« Depuis l’accord de la dérogation néonicotinoïdes en 2020, j’ai continué à prendre le risque de ne pas semer de betteraves NNI à cause des contraintes sur les rotations. J’essaye donc de faire sans, mais ça me coûte plus cher et je suis moins compétitif », a expliqué Vincent Guyot, betteravier dans l’Aisne, lors de la remise des prix du concours du Betteravier de l’année 2023, le 14 avril dernier. Ce concours a été organisé par le Betteravier français, à partir des 20 portraits publiés par le Journal dans chacun des numéros de l’année 2022. Trois récompenses ont été remises : le prix des lecteurs, le prix du jury et le prix des lycéens de l’établissement de Brie-Comte-Robert. Un événement soutenu par le semencier Deleplanque et les sociétés Sencrop et Holmer.

Le prix des lycéens a été remis à Mathieu Sainte-Beuve, agriculteur dans l’Oise, par Maxime Bouton, directeur Business Unit chez Deleplanque accompagné par une classe de seconde du lycée agricole de Brie-Comte-Robert. Sous la tutelle de Joanne Plet, leur enseignante en agronomie, les élèves devaient élire leur champion suite à des débats et des travaux collectifs. Le jour J, ils avaient plein de question à poser aux lauréats : « De nos jours, c’est intéressant de faire découvrir l’agriculture aux gens, car c’est quelque chose qui se perd », a déclaré l’une des élèves.

Faut-il sacraliser l’animal ?
Remise du prix des lycéens attribué à Mathieu Sainte-Beuve, par Maxime Bouton, directeur Business Unit chez Deleplanque, en compagnie des étudiants ©Renaud d’Hardivilliers

Le prix des lecteurs, mis en place par des votes entre février et mars via le site internet du Betteravier français, a été remis par Eric Maricot, directeur général d’Holmer, à Marc-Antoine Dumoulin, un betteravier surnommé « agricoolteur » sur Tik-Tok, où il explique son métier à ses 400 000 abonnés.

Le prix du jury a été remis par Martin Ducroquet, co-fondateur de Sencrop, à Vincent Guyot, betteravier dans l’Aisne, engagé sur twitter et interviewé plusieurs fois par des médias grand public.

Faut-il sacraliser l’animal ?
Remise du prix du jury attribué à Vincent Guyot, par Martin Ducroquet, co-fondateur de Sencrop ©Renaud d’Hardivilliers

Comment s’adapter face à l’arrêt des NNI

Les trois lauréats ont pu échanger pendant près de deux heures sur leurs expériences et la façon dont ils ont dû s’adapter aux contraintes règlementaires et au changement climatique. “ À chaque fois que je monte dans mon tracteur et que je tourne la clé, je me demande si j’ai le droit de faire ce que je m’apprête à faire. Les réglementations sont tellement compliquées et variées, il y a tellement d’échelon : européen, français, départementale etc..”, a reconnu Vincent Guyot. « On savait qu’on devait arrêter les NNI, mais pas aussi vite », a déclaré Mathieu Sainte-Beuve, qui a quand même envie d’y croire. « Nous devrions plus voyager dans le monde, pour se rendre compte de ce qui arrive. Certains l’ont vécu avant nous », a expliqué le betteravier de l’Oise. « Devoir remplacer les NNi par plusieurs passages d’insecticide n’est pas une solution. Ce n’est pas le sens que j’ai envie de donner à mon métier », a regretté Marc-Antoine Dumoulin. « On est sans arrêt en train de remettre en cause nos pratiques, vers de nouveaux outils, de nouvelles solutions », a-t-il ajouté. Les étudiants du lycée Brie-Comte-Robert ont interrogé les betteraviers sur l’installation hors cadre familiale : « L’agriculture est un métier de passion. Si tu as de la passion, tu trouveras un agriculteur qui voudra s’associer avec toi et te transmettre son savoir, et t’aidera à t’installer », a répondu Vincent Guyot. « Il faut essayer d’avoir le plus d’expérience avant de se lancer », a ajouté Mathieu Sainte-Beuve.

Le sénateur de la Seine-et-Marne Pierre Cuypers (LR) et le président de la CGB Île-de-France, Jean-Philippe Garnot, ont conclu cette matinée par quelques mots encourageants pour la filière. « Notre métier englobe énormément de personnes avec nous : les coopératives, le matériel agricole, la politique. Aujourd’hui, on est à la croisée des chemins. C’est à nous d’aller expliquer ce métier, il faut partager ce que l’on vit », a déclaré Jean-Pierre-Garnot. « La betterave c’est le carburant du pouvoir d’achat des Français. On fait tellement de choses : du sucre, de l’énergie, du biocarburant, de l’alimentation animale etc… La France a un grand potentiel, un des plus importants de l’Europe », a ajouté Pierre Cuypers.

Faut-il sacraliser l’animal ?
©Renaud d’Hardivilliers