Issues d’une famille de 5 filles, Caroline et Éléonore Blanquart n’avaient pas forcément programmé de reprendre la ferme familiale de Beaucamps-Ligny. Benoît Blanquart, agriculteur et betteravier, est en train de transmettre son exploitation à ses filles. Élevage laitier, grandes cultures et centre équestre, les deux jeunes femmes se sont réparti les rôles de façon distincte. Détentrice d’un master 2 en école de commerce, Caroline Blanquart a remis en question son avenir professionnel au moment de la crise sanitaire. Actuellement âgée de 31 ans, elle s’est remise aux études, à distance, pour obtenir un bac agricole ainsi qu’un monitorat d’équitation afin de reprendre le centre équestre. De son côté, Eléonore, titulaire d’une licence en économie gestion agricole, s’occupe de la partie élevage, avec l’aide de ses parents, et des cultures de betteraves, de blé et de maïs. « La betterave nous est utile pour nourrir les vaches, grâce à la pulpe. On en récupère 350 tonnes tous les ans ». Âgée de 23 ans, elle compte à terme reprendre les cultures et s’interroge sur la poursuite de l’élevage. « Nous avons une salariée à mi-temps et mes parents m’aident pour le moment pour la traite des vaches. C’est une charge de travail qui demande un temps de réflexion », analyse-t-elle. Question répartition du travail, les deux sœurs sont tombées d’accord instinctivement. « Je pense que nos caractères correspondent à chacune de nos activités. Pour tenir les chevaux, il y a du contact client, il faut savoir arrondir les angles, tandis que du côté des vaches, c’est plus direct », observe l’aînée.
Une affaire de famille
Travailler en famille, c’est « une chance », selon la betteravière. « Nous avons grandi dans ce milieu et nous avons la chance de pouvoir récupérer ce que nos parents ont construit. On sait faire la part des choses entre le travail et la vie privée, et on se dit les choses plus facilement », déclare-t-elle. Lorsque la question d’une reprise a été évoquée, un expert est venu évaluer toute la ferme, afin « que tout soit carré » et d’éviter toute difficulté qui impacterait les relations familiales. Leur mère, Isabelle Blanquart, gère la partie paperasse et logistique, tout en participant à la partie traite. Question transmission, le changement de génération se heurte parfois à des différences, au niveau des procédés. « Notre père travaillait ici tout seul depuis des dizaines d’années, nous on arrive avec notre façon de faire et notre caractère », plaisante Caroline. L’augmentation des charges demande également une faculté d’adaptation qui, selon elles, reste plus accessible aujourd’hui. Tout doit être pesé, analysé, au millimètre près, que ce soit pour les semis ou pour la nourriture pour les vaches.
Leur quotidien mis en scène sur Instagram
Vivre à 10 minutes de Lille a amené un changement de population dans la campagne de Beaucamps-Ligny, où de nombreux citadins sont venus s’installer. « Autant les agriculteurs ont toujours fait partie du village, autant aujourd’hui, on remarque que lorsque les tracteurs roulent trop lentement ou qu’il y a des odeurs, ça génère l’insatisfaction de certains habitants », indique Caroline. L’idée vient alors de communiquer sur les réseaux sociaux via Instagram avec leur compte « Un jour à la ferme », sur le métier d’agricultrice, de façon ludique. « En expliquant ce qu’on fait, pourquoi et comment, on s’est dit que les gens deviendraient plus compréhensifs », ajoute-t-elle. De façon anecdotique et avec humour, les deux sœurs se mettent en scène, sur leurs tracteurs ou dans les champs, pour expliquer en quoi consiste leur métier. En ayant côtoyé le monde du travail hors agriculture, Caroline a constaté que son entourage peut ne pas savoir comment faire du lait, par exemple. Grâce aux réseaux sociaux, les deux sœurs mettent à profit leurs connaissances, sans pour autant entrer dans des prises de position politique. « Les autres comptes agricoles parlent aussi de façon très technique, là où nous on veut montrer le fonctionnement de façon pédagogique », déclare-t-elle. « Les gens ont tendance à beaucoup critiquer l’agriculture française, mais quand je fais mes courses, je m’amuse à regarder les caddies et les gens ne regardent pas d’où viennent les produits », indique Éléonore. Que ce soit dans les champs, à l’étable, à l’écurie ou sur internet, les deux sœurs s’investissent pour que leur métier soit reconnu.