C’était une vitrine emblématique : la Slovénie montrait le bon chemin. Elle était citée en Europe par toute la presse pour son comportement « exemplaire ». Elle montrait comment vivre avec frère ours dans la joie et l’harmonie.
Avec une population d’environ 900 à 1 000 individus, ce petit état figure parmi les pays ayant la plus grande concentration d’ours dans le monde. La plupart vivent dans les forêts de Kočevsko. Tout semblait parfait.
« Heureux comme un ours en Slovénie » titrait, par exemple, l’hebdomadaire « Le Point ». Les densités sont d’ailleurs si importantes que l’on exporte des animaux. Ce sont des ours slovènes qui ont été implantés dans les Pyrénées.
On passait discrètement sur les informations moins glamour. Par exemple sur les spécialités à base de viande d’ours servies dans les restaurants locaux. Manger de l’ours n’est pas dans l’esprit du temps.
Mais la Slovénie était citée pour sa gestion exemplaire. On passait sur les quotas de chasse pour ne voir que l’expansion magnifique et lumineuse du plantigrade. Tout récemment, une annonce a renversé ce bel édifice. Le ministre slovène des ressources naturelles et des affaires territoriales, Uros Brezan, a, en effet, poussé le quota d’ours bruns chassables, en 2023, à 230 spécimens. Une hausse importante.
C’est que tout n’est pas si parfait au pays de l’ours tranquille. La décision a été prise pour des raisons de « sécurité publique ». « L’objectif principal de cette décision délibérée et scientifiquement étayée est de prévenir les dommages graves et d’assurer la santé et la sécurité des personnes. Nous avons également étudié d’autres options pour prévenir les conflits, mais la relocalisation ou la captivité n’était pas possible en raison de l’abondance de l’espèce », a précisé le ministre.
« Oursicide »
Les experts locaux estiment que le « bon » niveau d’ours pour maintenir la population en bonne santé et gérer les conflits avec les humains est d’environ 800 têtes. « Avec les retraits de cette année, nous voulons nous rapprocher de cet objectif. Nous poursuivrons la politique de régulation », a précisé le ministre.
L’ours étant une espèce protégée, on ne chasse que dans les 122 réserves de gibier. Et sur des critères précis : âge, poids, sexe. Soixante-six pour cent des ours à abattre doivent être des juvéniles pesant moins de 100 kilogrammes.
Cette mesure a provoqué, chez nous, de vives réactions. Tuer un ours, c’est, en effet, un « oursicide ». Sur une dépêche d’agence, nous lisons d’ailleurs ce lapsus révélateur. « En 2021, 128 spécimens ont été abattus alors qu’en 2016 le retrait était de 31 personnes ».
Les ours apportent certes pas mal de devises au tourisme slovène. On peut, en effet, dormir avec les ours, manger avec les ours, danser avec les ours. Quantité de guides locaux conduisent les touristes au contact. Mais, en dépit de cette image fraternelle et conviviale, largement exploitée sur les prospectus d’agence, l’ours reste un animal. Et un animal qui fait trop de dégâts dans les élevages locaux. Il rôde aussi de plus en plus dans les villages et les confrontations avec les humains sont parfois assez rugueuses. Le gouvernement veut prévenir les accidents.
Attaqué sur un chemin de randonnée
On a beau peindre et repeindre l’animal sous les traits d’une charmante peluche, les confrontations peuvent être dramatiques. Le 5 avril dernier, un jogger italien a été tué dans la région de Tremtin. Andrea Papi courait sur un chemin de randonnée quand il a été attaqué à proximité du village de Caldes.
Inquiète de ne pas le voir revenir, sa famille a contacté les autorités. Après plusieurs heures de recherche, les secours ont retrouvé son corps dans un ravin. Il portait de profondes blessures au cou, aux bras et au ventre.
La réintroduction du plantigrade chez nos voisins a réussi au-delà de toute espérance. Il y aurait aujourd’hui 200 ours en Italie.
L’animal qui a tué Andrea Papi a été identifié par son ADN. Il s’agit d’une femelle déjà mise en cause lors d’une attaque sur un père et son fils en juin 2020. Les autorités avaient demandé qu’elle soit abattue, ce qui n’a pas été fait devant les protestations. Comme elle avait des « bébés », elle a simplement été équipée d’un collier GPS devenu inactif avec le temps.
C’est là que le bât blesse. L’ours n’est pas une divinité. Les populations doivent être gérées. Mais la philosophie « animaliste » faisant des ravages, c’est devenu difficile. La régulation devient politiquement incorrecte. D’autant qu’entre la vie d’un ours et la vie humaine, une partie de plus en plus importante de l’opinion ne balance pas : l’ours est prioritaire.
Saluons donc le courage des autorités slovènes qui, bravant les idées du jour, ont choisi la voie du bon sens.