Les cours du colza ont atteint leur plus bas niveau depuis le début de la campagne dans la dernière semaine de mai, crevant le plancher des 400 €/t pendant quelques jours. Mais la guerre en Ukraine s’est invitée pour faire rebondir les cours. En faisant sauter un gigantesque barrage sur le Dniepr, les Russes ont inondé des plaines sur des centaines de kilomètres carrés. De plus, la contre-offensive ukrainienne rend de plus en plus fragile l’accord sur le corridor entre Russes et Ukrainiens pour exporter les céréales via la mer Noire, et une file de bateaux en attente d’inspection gonfle dans le détroit du Bosphore. Les deux pays pourraient choisir la stratégie du pire pour limiter les exportations de l’un et de l’autre.
La situation a fait grimper les cours à 434 €/t le 13 juin, soit une quarantaine d’euros de plus que fin mai, chiffres concernant la récolte 2022, sur les échanges FOB Moselle. Les prix sont encore plus élevés pour la récolte à venir de 2023, à 440 €/t. L’inversion de tendance est d’autant plus importante que l’Europe est engluée entre sa volonté de soutien total à l’Ukraine, en ouvrant largement ses frontières aux colzas, céréales et autres poulets, et la colère des producteurs européens qui ont vu leurs cours s’effondrer.
Finalement, les cinq pays limitrophes de l’Ukraine, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie ont obtenu des compensations financières pour leurs producteurs, en vertu d’un accord plus ou moins secret signé avec la Commission européenne. En échange de quoi l’Ukraine peut reprendre ses exportations, en premier lieu les graines de tournesol et de colza, dont le pays est un très gros producteur : 15 Mt de graines de tournesol, dont 6 Mt à l’exportation et 4 Mt de colza, dont environ 1,5 Mt à l’exportation, surtout en Europe. Des volumes qui vont venir percuter une récolte européenne de colza qui s’annonce excellente, aux alentours de 20 Mt pour le colza.
Ce qui veut dire que les cours pourraient devenir plus volatiles. Car sur le marché mondial aussi, les incertitudes s’accumulent. D’un côté, le risque de sécheresse aux États-Unis et au Canada et, d’un autre côté, la récolte catastrophique en Argentine, ont fait grimper les cours du soja au-dessus des 500 $/t. Alors que l’USDA constate une détérioration de la demande et une augmentation sensible des stocks de début et de fin de campagne aux États-Unis, au Brésil et dans l’Union européenne. Le Brésil qui va enregistrer la plus forte récolte de soja de son histoire, à 156 Mt, largement au-dessus des États-Unis dont la récolte est attendue à 123 Mt. Le ministère de l’Agriculture américain prévoit d’ailleurs un recul des prix à 450 USD au cours de la campagne, en retrait donc par rapport aux cours actuels.