¾ des agriculteurs de la moitié nord de la France reconnaissent rencontrer des problèmes pour le désherbage des vulpins et du ray-grass. Et tous s’interrogent sur la perte d’efficacité des herbicides sur ces adventices. Des chiffres préoccupants d’une enquête d’Agro-Tranfert Ressources et Territoires qui mène un projet de recherche multi-partenarial sur cette problématique (1).
Des résistances aux herbicides croissantes
Toutes les molécules herbicides utilisées dans les zones betteravières ont des résistances avérées pour le vulpin et pour le ray-grass. Celles des groupes A et B sont les plus fréquentes (2). Une résistance du ray-grass au glyphosate a même été détectée à plusieurs reprises en France. L’utilisation de l’Avadex, avec son mode d’action spécifique, peut apporter une solution, même si le panel des solutions herbicides s’amenuise.
La résistance s’installe vite, explique Bastien Boquet, en charge du projet à Agro-Transfert. 1 % de pieds résistants en année N se traduira par 9 % de pieds résistants en année N+1 et 50 % de pieds résistants en année N+2. Les semis précoces des céréales (avant novembre), l’augmentation de la part des cultures d’automne et, enfin, le travail du sol simplifié sans labour favorisent ces résistances.
La force du vulpin réside dans sa capacité à germer facilement, précise Bastien Boquet. Une température du sol supérieure à zéro degré et très peu d’humidité (- 1,53 MPa) lui suffisent. La dormance de sa graine varie selon les conditions climatiques. En cas de climat chaud et sec lors de la maturation des graines, la dormance est faible. En cas de températures fraîches et humides, elle est plus forte. Mais globalement, sa dormance est faible et sa production de graines importantes. Chaque pied produit entre 500 à 5 000 graines (2 750 en moyenne), soit de quoi renouveler son stock semencier très rapidement. En revanche, vu la faible épaisseur de la paroi des graines, elles n’y survivent en moyenne que trois ans. Le TAD, taux annuel de décroissance, atteint 69 %, avec une profondeur maximum de germination de 10 cm.
Le ray-grass a lui aussi une dormance faible et une capacité de germer dès la grenaison. Il dispose également de conditions de germination peu restrictives et d’une production de graines importante (2 250 graines par plantes en moyenne) avec un TAD de 62 %.
Des levées plus étalées dans l’année
Le vulpin « profite » des températures moyennes plus élevées. Au début des années 2000, le principal pic de levées se situait début octobre. Ce pic d’automne s’affaisse et des levées beaucoup plus tardives ont lieu jusqu’à début décembre de même qu’au début du printemps. Cette flexibilité, avec des levées possibles toute l’année, rend le vulpin beaucoup plus difficile à détruire. Cette évolution atténue l’effet de rotation culturale pour éliminer le vulpin. De même, elle réduit l’avantage du décalage de la date de semis de la céréale. En revanche, l’efficacité potentielle du faux-semis estival dans de bonnes conditions reste intéressante (sous réserve de pouvoir réglementairement les réaliser). De même, les faux-semis réalisés plus précocement au printemps peuvent être utiles face aux levées de fin de printemps.
Adapter sa stratégie de lutte selon le climat
Autre constat, la très grande variabilité interannuelle météorologique, de plus en plus conséquente, entraîne des dates de levée du vulpin de plus en plus fluctuantes et peu prévisibles.
En cas de période sèche, un travail du sol va remonter les graines, sans lever la dormance. Les graines lèveront dès que l’humidité sera suffisante, parfois au moment du semis des céréales. « C’est un vrai retour de bâton dans la céréale qui suit en cas de sécheresse agronomique », déplore l’agronome d’Agro-Transfert. Pour que le faux-semis soit efficace, il faut une humidité suffisante en été, avec un temps assez long entre le dernier travail du sol et le semis de la céréale.
L’augmentation des sécheresses estivales rend la germination des vulpins plus aléatoire en été. D’où la nécessité d’adapter les leviers de gestion du vulpin aux conditions météo. Si la période est humide, il faut déstocker au maximum les vulpins avec des faux semis. Si, au moment de l’implantation des céréales, la météo est sèche, il vaudra mieux privilégier le labour pour gérer le vulpin. Ce qui apparaît contre-intuitif, les agriculteurs se passant souvent du labour dans ces conditions.
Écimer ou ensiler en cas de fort salissement
Quant aux parcelles à infestation forte, l’agronome conseille un ensilage ou un écimage des épis de vulpin pour éviter la réalimentation du stock semencier. Avec une écimeuse classique sans récupération des épis, un écimage autour du 1er juin permet de couper jusqu’à 60 % des graines, dont peu sont viables (autour de 10 %). Attendre plus longtemps accroît le nombre de graines viables. Ensuite, enchaîner plusieurs cultures de printemps limite aussi le nombre de relevées et permet de diminuer significativement les stocks semenciers en vulpins.
Dans tous les cas, il faut combiner différents leviers agronomiques (date de semis après octobre, labour ponctuel, faux-semis optimisé, alternance cultures printemps/été…) dont les effets sont partiels.
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(1) Adventurh (Gestion des Adventices et Transition vers une Utilisation Réduite des Herbicides) à l’échelle du système de culture (2020-2024) présenté le 11 mai lors des UniTechDays à LaSalle Beauvais.
(2) Groupe A : Fénoxaprop, Clodinafop, Pinoxaden, Cléthodime
Groupe B : Iodosulfuron, mesosulfuron, Pyroxulame, Imazamox.
