Consommés quotidiennement par la quasi-totalité des Français, les légumes en conserve et surgelés sont confrontés à des difficultés historiques : flambée des coûts de production à l’amont comme à l’aval, vulnérabilité des cultures légumières au changement climatique, désorganisation des ateliers industriels et récente désaffection des agriculteurs, attirés par des cultures plus rentables ou découragés par la fragilisation de leurs moyens de production, comme la ressource en eau et la protection des cultures.
Cette situation fragilise les industriels, qui font face à une érosion progressive de leur compétitivité. En témoigne l’évolution négative depuis 20 ans de la balance commerciale du secteur, qui accuse une perte de 260 millions d’euros en 2021, soit 4,5 fois de plus qu’en 2002 !
Le taux d’autosuffisance de la filière ne dépasse pas 40 %. Si le secteur des légumes en conserve affiche une autonomie alimentaire moyenne avec 57 % d’auto-approvisionnement français, celui des légumes surgelés montre en revanche plus de fragilité, avec un taux d’auto-approvisionnement réduit à 26 % seulement. La cause vient d’un manque de compétitivité face à des pays comme la Belgique, l’Espagne ou l’Italie.
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Remotiver les producteurs
Les professionnels des légumes veulent inverser la tendance et se sont fixés pour objectif d’atteindre, à horizon 2030, 52 % de production et transformation nationales dans la consommation française. La filière s’est donc associée, au côté du Gouvernement, pour l’élaboration du futur Plan de souveraineté fruits et légumes. Mais il faut avant tout remotiver les producteurs. Car en 2022, 7 % d’entre eux ont jeté l’éponge, selon l’interprofession. Et les surfaces se sont réduites de 3 %.
Il faut dire que la production a souffert de la sécheresse et les restrictions d’irrigation en 2022. « Ce sont des cultures de plein champ, avec un cycle de végétation très court, entre 50 et 60 jours pour les épinards. Quand il y a une vague de chaleur, ils ne peuvent pas résister », précise Jean-Claude Orhan, vice-président de l’Unilet et président de l’association des producteurs Cénaldi.
En 2022, la qualité de la récolte s’est dégradée
Les aléas climatiques, et notamment les forts épisodes de chaleur de l’année 2022, ont entraîné des interruptions dans les récoltes et, par ricochet, une sous-utilisation des capacités des ateliers de transformation.
La récolte de petits pois s’est repliée de 8 % en 2022 par rapport à 2021, et celle de haricots (vert et beurre) a été en retrait de 16 %. Outre le rendement (- 6 % pour le haricot et – 8 % pour le petit pois), la qualité de la récolte s’est dégradée : les pois étaient par exemple trop durs, et les haricots avaient trop de fils dans leurs gousses.
La filière estime une baisse des rendements moyens jusqu’à 50 %, selon les légumes et les zones. La culture du haricot a particulièrement souffert de cette situation avec des parcelles récoltées à 2 t /ha pour un rendement théorique de 12 à 13 t/ha.
Enfin, le retrait annoncé de matières actives décourage les agriculteurs. La filière alerte sur la difficulté de protéger les cultures : selon elle, 70 % des substances actives risquent un retrait dans les deux ans à venir.
Objectif 200 000 t supplémentaires
Alors que faire pour reconquérir notre souveraineté en termes de légumes en conserve et surgelés ?
Le Plan de souveraineté fruits et légumes devra développer la production de 15 %, soit 200 000 tonnes supplémentaires de légumes transformés, estime l’Unilet, qui propose notamment de ne pas s’opposer aux interdictions de produits phytosanitaires, mais obtenir « une réglementation plus juste et opérationnelle ».
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* L’Unilet est l’interprofession française des légumes en conserve et surgelés. Elle est constituée de deux collèges, les organisations de producteurs de légumes représentés par le Cénaldi et les industriels représentés par le groupe légumes de la Fédération française des Industries d’Aliments Conservés (Fiac).