C’est sans doute la conséquence d’une prise de conscience que notre souveraineté alimentaire est en danger. Et surtout un début de réponse aux alertes répétées des syndicats agricoles, dont la CGB. Depuis plusieurs semaines, des parlementaires représentant plusieurs tendances politiques prennent des initiatives, notamment pour lutter contre les surtranspositions des normes. Des sujets qui ont été médiatisés à l’occasion des décisions de retrait des néonicotinoïdes et du S-métolachlore.

Plusieurs propositions législatives, en discussion actuellement, vont tenter de redresser la barre et de redonner de la compétitivité à notre agriculture. On peut relever beaucoup de bonnes idées dans la proposition de loi (PPL) transpartisane « pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France » porté par les sénateurs Laurent Duplomb (LR), Pierre Louault (centriste) et Serge Mérillou (socialiste). Leur proposition a été votée à la majorité par le Sénat, le 16 mai. Composé de 26 articles, ce plan poursuit trois objectifs ambitieux : détendre le cadre normatif et lutter contre les surtranspositions, améliorer le cadre fiscal pour favoriser l’investissement et encourager l’innovation au service de la productivité et de l’environnement. Certaines propositions pourraient se retrouver dans le Pacte et Loi d’Orientation et d’Avenir Agricoles (PLOA), porté par le gouvernement et qui doit être déposé à l’automne.

La préservation de la filière betterave inspire aussi une proposition de loi déposée par le député de l’Eure, Timothée Houssin (RN), de rétablir temporairement l’usage du néonicotinoïde acétamipride en France.

Enfin, toujours inspiré par l’interdiction soudaine des néonicotinoïdes en traitement de semences le 19 janvier dernier, par la Cour de justice de l’Union européenne, une résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole, à l’initiative du député de la Manche Stéphane Travert (Renaissance), a été adoptée le 11 mai. L’Assemblée demande notamment de conditionner toute interdiction nationale ou européenne « à l’existence de solutions alternatives efficaces », et exige plus largement de défendre les clauses miroirs au niveau européen. Certes, une résolution n’a pas la valeur d’une loi, mais c’est un instrument politique qui peut irriguer les futurs textes. Et surtout cette résolution est en phase avec la demande de la profession agricole répétée à de maintes occasions : « pas d’interdiction sans solution ! ».

1 – Créer un principe de non surtransposition

Pour lutter contre la surrèglementation, l’article 12 de la PPL du Sénat complète les missions du Conseil d’État en le chargeant, dans ses avis sur les projets de textes législatifs, d’identifier les surtranspositions, pour lesquelles le Gouvernement sera appelé à produire une estimation du surcoût qu’elles pourraient engendrer, ainsi qu’une comparaison européenne, en amont du débat parlementaire.

De son côté, l’Assemblée Nationale a adopté une résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole. Dans cette résolution présentée notamment par Stéphane Travert, ancien ministre de l’Agriculture, l’Assemblée Nationale considère que «  le récent arrêt susvisé de la Cour de justice de l’Union européenne [a fragilisé ] l’ensemble de la filière sucrière » et constate l’interdiction en France de « l’acétamipride utilisé en aspersion, pourtant potentiellement utilisable par dérogation dans d’autres États membres de l’Union européenne ».

2 – Des critères économiques pour l’Anses

La PPL du Sénat, dans son article 13, prévoit que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) mène une évaluation « bénéfice-risque » en matière de santé humaine, environnementale, mais aussi économique, de ses décisions. Elle donne la possibilité au Gouvernement de suspendre une décision de retrait de mise sur le marché de produits phytosanitaires prononcée par l’Anses en cas de distorsion avec un autre État membre et en l’absence de solutions alternatives efficientes.

3 – Mettre en place des clauses miroirs

Plusieurs députés ont présenté, le 27 avril dernier, une proposition de résolution relative à l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur. Ils invitent le Gouvernement à « généraliser le principe de réciprocité des normes de production dans les échanges commerciaux à travers l’intégration de mesures miroirs dans les propositions législatives en cours d’examen et prochainement examinées dans le cadre du Pacte Vert ».

