La gestion des graminées reste la problématique principale en matière de désherbage du colza. Ces adventices, très concurrentielles dès le début de l’automne, représentent le critère décisionnel numéro un du programme de désherbage dont l’efficacité dépend du positionnement des herbicides racinaires et des conditions climatiques au moment de leur application.
Une indispensable application de prélevée contre les graminées
L’utilisation de solutions racinaires en présemis (Colzamid par exemple), ou en post-semis prélevée ou post-levée précoce, comme c’est le cas du Novall ou d’Alabama, peut être nécessaire pour réaliser un désherbage de qualité. Si la flore est simple et l’infestation en graminées faible, une seule application d’herbicide peut suffire à condition qu’il y ait de l’humidité au moment de l’application ou dans les jours qui suivent. « L’effet de la pluie domine largement sur l’effet de la dose de l’herbicide, y compris pour application de propyzamide en post-levée », rappelle Franck Duroueix de Terres Inovia.
En moyenne et forte pression graminées, le contrôle est plus délicat. En condition sèche, la napropamide (Colzamid par exemple), incorporée sur les trois premiers centimètres de sol au semis, montre des résultats plus réguliers qu’une application de prélevée. Appliqué à la dose de 750 g/ha, le métazachlore (Novall par exemple) représente la référence en matière de contrôle du vulpin. Une dose de 500 g/ha réduit l’efficacité de 15 % et un complément peut être nécessaire. En situation de lutte contre le vulpin, l’herbicide de prélevée doit absolument contenir une base de métazachlore, voire de napropamide. Enfin, la propyzamide, contenue notamment dans Kerb Flo, est incontournable en post-levée mais peut se montrer insuffisante sans une application de prélevée.
Concernant la gestion des ray-grass, toutes les solutions proposées en prélevée sont satisfaisantes. Ces herbicides apportent également de bons résultats sur de nombreuses dicotylédones. Ils peuvent bien entendu être complétés, en post-levée, par l’application de Mozzar ou Ielo, propyzamide renforcée par de l’aminopyralide. En post-levée, la propyzamide est indispensable pour sécuriser les efficacités du désherbage. Pour limiter l’impact de la substance active sur la qualité de l’eau, l’application doit être limitée à une seule fois par campagne, ce qui sera la norme des prochaines autorisations de mise sur le marché (AMM). Idéalement, l’opération est effectuée avant le mois décembre, en l’absence de fortes pluie annoncées et sur un sol humide et frais (10-12°). Face aux contraintes climatiques, les interventions en post levée précoce sont de plus en plus fréquentes. « L’application est trop tardive car le ray-grass est déjà levé pour être contrôlé, indique Franck Duroueix. Le résultat final, même avec l’application de propyzamide, peut mener à des insatisfactions. Le compromis, c’est d’éviter les applications sur sol sec, incompatible avec la levée du colza et du ray-grass. Dans ce cas, après semis, il faut attendre le retour des pluies qui permettront au colza et au ray-grass de germer pour faire cette application de prélevée. En vulpin, la post-levée précoce, vers le 10-15 septembre est un positionnement optimal pour le contrôle de cette graminée, plus tardive que le ray-grass »
Combiner tous les leviers possibles
D’autres leviers sont envisageables pour limiter les populations d’adventices comme l’allongement de la rotation, avec l’alternance de cultures de printemps et d’hiver, ou le labour tous les trois à quatre ans pour enfouir les graines et les faire dépérir. Le désherbage mixte (chimique et mécanique combinés) représente une autre alternative. Elle montre de bons résultats mais cette efficacité s’avère limitée contre les graminées. Un binage, au stade 4 à 6 feuilles du colza, complète l’efficacité d’un herbicide de prélevée ou de post-levée. Idéalement, il doit être effectué sur un sol sec et en l’absence de pluies programmées. Le traitement en localisé en post-levée ou un herbisemis pour les herbicides de prélevée est aussi une solution pour désherber avec une moindre quantité de produits. Cependant, il convient d’anticiper ses pratiques en réalisant un semis avec un écartement entre rangs adapté.
L’interdiction du Boravi ajoute une complexité supplémentaire à la gestion automnale du colza. « Dans tous les cas, il faut viser un colza robuste qui supportera mieux les attaques de bioagresseurs et les aléas climatiques. Cela débute par la préparation de sol dès la récolte du précédent, l’anticipation du semis, le choix variétal, l’association avec des légumineuses, une nutrition optimale en azote et phosphore, etc., explique Laurent Ruck de Terres Inovia. Il faut que le colza atteigne le stade quatre feuilles lorsque les altises adultes arrivent sur la parcelle, généralement vers le 20 septembre. Selon les régions, il convient donc d’anticiper le semis pour obtenir une levée précoce ». Là où la résistance forte (mutation Super KDR) n’est pas généralisée, l’application d’une pyréthrinoïde, de préférence à base de lambda-cyhalothrine tel que Karis 10 CS, reste une solution efficace sur les larves d’altises. En revanche, dans des situations où cette résistance forte est généralisée, les pyréthrinoïdes sont totalement inefficaces. La filière a déposé une nouvelle demande de dérogation d’usage pour le Minecto Gold comme ce fut le cas pour l’automne 2022. Celle-ci avait été autorisée pour une période de 120 jours à partir du 15 octobre 2022 sur les régions concernées par les phénomènes avérés de forte résistance des grosses altises aux pyréthrinoïdes. Cette dérogation était assujettie à un test Berlèse, pour dénombrer la pression larvaire, et à une évaluation des risques à partir d’un outil d’aide à la décision (OAD). En libre accès sur Internet, les OAD de Terres Inovia prennent en compte le risque agronomique, la situation géographique et le risque de résistance ainsi que la présence du ravageur pour évaluer le risque à la parcelle.
Julie Guichon