En introduction de ses résultats d’essais en désherbage, Arvalis prévient : « les herbicides ne peuvent pas contrôler à eux seuls les adventices ». La recommandation du bon produit, au bon moment et à la bonne dose, s’enrichit d’un quatrième item, « en complément des mesures agronomiques préventives ». Par « mesures agronomiques », il s’agit de privilégier celles qui abaissent le stock de semences dans le sol, surtout de ray-grass et de vulpins, afin d’éviter les situations d’impasse en désherbage ou d’en sortir ! « Aucune région céréalière n’est épargnée, observe Ludovic Bonin, expert chez Arvalis au pôle flores, adventices et lutte contre la verse. Les parcelles infestées par ces graminées se révèlent de plus en plus nombreuses. Des situations avec plus de 2 000 ray-grass par m2 sont même signalées alors que les parcelles considérées très sales oscillaient entre 200 à 300 plantes par m2 20 ans plus tôt ». Au-delà de l’erreur technique « qui peut arriver » ou d’une résistance avérée aux herbicides foliaires appliqués au printemps, il explique cette invasion par une prédominance de rotations courtes hivernales et par l’abandon du travail du sol. « Si on ne laboure pas derrière une parcelle sale, la flore repart de plus belle ! », note-t-il. Ajoutant que même avec le meilleur des programmes herbicides, une telle situation ne peut se régler en une campagne agricole.
L’agronomie, en préventif
Avant de semer le blé, l’objectif est d’obtenir une parcelle saine et de semer sur une parcelle « propre ». Labour occasionnel, faux semis, décalage de la date de semis, allongement de la rotation, les leviers agronomiques fonctionnent, qu’ils soient activés seuls ou combinés. « Par exemple, en décalant de 3 semaines la date de semis, nous avons obtenu 70 à 90 % d’efficacité dans des essais infestés avec parfois plus de 1 000 pieds de vulpins par m2 », partage l’expert. La performance technique de cet itinéraire ressort bien meilleure. « C’est plutôt contre-intuitif car avec un blé semé tôt, on a un meilleur potentiel, mais celui-ci sera contrarié par des levées plus abondantes d’adventices et un rendement inférieur à celui d’un blé semé tardivement ».
Cependant, l’agronomie ne résout pas tout. « Penser qu’elle va se substituer complètement aux programmes herbicides est illusoire, souligne Ludovic Bonin. Elle prépare le terrain pour que les herbicides finissent le travail ». Ensuite, toute la question est d’élaborer la stratégie de désherbage chimique adaptée à la flore majoritaire, à son niveau de pression et à l’éventuelle présence de résistance aux herbicides foliaires. Dans ce dernier cas, des tests sur semences ou sur plantules peuvent confirmer ou non ce phénomène. Aussi, par sécurité, la tendance est de miser sur les programmes d’automne. « Année après année, la prélevée fonctionne bien hors situation très sèche avec une efficacité de plus de 80 % », complète Ludovic Bonin. Parmi les programmes recommandés en prélevée par l’institut technique : flufenacet + Codix (Adama), Defi (Syngenta) + Codix, Pontos (BASF) + Defi, Mateno seul (Bayer). En postlevée, le passage peut être réalisé des stades BBCH 11 à BBCH 13 avec, par exemple, Fosburi (Bayer) + Defi, Merkur (Adama) + Defi…
Double programme d’automne en cas de forte pression graminées
« Si le niveau d’infestation en ray-grass ou vulpins est très élevé, mieux vaut opter pour un double programme d’automne », prévient Ludovic Bonin. Ajoutant que le coût, de 105 à 120 euros, peut être un frein, mais « si on réduit la dose ou si on enlève l’un des herbicides partenaires, cela se verra au rendement ». Ainsi, des programmes solides effectués en deux passages, prélevée du blé et rattrapage au stade 1 à 2 feuilles de la céréale, ont été identifiés par Arvalis : Trooper 2,5 L (BASF) + Compil 0,2 L puis en postlevée précoce, Defi 3 L + Beflex 0,35 L (FMC) ou Mateno 2 L (prélevée) complété en postlevée par Defi 3 L ou Shvat 3,6 L à 1 feuille ou Defi 3 L + Codix 1,5 L suivi en postlevée de Pontos 0,75 L + chlortoluron (3 l) ou Defi 3 L + Flight 4 L (Philagro) puis Fosburi. Enfin, en cas de parcelle drainée, seuls les produits Trooper, Defi, Codix, Fosburi et les formulations avec DFF sont autorisés. Dans tous les cas, une règle d’or est à respecter : utiliser une matière active une fois par campagne pour pérenniser l’efficacité des herbicides. Côté innovation, il faudra attendre 2025 pour disposer de deux nouvelles familles de molécules, l’une proposée par BASF et l’autre par FMC.
Sur la plateforme d’essais pluriannuels Culture Champs de Hangest-en-Santerre (80), Bayer évalue l’efficacité des leviers agronomiques à l’échelle de la rotation (blé, maïs, betteraves). À l’automne 2021, un faux semis puis un décalage de la date de semis ont fait baisser le nombre de ray-grass de 896 pieds/m2 à 327. « L‘herbicide Mateno seul en prélevée à 2 L/ha apporte 90 % d’efficacité, explique Magalie Devavry, responsable technique chez Bayer. Face à une telle infestation, un complément au printemps avec un ALS (Mesomaxx) s’est révélé gagnant avec 99 % d’efficacité enregistrée sur l’itinéraire ».