Développer de nouvelles variétés permettant de répondre aux différents défis lancés à l’agriculture, de façon beaucoup plus rapide et précise, voici ce que pourrait permettre l’utilisation des nouvelles techniques d’édition génomique (NGT, aussi appelé NBT). Le 5 juillet 2023, la Commission européenne a donc présenté un projet de réglementation pour en encadrer l’utilisation. En effet, jusqu’alors, l’édition génomique n’était pas permise par l’Union européenne. La directive 2001/18, le texte de référence sur cette question, ne traite pas de ces techniques puisqu’elles n’existaient pas au moment de sa rédaction. Il était donc temps de mettre à jour la réglementation.
Mais qu’entend-on exactement par mutation obtenue par édition génomique ou NGT ? Il s’agit de modifier de façon précise le gène d’une plante, sans introduire de gène d’une autre espèce, à la différence de la transgénèse, explique George Freyssinet, président de l’association française des biotechnologies végétales (AFBV). Les NGT regroupent, entre autres, trois techniques. La mutagénèse ciblée permet de provoquer une ou plusieurs mutations dans un génome. La cisgénèse permet d’introduire un gène d’une autre plante de la même espèce ou d’une espèce compatible (c’est-à-dire avec laquelle elle peut naturellement se croiser). Enfin, l’intragénèse qui consiste à une cisgénèse durant laquelle la séquence du gène a été modifiée. Parmi les outils utilisés pour éditer le génome d’une plante, le plus connu est le ciseau moléculaire Crispr/Cas9, inventé par deux chercheuses, dont la française Emmanuelle Charpentier (prix Nobel 2020).
Le texte proposé par la Commission européenne prévoit de classer les variétés issues de NGT en 2 catégories. La première, appelée NGT1, regroupe les variétés qui pourraient également apparaître naturellement ou être produites par sélection conventionnelle. Pour qu’une plante entre dans cette catégorie, les modifications effectuées doivent répondre à un des critères définis dans le règlement comme, par exemple, un nombre de nucléotides modifié limité à 20. Les plantes qui rempliront ce ou ces critères pourraient être développées et commercialisées normalement moyennant trois précautions : une référence dans le catalogue commun des variétés, une notification dans un registre public, et une mention sur le sac des semences. Toutes les variétés qui ne rentreront pas dans cette catégorie entreront dans la seconde (NGT2), qui se rapproche de la règlementation OGM de 2001, avec un étiquetage sur le produit fini. Comme pour les plantes transgéniques cultivées actuellement en Espagne par exemple, leur culture ne serait pas en soi interdite au niveau européen, mais très encadrée. Leur procédure d’évaluation pourrait cependant être allégée au cas par cas. À noter que le texte de la Commission européenne fait suite à plusieurs années d’études, de consultations et de discussions avec les parties prenantes parmi lesquelles on peut trouver des avis de l’Efsa qui ont conclu que les risques avec les variétés issues des NBT sont similaires à ceux pouvant survenir avec les variétés issues de la sélection conventionnelle.
Le Collectif pour l’innovation variétale, qui regroupe 28 organisations des filières agricoles et agroalimentaires, dont la CGB et l’union française des semenciers (UFS) est satisfait de la sortie d’un texte, qui nécessite maintenant une analyse plus poussée. Analyse que le collectif vient d’engager afin d’évaluer ses impacts concrets. Mais Rachel Blumel, la directrice de l’UFS, précise que le texte n’est qu’une première étape dans le long chemin vers la promulgation définitive d’une nouvelle réglementation. Le processus législatif ne sera probablement pas terminé avant les élections de juin 2024. Ce sujet en sera donc potentiellement un enjeu.
Le temps de la science et le temps de la politique
Attention, si les NBT peuvent raccourcir le temps, elles ne seront pas opérationnelles immédiatement. Arriveront-elles suffisamment tôt pour permettre aux agriculteurs de satisfaire aux objectifs du Green Deal ? Rien n’est moins sûr. Pourtant, Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne, avait tenté de faire du « chantage », selon les mots de certains observateurs, en n’envisageant une avancée sur les NBT qu’en cas d’évolution des textes de restauration de la nature et du règlement SUR. Il n’a manifestement pas persévéré dans cette démarche. À noter que de nombreux pays à travers le monde revoient ou ont déjà revu leur réglementation pour autoriser ces innovations génétiques. Il y a donc un enjeu de compétitivité des semenciers et de l’agriculture européenne. Rendez-vous le 5 septembre 2023, à la foire de Châlons-en-Champagne, pour la conférence annuelle de la CGB Champagne-Bourgogne intitulée :« les nouvelles techniques génomiques (NGT) au service de l’agriculture, de l’environnement et du climat, comment dépasser les malentendus pour que l’amélioration des plantes relève les nombreux défis lancés à l’agriculture ? »
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