Irribet indique quand la betterave subit un stress hydrique et donc quand il serait opportun de déclencher des tours d’eau. Cet outil d’aide à la décision est disponible gratuitement sur le site internet de l’ITB, www.itbfr.org,
dans la rubrique « Outils et services ».
À partir de la réserve utile renseignée et de données météorologiques, il indique, à un pas de temps journalier, la réserve en eau, et son positionnement par rapport à la réserve de survie. Celle-ci est matérialisée par une ligne en pointillés rouges (figure 1). En-dessous de cette limite, la betterave sucrière subit un stress hydrique, préjudiciable à son rendement : il est alors utile de déclencher un tour d’eau. Afin de l’anticiper, Irribet calcule ce bilan hydrique avec une projection à 10 jours sans pluie, et en considérant une valeur d’évapotranspiration potentielle correspondant à la moyenne des trois derniers jours.
Renseigner les bonnes informations pour obtenir un conseil fiable
La fiabilité de ce bilan hydrique repose sur la qualité des données d’entrée renseignées. Pour cela, l’ITB met à disposition un maillage de stations météorologiques pour se rapprocher au mieux des conditions de chaque parcelle.
Pour la pluviométrie, pouvant varier fortement à une échelle géographique très restreinte, il est possible de renseigner ses propres données. Plusieurs fonctionnalités sont disponibles sous Irribet pour renseigner une pluviométrie très locale. La première possibilité consiste à connecter un pluviomètre Sencrop. Pour cela, il suffit de se rendre sur l’application Sencrop dans la section « OAD », et d’activer le service dédié. Depuis Irribet, il est alors possible, depuis la catégorie « Actions », de connecter son pluviomètre Sencrop. A chaque connexion, il faudra actualiser les données issues de la station, à partir de la même catégorie. La deuxième consiste à indiquer une ou plusieurs donnée(s) journalière(s) manuellement, dans le cas, par exemple, où un épisode orageux serait survenu et n’aurait pas été détecté par la station la plus proche. Enfin, la dernière possibilité consiste à importer un fichier de données de pluviométrie au format Excel/LibreOffice issu d’une station personnelle. Dans tous les cas, ces données de pluviométrie sont rattachées à la « pluviométrie personnalisée » (figure 1). Il suffit de cliquer sur le symbole sous le bilan hydrique pour faire apparaître et disparaître les valeurs, et s’assurer ainsi de leur bon import. Pour les données manquantes, Irribet ira chercher celles de la station choisie par l’utilisateur au moment de la création de la parcelle, parmi la liste proposée par l’ITB.
L’autre paramètre primordial est l’estimation de la réserve utile. Un tableau d’aide est renseigné lors de la création d’une nouvelle parcelle. La sollicitation d’experts locaux peut aussi être une aide précieuse. Une erreur importante sur ce paramètre peut engendrer des écarts conséquents sur les résultats obtenus et surestimer ou sous-estimer le nombre de tours d’eau à réaliser.
Combiner l’utilisation de l’outil à une bonne stratégie d’irrigation
La lecture de ce bilan hydrique doit être couplée à une stratégie d’irrigation dépendant notamment des contraintes de matériel et d’éventuelles restrictions sur les volumes d’eau. Les essais conduits par la délégation ITB Centre – Val de Loire étudient plusieurs modalités d’irrigation pour répondre aux interrogations des betteraviers.
Dans cette région, l’intérêt de l’irrigation des betteraves sucrières a été démontré et les gains de rendement ont été établis expérimentalement par la délégation ITB. La figure 2 donne le gain moyen de marge brute obtenue grâce à l’irrigation sur 20 essais conduits entre 2006 et 2022, avec un prix de vente des betteraves fixé à 40 €/t. Ce graphique compare un témoin non irrigué à une conduite de l’irrigation sans contrainte sur la disponibilité du matériel et sur le volume d’eau, et arrêtée autour du 15 août. Dans ces essais, selon le coût de l’eau retenu, très variable d’une situation à l’autre, le gain de marge brute moyen est estimé autour de 1250 à 1500 €/ha. Globalement, l’irrigation telle qu’elle est conduite dans cette modalité est rentable quasiment tous les ans. Les seules rares exceptions vont s’appliquer à des années très pluvieuses où un nombre faible de tours d’eau aura été déclenché, et mal valorisé du fait du relais important des pluies.
