« Une partie de la sécurité alimentaire de la planète se joue sur la culture de la pomme de terre, avait déclaré Qu Dongyu, le directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Sa production doit doubler au cours des 10 prochaines années ». En mai 2022, Qu Dongyu ouvrait le 11e Congrès mondial de la pomme de terre à Dublin.
La croissance de la production de pommes de terre se ferait en deux temps. En 2025, 550 millions de tonnes (Mt) seraient récoltées, puis 750 Mt en 2030. Ce serait en Asie et en Afrique que la production de pommes de terre prendrait un nouvel élan. Les pommes de terre sont actuellement la troisième denrée vivrière la plus importante au monde.
Pour produire 750 Mt de pommes de terre dans le monde d’ici dix ans, il faudrait en cultiver au moins 40 Mt de plus par an ! Or, seules 354 Mt de pommes de terre ont été produites en 2022, soit 22 Mt de moins qu’en 2021.
Leur production a diminué sous les effets conjugués d’une diminution des surfaces et surtout de conditions climatiques défavorables aux rendements. La baisse a été observée, dans des proportions plus ou moins importantes, dans tous les grands pays majeurs de la planète.
La Chine, premier pays producteur
La Chine, le premier pays producteur au monde de pommes de terre (93 Mt), a sacrifié une partie de sa récolte en cultivant davantage de soja.
L’Inde (54 Mt) est toujours le deuxième pays producteur au monde de la planète. Mais l’Ukraine, le 3e pays producteur avant la guerre (21 Mt en 2021), n’aurait récolté que 16,6 Mt. Jusqu’à 30 % des terres ne sont plus cultivables et sur les autres, les rendements ont baissé.
L’an passé, l’Union européenne a été affectée par d’importants épisodes caniculaires. Les quatre pays du NPEG (producteurs des pays nord européens – Allemagne, France, Belgique, Pays-Bas) n’ont récolté que 21,7 Mt de tubercules, soit 1,22 Mt de moins qu’en 2021 et 1,8 Mt de moins qu’en 2020.
Par ailleurs, la baisse de la production de pommes de terre réduit, avant tout, les capacités de vente des pays exportateurs déjà très contraintes.
Pourtant les surfaces avaient augmenté (512 400 ha, + 2,9 % sur un an). Mais les rendements ont diminué (-6,3 %). Seuls les Pays-Bas ont bénéficié de conditions climatiques favorables à la culture de la pomme de terre. 3,7 Mt de tubercules ont été récoltés, soit +13 % de plus qu’en 2021. En France, la production (6 Mt) s’est repliée de 0,9 Mt en un an.
L’Union européenne n’a pas – ou ne se donne pas les moyens nécessaires – pour prendre sa part au défi planétaire de doubler la production mondiale de pommes de terre d’ici 2030.
Les rendements stagnent depuis plusieurs années sous le poids du changement climatique et de la difficulté croissante d’accès à des produits de synthèse pour protéger les cultures. Au fil des campagnes, le risque s’est inversé. Ce n’est plus la surproduction qui est crainte mais la sous-production et l’impossibilité d’honorer des contrats signés avec les industriels.
La production de plants de pommes de terre pourrait devenir le nouveau maillon faible de la culture de la pomme de terre dans les pays membres du NPEG mais aussi dans d’autres pays producteurs de plants hors zone comme le Danemark.
Les coûts de production des semences ont augmenté et rien n’indique que les acheteurs augmenteront le prix qu’ils paient pour les semences. Les producteurs de plants pourraient être tentés de se tourner vers d’autres cultures.
Produire plus pour transformer
Cultivées sur plus de 20 millions d’hectares dans près de 150 pays, les pommes de terre génèrent des revenus à une multitude de petits producteurs. Les tubercules les nourrissent et les aident à sortir de la pauvreté.
Mais ces tubercules sont périssables. Les produits industriels congelés (frites, cubes par exemple) ou déshydratés (chips, flocons) sont les seules formes de conservation des tubercules.
Aussi, la mondialisation de la filière pomme de terre reposera sur un réseau d’entreprises dense, édifiées à proximité des bassins de production, pour transformer en denrées stockables (frites, flocons, chips etc.) des millions de tonnes de tubercules.
Toutefois, les dizaines de millions de tonnes de tubercules produites en plus seront majoritairement consommées en l’état dans les régions ou dans les pays où elles seront cultivées. A l’international, les échanges commerciaux de pommes de terre de conservation resteront limités à des exportations et des importations entre pays voisins.
Actuellement, les dix principaux pays exportateurs au monde expédient à peine plus de 10 Mt de tubercules, alors qu’ils en récoltent près de 220 Mt.
La Chine concentre ses échanges vers la Thaïlande et la Birmanie. Elle construit de nouvelles usines pour conquérir de nouveaux marchés à l’export de produits transformés vers l’Indonésie, la Thaïlande, le Japon et les Philippines.
La France est un cas à part. Elle est le premier exportateur mondial de pommes de terre (2,4 Mt en 2021). La Belgique est le 4e pays. Mais l’Hexagone n’est que le 6e exportateur de frites surgelées (357 000 t) derrière la Belgique (1er – 2,85 Mt), les Pays-Bas (2e), le Canada, les États-Unis et l’Allemagne.
Pour conquérir des parts de marché à l’export, à des milliers de kilomètres des bassins de production, les pays producteurs de pommes de terre se dotent d’unités industrielles de transformation conséquentes, pour substituer les tubercules par des produits transformés plus adaptés au commerce international.
Et comme le transport par camions de pommes de terre est banni, ces unités industrielles sont, de préférence, édifiées à proximité des bassins de collectes.
En France, une partie des centaines de milliers de tonnes de tubercules expédiées en Belgique pour être transformés en frites sera prochainement livrée dans les nouvelles usines qui seront édifiées en Hauts-de-France dans un proche avenir.
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