« Entreprendre en agriculture : notre projet, notre futur ! » C’est le thème choisi par la FNSEA pour son congrès électif, qui se déroule à Angers les 29 et 30 mars. Un lieu qui n’a pas été tout à fait choisi par hasard, puisqu’il fait en quelque sorte le pont entre le premier président de la FNSEA, Eugène Forget (1946 à 1949), et Christiane Lambert tous les deux installés en Maine-et-Loire. Après deux mandats de trois ans, Christiane Lambert – visiblement très émue – a en effet décidé de passer la main.
Le 29 mars, les 850 délégués devraient élire un nouveau conseil d’administration de 68 membres, qui choisira en son sein un bureau puis un nouveau président, le 13 avril prochain. Le seul candidat déclaré à ce jour est Arnaud Rousseau, agriculteur betteravier en Seine-et-Marne, premier vice-président de la FNSEA, président de la Fop (producteurs d’oléoprotéagineux) et du conseil d’administration d’Avril Gestion, organe qui décide des grandes orientations stratégiques et financières du groupe agro-industriel Avril.
Améliorer l’attractivité du métier
Lors d’une conférence de presse, le 21 mars dernier, la FNSEA a présenté les grandes lignes de son rapport d’orientation, qui porte des propositions pour améliorer l’attractivité du métier. « Il faut redonner le goût d’entreprendre dans des territoires dynamiques », a résumé Hervé Lapie, secrétaire général adjoint de la FNSEA et président de la fédération de la Marne.
Le premier enjeu concerne la main-d’œuvre en agriculture. « Il faut que l’on ouvre grand les bras, le manque de main-d’œuvre est un facteur limitant dans certaines filières », a déclaré Yannick Fialip (Haute-Loire), membre du bureau de la FNSEA. Mais avant tout, il faut que le métier d’agriculteur soit attractif. « Le challenge est le renouvellement des générations car, à l’horizon 10 ans, 180 000 exploitants vont prendre leur retraite », a ajouté Christiane Lambert. Il faudra attirer des jeunes, y compris non issus du milieu agricole.
La question de la rentabilité des exploitations est aussi un point essentiel pour réussir le défi du renouvellement des générations. Pour cela, il faut des prix rémunérateurs pour donner de la visibilité et des garanties de pérennité aux nouveaux installés, mais aussi « retrouver une liberté d’entreprendre » en limitant les contraintes administratives.
Enfin, la question des transitions est aussi une priorité du syndicat. L’agriculture va devoir s’adapter au changement climatique, aux fluctuations de marché ou encore aux attentes sociétales. « L’agriculture est prête à s’adapter, mais il faut lui laisser le temps », assure Yannick Fialip. Sur ce sujet, le stockage de l’eau est central et la FNSEA attend la sortie imminente du décret autorisant la réutilisation des eaux usées. « C’est 25 % en Espagne, 32 % en Italie et 80 % en Israël », a pointé Christiane Lambert.
Lever les points de blocage
Avant de quitter la présidence de la FNSEA, Christiane Lambert appelle les responsables politiques à ne pas répéter les erreurs qui ont conduit à une perte de notre souveraineté alimentaire. C’est pourquoi le syndicat majoritaire s’est rapproché du sénateur de la Haute-Loire Laurent Duplomb (Les Républicains) – auteur d’un rapport remarqué sur la compétitivité de la ferme France en septembre dernier – pour déposer une proposition de loi identifiant tous les points de blocage et lever les freins qui brident l’agriculture française. « Nous voulons un changement de méthode, nous avons mis le pied dans la porte au moment du Salon de l’Agriculture avec les annonces sur les phytos ou l’irrigation. Cela ne doit pas rester que des mots », a insisté Christiane Lambert.
Avant de tirer sa révérence à la tête de la FNSEA, Christiane Lambert a dit ce qu’elle avait sur le cœur et a énuméré les mauvaises décisions prises ces dernières années par les responsables politiques : tout le monde en prend pour son garde.
Pourquoi l’agriculture régresse ? « Je ne peux pas m’empêcher de faire un parallèle avec les auditions de la commission d’enquête parlementaire sur la politique énergétique en France qui a perdu sa souveraineté. C’est assez édifiant de voir que certains rapports scientifiques n’ont pas été considérés et que des accords politiques ont été passés avant des élections pour gagner quelque voix des Verts. La souveraineté énergétique a été sacrifiée. Nous avons le triste sentiment que, depuis un certain nombre d’années, l’agriculture vit la même chose et que la décroissance de la production agricole est liée à des décisions excessives, sans étude d’impact sur les phytos, l’eau ou les procédures administratives. Cela date de Dominique Voynet qui a décidé, en 2005, que la construction d’un bâtiment d’élevage en porcherie était soumis à une autorisation, dès que l’on dépasse les 450 places alors que le seuil européen était à 2 000. On voit ce que cela à donné : l’Allemagne et l’Espagne ont doublé leur production et nous importons chaque semaine 120 camions de jambon. »
Et de citer ensuite « le Grenelle de l’environnement de Nicolas Sarkozy, qui pensait pouvoir faire baisser de 50 % les phytos, sans consacrer un euro à la recherche. Et Nathalie Kosciusko-Morizet qui s’est réjouie en quittant le ministère de l’environnement d’avoir signé 98 % des décrets issus du Grenelle de l’environnement. Après, avec François Hollande qui ne voulait pas faire moins, on s’est pris des obligations crescendo, alors que les autres pays ne s’imposaient pas les mêmes obligations. En 2014, Stéphane le Foll décide de séparer complètement la décision politique sur le sujet des phytos en confiant à l’Anses, qui est une agence scientifique, le rôle de décider à la place des responsables politiques. Et le comble, c’est Barbara Pompili en 2016 qui se réjouissait d’avoir interdit les néonicotinoïdes en disant que cela marquera l’histoire… Oui, on voit aujourd’hui le résultat ! »
Prenant exemple sur l’enquête parlementaire qui vient de se tenir sur le nucléaire, Christiane Lambert envisage « de demander une commission d’enquête parlementaire pour voir pourquoi la France a perdu sa souveraineté agricole et alimentaire à cause de décisions politiques prises sans études d’impact ». Et de conclure : « Il faut se réveiller ! »