Cependant, la conduite de l’irrigation, sans contrainte importante sur le volume d’eau, ne correspond pas à la réalité de toutes les exploitations. La campagne 2023 en est une parfaite illustration, avec des volumes d’eau autorisés au prélèvement fortement diminués pour les nappes de la région. Les essais réalisés comprennent aussi une modalité avec un arrêt des tours d’eau à partir de la deuxième ou troisième semaine de juillet. La figure 3 donne la différence de marge brute moyenne sur 9 essais entre cette modalité et un témoin non irrigué, toujours pour un prix de vente des betteraves fixé à 40 €/t. Les volumes d’eau apportés sont compris entre 60 et 175 mm, selon les années. En moyenne, avec la contrainte appliquée, l’irrigation reste rentable, quel que soit le coût de l’eau retenu. Ainsi, même avec un volume d’eau autorisé restreint, il est conseillé d’irriguer les betteraves sucrières dans la région, avec des tours d’eau précoces.
La délégation Centre – Val de Loire travaille aussi sur la date d’arrêt pertinente des tours d’eau. En effet, l’irrigation tardive pouvant conduire à une perte de richesse relativement importante, si celle-ci est relayée par des pluies significatives dans le courant du mois de septembre, les derniers tours d’eau sont susceptibles d’être mal valorisés, et de dégrader la valeur de la marge brute dégagée grâce à l’irrigation. Depuis plusieurs années, un arrêt des tours d’eau au 15 août est comparé à des dates d’arrêt plus tardives. Les réponses des essais sont très variables selon les conditions météorologiques de l’année, et rendent difficile l’établissement d’un conseil basé sur des résultats fréquentiels. Si des pluies significatives interviennent au mois de septembre, il est peu probable que les tours d’eau réalisés après le 15 août soient bien valorisés. A contrario, pour des années comme 2022, dans une situation avec un stress hydrique très intense, et des relais tardifs de pluie, les tours d’eau réalisés après le 15 août ont bien été valorisés. La difficulté réside donc dans la prise de décision autour du 15 août. Celle-ci peut s’appuyer sur les modèles de prévision à moyen terme proposés par Météo France.
Quels sont les enjeux autour de l’irrigation dans votre région ?
Avec environ 90 % de la surface betteravière irriguée dans notre région, les enjeux sont importants. La situation pour les irrigants est de plus en plus délicate avec un coût de l’irrigation qui a fortement augmenté, et des contraintes sur les volumes d’eau qui peuvent parfois être importantes, comme en 2023. Les dernières années ont aussi été marquées par des stress hydriques prolongés et plus conséquents que ce qui avait été observé en moyenne au cours des 20 dernières années.
Il est donc primordial d’apporter un conseil aux betteraviers sur l’intérêt et l’optimisation de l’irrigation des betteraves sucrières avec ces éléments de contexte actualisés.
Conseillez-vous d’irriguer ?
Des essais dédiés à l’irrigation des betteraves sont conduits chaque année depuis plus de 20 ans par la délégation. Ils ont permis de démontrer l’intérêt de l’irrigation des betteraves sucrières en région, avec des volumes restreints ou non.
Cependant, la limite physique de nos expérimentations (nombre de modalités et d’essais possibles par année), ne permet pas de répondre à toutes les interrogations soulevées.
Quelles sont les perspectives de travail sur ce thème ?
L’objectif des travaux en cours est de bien caractériser le statut hydrique des sols dans nos essais pour mieux comprendre la réponse de la betterave à différents régimes hydriques. Les connaissances produites visent à être intégrées dans l’outil Optirrig, permettant de générer des scénarios d’irrigation, afin de prodiguer des conseils adaptés à de nouvelles situations, plus diversifiées.