sucre. Or, ces marchés sont inaccessibles depuis la guerre et la fermeture des ports maritimes de la mer Noire.
Dans le même temps, l’Ukraine ne disposait que d’un quota à l’export de 20 070 tonnes sans droits de douane vers l’Union européenne. Depuis la guerre, le marché européen est ouvert mais l’expédition du sucre est très onéreuse par voie terrestre.
Le BF : Comment s’annonce la campagne betteravière 2023 ?
N. M. : Pour l’année en cours, la superficie ensemencée en betteraves sucrières s’élève à 249 900 hectares, selon le ministère de la politique agraire et de l’alimentation. Elle est quasiment équivalente à celle de 2021. Le rendement moyen se situera entre 50 et 55 tonnes par hectare.
Au printemps dernier, le matériel était en état de marche. Il y avait suffisamment de machines agricoles et d’ouvriers pour mettre en cultures les champs.
Nous ne savons pas encore à quel prix les betteraves seront payées, mais nous estimons à 2 000 dollars par hectare leurs coûts de production.
Une trentaine de sucreries étaient en état de marche. Nous ne déplorons aucun problème d’approvisionnement en énergie pour les faire fonctionner. Malgré l’invasion de l’armée russe, la capacité de production de l’industrie sucrière n’a pas été touchée. Seules deux usines resteront fermées, car elles sont dans des régions encore minées par l’armée russe.
Le sucre excédentaire produit à partir des betteraves récoltées cette année sera de nouveau exporté vers les pays de l’Union européenne.
Le BF : La situation s’est-elle donc redressée ?
N. M. : L’an passé, dix sucreries n’ont pu fonctionner après le retrait de l’armée russe et des dizaines de milliers d’hectares minés n’avaient pu être cultivés.
En conséquence, seuls 180 600 hectares avaient alors été ensemencés. Mais les entreprises agricoles étaient déjà fournies en semences, en produits phytopharmaceutiques et en engrais. Nous avions aussi suffisamment de trésorerie pour financer la campagne de plantation.
Le BF : Dans la perspective d’une prochaine adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, êtes-vous conscient que votre pays sera un partenaire redoutable ?
N. M. : Tout d’abord, nous croyons à la victoire des forces militaires ukrainiennes. Nous regardons l’avenir avec espoir. Lorsque l’Ukraine aura rejoint l’Union européenne, l’industrie ukrainienne du sucre se développera dans l’intérêt de tous les pays membres, en respectant les règles de fonctionnement du marché européen.
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