Une année marquée par un fort étalement des dates de semis
Les premiers semis ont été enregistrés autour du 3 mars. Le 5 avril, seulement 10 % de semis étaient réalisés au niveau national, essentiellement dans le sud de Paris. La date médiane pour 2023, correspondant à 50 % de semis réalisés, se situe le 9 avril, avec de fortes disparités entre régions. Le Centre-Val de Loire a été semé à une date proche de la normale (29 mars). En dehors du Nord-Pas-de-Calais, les autres départements betteraviers ont une date médiane qui s’étale du 4 avril au 9 avril. Le Nord est le département où les semis ont été réalisés le plus tardivement en raison des conditions pluvieuses. Le 25 avril, seulement 50 % des semis étaient réalisés à l’échelle du Nord-Pas-de-Calais, dont 10 % dans les Flandres maritimes. Globalement, l’année 2023 se caractérise par un gradient nord-sud, qui se retrouve dans le réseau d’épidémio-surveillance (figure 1). Des croûtages ont pu se former lorsque des pluies ont suivi les semis, mais les populations restent globalement correctes.
Un développement foliaire
Les conditions humides qui ont suivi les semis de mars ont été favorables aux parasites souterrains, particulièrement les tipules, entraînant des pertes de pieds dans certaines parcelles. Les parasites aériens étaient présents tôt : dès le 10 avril, les pucerons, altises, collemboles et thrips ont été signalés sur les jeunes betteraves.
Jusqu’au 15 mai 2023, le développement foliaire a été très lent pour les parcelles semées en mars. Ce retard est particulièrement visible en analysant les indices de végétation par différence normalisés (NDVI) des parcelles de betteraves du réseau d’épidémio-surveillance. Il s’agit d’un indice calculé à partir des images Sentinel-2 qui caractérise le niveau de développement foliaire. Cette valeur sans unité est calculée à partir de la différence entre la quantité de lumière réfléchie par la végétation et le sol selon la formule (infrarouge – rouge)/(infrarouge + rouge). Des feuilles en bonne santé vont ainsi refléter les rayons infrarouges mais absorber la couleur rouge, à l’inverse du sol nu. Le NDVI d’un couvert très développé se rapprochera de 1 contre 0,2 environ pour un sol découvert. Les données utilisées ici sont celles des deux satellites de la constellation Sentinel-2 à raison d’une observation tous les cinq jours (sauf en présence de nuages). La figure 2 montre que les semis réalisés avant le 15 mars se sont développés lentement jusqu’au 15 mai, avec toutefois une forte variabilité selon les parcelles. Les betteraves semées en 2022 avec une date de semis médiane au 23 mars avaient un niveau de développement supérieur. À partir du 15 mai 2023, l’arrivée de températures plus chaudes a permis un développement très rapide des premiers semis. Les semis tardifs enregistrent naturellement un retard. Si les semis de mars sont à couverture du sol le 15 juin, les semis les plus tardifs ne couvriront pas avant la première décade de juillet, ce qui entraînera une perte de productivité.
Une surveillance active des pucerons
Le réseau d’épidémio-surveillance, mis en place depuis 2009, permet de suivre l’évolution des bioagresseurs depuis le semis jusqu’à la récolte dans les régions betteravières. La priorisation du suivi des pucerons est toujours d’actualité avec l’arrêt des traitements de semences à base de néonicotinoïdes, et d’autant plus importante cette année que les semis s’étalent sur plus de deux mois.
Chaque semaine, à partir du semis, les observateurs de la filière ont compté dans les 200 parcelles du réseau les betteraves touchées par des pucerons verts, puis saisi les données dans l’outil Vigicultures. Les experts régionaux ont ensuite validé ces données et rédigé leurs analyses dans les bulletins de santé du végétal ainsi que dans les notes d’informations régionales. Les traitements aphicides ont été déclenchés au seuil de 10 % de betteraves infestées par des pucerons verts aptères et renouvelés au seuil, dès que nécessaire.
Une arrivée précoce des pucerons en région Centre
Dans les parcelles semées en deuxième quinzaine de mars, principalement en région Centre-Val de Loire, les premiers pucerons ont été observés dès le 10 avril et le premier seuil a été atteint au 20 avril. Cependant, les conditions fraîches ont limité l’installation des pucerons dans les parcelles déjà semées, jusqu’au retour de conditions climatiques plus favorables fin avril et début mai (figure 3). Cette situation, très proche de 2020 en termes de précocité, s’est avérée différente en termes d’intensité, avec en moyenne 1 à 2 aptères observés par betterave, et des fréquences qui sont restées inférieures à 30 %.
Beaucoup de pucerons ailés cette année
Le retour de conditions climatiques plus favorables fin avril et début mai a entraîné des vols de pucerons verts ailés en quantité plus importante qu’en 2020. Les pucerons aptères se sont installés dans les parcelles semées début mai avec le retour de conditions plus sèches et moins venteuses, y compris à des stades cotylédons, mais avec une intensité contrôlée par des interventions aphicides (figure 4). Finalement, des pucerons verts ailés ont été observés dans près de 80 % des sites du réseau, soit 2 fois plus qu’en 2020, et les pucerons aptères dans 94 % des sites, contre 100 % en 2020.
Une infestation contrôlée
Dans les parcelles infestées, les pucerons ont colonisé 26 % des betteraves, contre 71 % en 2020 (figure 5). Le gradient de semis et donc de développement végétatif, plus précoce au sud, plus tardif au nord, se retrouve également en terme de pression pucerons, avec 4 interventions aphicides réalisées dans les parcelles semées en mars-avril, contre 1 à 2 dans les parcelles semées fin avril, début mai. Quelques symptômes de jaunisse commencent à être observés dans des parcelles du réseau depuis fin juin, mais avec une sévérité, pour l’instant, inférieure à 2 %. L’expansion de la jaunisse continuera d’être observée cet été.