Toutes les charges explosent pour les exploitations agricoles de l’Aisne. Le Cerfrance a présenté ses prévisions pour la récolte 2023, le 26 septembre à Laon. La palme revient aux engrais et amendements, dont le prix a été multiplié par 1,5. Le coût des engrais d’un polyculteur moyen de l’Aisne (150 ha à majorité SCOP) est passé à 74 000 € pour la récolte 2023, à comparer aux 49 000 € de l’année précédente, soit 24 000 € de charges en plus. Pour un betteravier « moyen », avec 160 ha, dont environ 25 % de betteraves, le coût des engrais est passé de 60 000 € à 90 000 € pour la récolte 2023. Soit 30 000 € de charge de plus par exploitation !
Explosion des charges en 2023
Les travaux pour tiers croissent de 5 % pour les cultures et de 15 % pour l’élevage. Toutes les charges opérationnelles sont concernées par la hausse : les produits phytosanitaires 11 %, les semences 9 % et l’aliment du bétail 7 %. Côté mécanisation, le centre de gestion estime à 6 % l’augmentation du coût carburant, 9 % celle de l’entretien réparation, 4,4 % pour le crédit-bail location et 5 % les amortissements. Quant au fermage, il gagne 5,63 %, les salaires et les frais généraux, plus de 4 %. Enfin, les frais financiers vont exploser avec l’augmentation des taux (+6 % long et moyen terme).
Cette hausse des charges amène un surcoût direct de + 359 €/ha pour le blé, soit près de 40 € par tonne par rapport à 2022. Pour le colza, il est de +322 €/ha (80 à 110 €/t) et pour le maïs de +341 €/ha. Le surcoût de charges par hectare est encore supérieur pour la betterave avec + 469 €/ha, soit près de 6 €/t pour un rendement de 78 t/ha. La pomme de terre est sur le podium de l’augmentation des charges avec 657 €/t, et ce, sans le stockage.
Côté recette par hectare, les rendements 2023 sont proches de la moyenne quinquennale en blé (voir tableau), supérieurs en orge de printemps, en maïs et en betteraves (évalué de 80 à 86 t/ha) et légèrement inférieurs en colza. Les prix chutent après l’envolée 2022, sauf pour les betteraves.
Selon ces hypothèses, les marges en production végétale vont jouer le grand écart. Avec une diminution des marges de près de 700 €/ha pour le blé et le colza, une chute de près de 1 000 € en maïs et de 129 € en betteraves, dont les marges n’étaient pas montées jusqu’au ciel en 2022, comme celles des céréales et oléagineux.
Retour à la moyenne pour les EBE et le résultat économique en système betteravier
Pour la récolte 2023, le produit par hectare demeure élevé, avec une moyenne de 2 900 €/ha pour le système betteravier contre 3 040 € en 2022. Ce niveau masque une baisse des EBE, excédent brut d’exploitation (1) et des résultats économiques qui s’approchent de la moyenne 5 ans, après l’envolée 2022. L’EBE est pratiquement divisé par 2 par rapport à l’année précédente : 720 €/ha en 2023, contre 1 230 €/ha en 2022 (690 €/ha pour la moyenne quinquennale). Le résultat économique de 420 €/ha a aussi été divisé par 2 par rapport à l’année précédente. Il descend légèrement en dessous de la moyenne 5 ans (460 €/ha).
25 % des exploitations ont un résultat déficitaire
Comme toujours, la moyenne masque les grandes variations entre les exploitations. Le quart supérieur des exploitations les plus performantes économiquement atteint un EBE de 1 050 €/ha avec un résultat économique de 800 €/ha. Mais le quart des exploitations ayant les résultats économiques les moins performants atteint un EBE de 370 €/ha et un résultat économique 2023 déficitaire, avec une perte de 50 €/ha. Outre les différences de rendement, les prix de vente des cultures et surtout le prix d’achat des engrais sont très impactants. (voir tableau)
Des résultats inférieurs en polyculture
Pour les polyculteurs (150 ha en majorité SCOP), le produit par hectare est de 2 310 €, avec un EBE (480 €/ha) et un résultat économique plus faibles qu’en système betteravier (210 €/ha en moyenne). Ce résultat économique est aussi inférieur à la moyenne 5 ans de 340 €/ha. Là aussi, le quart des exploitations les moins performantes économiquement est déficitaire, avec un résultat négatif de 210 €/ha.
Une trésorerie trompeuse
« On peut avoir l’impression d’avoir une trésorerie disponible importante », prévient François-Xavier Thirard, conseiller Cerfrance. Le disponible par unité familiale revient à 47 000 € en moyenne pour un betteravier de l’Aisne. Si le coût de l’engrais pour 2024 va permettre d’avoir des niveaux moins élevés qu’en 2023, l’effet boomerang des impôts et cotisations 2022 se répercutera souvent à partir de fin 2023 ou 2024, et pour plusieurs années. De même, les DEP (déduction pour épargne de précaution) réalisées devront être réintégrées dans les 10 ans.
De plus, met en garde le conseiller, l’explosion des charges depuis 2 ans (+38 %) incite à la prudence. Les augmentations de charges opérationnelles et de charges de structure sont à intégrer dans la gestion de l’exploitation.
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EBE : excédent brut d’exploitation (EBE) d’une entreprise est la ressource d’exploitation (après paiement des charges de personnel mais avant amortissement).