De son côté, la PPL du Sénat remet à l’agenda du Gouvernement les clauses miroirs, pour interdire les produits importés ne respectant nos standards.

4 – Création d’un livret agricole

Les sénateurs proposent de créer un « livret Agri » réglementé sur le modèle du livret de développement durable et solidaire, afin de faciliter l’accès à l’emprunt du secteur agricole et agroalimentaire à des conditions avantageuses. La PPL du Sénat permet aussi le financement de l’accès au foncier des jeunes agriculteurs par le livret Agri.

5 – Relèvement du plafond de la DEP

La PPL du Sénat augmente les plafonds de la dotation pour épargne de précaution (DEP), outil central de la gestion pluriannuelle des risques en agriculture.

6 – Revenir sur la séparation de la vente et du conseil

La Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale – Dominique Potier (PS) et Stéphane Travert (Renaissance) – lance une mission flash sur le bilan de la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytosanitaires.

À noter également que l’article 18 de la PPL du Sénat revient sur l’interdiction des remises, rabais et ristournes à l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques, ainsi que sur la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques.

7 – Autoriser l’acétamipride sur betterave

Une proposition de loi déposée par Timothée Houssin (RN) vise à rétablir l’usage du néonicotinoïde acétamipride en France, exclusivement pour le traitement foliaire de la betterave « où l’afflux de pucerons et le risque de présence de jaunisse sont avérés ». Cette proposition de loi vise à conformer la France au droit européen en autorisant de nouveau l’usage de l’acétaprimide jusqu’en décembre 2027, afin d’aligner la France sur ses voisins européens (qui eux l’autorisent jusque 2033).

Faut-il sacraliser l’animal ?
©Djony
Phytosanitaires : « le retour du politique au premier plan »

Point de vue de Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques et rapporteur de la PPL du Sénat

L’article 13 de cette proposition de loi signe le retour du politique au premier plan, évincé des décisions concernant les produits phytosanitaires depuis la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014, ce qui constitue un acte fort, prenant au mot la Première ministre lorsqu’elle déclarait à l’occasion du Salon international de l’agriculture : « nous respecterons désormais le cadre européen et rien que le cadre européen ».

Faut-il sacraliser l’animal ?
©Sénat
Une résolution de l’Assemblée nationale soutient la betterave

La résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole avait été annoncée par Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance, lors de la grande manifestation du 8 février dernier à Paris, suite à l’interdiction des néonicotinoïdes. Elle a été proposée par la majorité et soutenue par le gouvernement. Dans sa résolution adoptée le 11 mai, l’Assemblée nationale :

  • Considère « que le récent arrêt susvisé de la Cour de justice de l’Union européenne [a fragilisé ] l’ensemble de la filière sucrière » et constate l’interdiction en France de « l’acétamipride utilisé en aspersion, pourtant potentiellement utilisable par dérogation dans d’autres États membres de l’Union européenne ».
  • « Invite le Gouvernement à défendre au niveau européen la généralisation des « clauses miroirs » dans les traités internationaux et dans les réglementations européennes, notamment le règlement concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable (SUR) » ;
  • « Souhaite conditionner toute interdiction de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques, qu’elle émane d’une autorité nationale ou européenne, à l’existence de solutions alternatives efficaces, n’entraînant ni perte de rendement, ni de surcoûts de production inacceptables pour le producteur et pouvant être déployées à grande échelle dans des délais compatibles avec ceux dans lesquels intervient l’interdiction » ;
  • « Demande au Gouvernement de renforcer les financements attribués aux programmes de recherche de solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques et, en particulier, ceux attribués au plan national de recherche et d’innovation vers des solutions opérationnelles contre la jaunisse de la betterave sucrière » ;
  • « Recommande au Gouvernement de mettre en place un plan de soutien financier permettant la prise en charge intégrale des conséquences financières résultant, pour la filière betteraves, des pertes de rendement liées à la jaunisse de la betterave sucrière ».