Passionné et jovial, Martin Gosse de Gorre est un agriculteur de 29 ans bien dans ses baskets. Installé à Ostreville dans le Pas-de-Calais, ingénieur UniLaSalle Beauvais, il aime travailler avec les conseillers de l’ITB, d’Arvalis et du Geda du Ternois. C’est donc tout naturellement qu’il a intégré le réseau des fermes pilotes du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) mis en place pour trouver des solutions contre la jaunisse.

Martin Gosse de Gore ne craint pas l’arrêt des néonicotinoïdes, puisqu’il avait déjà décidé de s’en passer il y a deux ans. « Les contraintes de rotation devenaient trop fortes », justifie-t-il.

En attendant l’arrivée de variétés résistantes, il se dit surtout « inquiet pour la filière betterave en général. En interdisant les néonicotinoïdes, on a tiré une grosse balle dans son pied ».

Il veut donc tester de nouvelles techniques, mais pas tout seul. « C’est plus sécurisant de travailler avec un institut, on a l’avantage de faire le point régulièrement avec des techniciens, et on est indemnisé en cas de pertes. Et puis, l’objectif est que tout le monde puisse profiter des résultats de ces essais », explique-t-il.

Les plantes compagnes ont plus particulièrement été étudiées sur sa ferme. « On a observé des effets intéressants, mais l’avoine a été difficile à détruire en 2021. Résultat : la betterave a perdu 17 % de rendement. En 2022, le souci a plutôt été la levée de l’avoine », explique-t-il. L’ITB a aussi réalisé 2 lâchers de chrysope. « On a vu une diminution du nombre de pucerons, par contre il y en avait tellement – on en comptait 30 au lieu de 40 pour le témoin – que leur rôle n’a pas été significatif sur la jaunisse ».

Enfin, il a testé un produit de biocontrôle – l’Argical pro – une argile blanche enrichie en aluminium. « J’ai remarqué une baisse du nombre de pucerons : 80 % de pucerons en moins, mais il en restait toujours 20 %. Appliqué à 20 kg/ha en 3 passages, Argical pro doit tapisser les feuilles de betteraves pour perturber les pucerons. Mettre autant de quantités sur la betterave, ce n’est pas super », conclut Martin Gosse de Gorre.

La communication est un autre centre d’intérêt. Avec le Geda du Ternois, il organise des « Randofermes », pour faire découvrir le monde agricole au grand public : 6 km de parcours ponctué de visites d’exploitation et qui se termine par un repas à la ferme, avec des produits locaux. La prochaine est programmée pour le 11 juin : « il faudra faire mieux que l’an dernier où il y a eu 250 randonneurs ».

50 ha en bio

Martin Gosse de Gorre est aussi en contact avec les consommateurs pour faire connaître sa marque “Graines en Nord“ sur les salons et les marchés.

La ferme est en effet divisée en deux parties : 120 ha de grandes cultures en conventionnel et 50 ha de cultures biologiques, dont certaines sont commercialisées sous la marque « Graines en Nord », qu’il a créée avec cinq jeunes agriculteurs souhaitant se diversifier : graines de courges, haricots rouges, pois jaunes, lentilles noires beluga et lentilles vertes.

Faut-il sacraliser l’animal ?
Passage herse étrille dans les pommes de terre bio. ©Martin Gosse de Gorre

Martin s’est installé en 2016 et, depuis 2018, il convertit 13 ha tous les ans pour apprendre le nouveau métier du bio. « C’était un challenge. Cela permet d’avoir une vision différente et de fréquenter un autre réseau. Mais avec la crise du bio, je vais faire une pause. Cela devient compliqué d’avoir des contrats. On n’a plus de vision d’avenir ».

Au début, le jeune agriculteur ne croyait pas trop au bio, mais « plus on s’y intéresse, plus on avance. C’est une vision des choses différente et un autre réseau d’agriculteurs et cela permet de faire grandir le conventionnel. Par exemple pour le désherbage mécanique ».

Certification environnementale

Pour lui, la préservation de l’environnement se concrétise aussi par l’obtention de certification ISO 14001. Une méthode de management des risques environnementaux qui est empruntée au monde de l’industrie. C’est son père qui avait lancé cette certification en 2006, et il a poursuivi l’expérience.

Faut-il sacraliser l’animal ?
Il commercialise des graines de courges, de haricots rouges, de pois jaunes ou de lentilles noires beluga sous la marque « Graines en Nord ». ©Martin Gosse de Gorre

« La première motivation est d’enclencher une boucle d’amélioration continue des pratiques sur l’exploitation de manière collective. On regarde où sont les risques et comment on peut les gérer », explique le planteur. En effet, il est accompagné dans cette démarche par l’association Terre de Nord Pas-de-Calais (certifiée ISO 14001), qui aide ses adhérents à mettre en place cette certification ISO reconnue internationalement. « Dans cette association on parle de stratégie d’entreprise. Cela permet de sortir de notre environnement agricole et de prendre de la hauteur. On travaille sur la stratégie à 5 ans ». Alors dans 5 ans ? Après la plantation de haies pour accroître la biodiversité, pourquoi pas se lancer dans l’agroforesterie !