Quinze jours de yoyo ! Au début du mois de février, le prix du blé tendait depuis des semaines vers 280 €. Et à partir du 8 février, il s’est rapproché du seuil de 295 € avant de fléchir de quelques euros.
Davantage impacté par le conflit en Ukraine et par la sécheresse dans l’hémisphère sud, le prix du maïs a dépassé celui du blé.
Mais de moins en moins de grains sont disponibles à l’export. Le 16 février dernier, le Conseil international des céréales (CIC) dressait le bilan suivant : la production mondiale de maïs, de nouveau revue à la baisse (- 9 Mt sur un mois), est dorénavant estimée à 1 152 Mt (- 68 Mt sur un an). Résultat : elle est déficitaire de 28 Mt. Et en n’ayant récolté que 348 Mt, soit 35 Mt de moins que l’an passé, les États-Unis exporteront autant de grains que le Brésil (49 Mt). Alors que la production de ce dernier est trois fois plus faible !
Le manque de riz n’est pas non plus sans incidences sur la conjoncture des marchés des autres céréales de substitution, davantage consommées pour l’occasion. Et bien que la production mondiale (502 Mt) soit déficitaire de 15 Mt, la Chine en importera 5 Mt, alors qu’elle dispose de 107 Mt de stocks.
Certes, l’empire du milieu vampirise moins l’ensemble des marchés des grains que la campagne passée, mais il n’en reste pas moins le premier importateur au monde (42 Mt). Malgré le fait qu’il dispose de stocks spectaculaires (316 Mt).
La sécurité alimentaire, à laquelle est très attachée la Chine, n’est pas la seule explication de sa politique commerciale. L’empire du milieu se donne aussi les moyens de résister à des sanctions diplomatiques ou commerciales, qui seraient prises à son égard, s’il prenait davantage partie dans le conflit russo-ukrainien, ou s’il devenait très agressif à l’égard de Taiwan notamment.
En Europe, deux facteurs ont sorti les marchés des céréales de la relative accalmie des semaines passées : la reconduction, le 19 mars prochain, du corridor maritime de la mer Noire administré par l’Organisation des Nations Unies et les conditions climatiques séchantes, en France notamment.
Seule la levée d’au moins une partie des sanctions financières imposées à la Russie pourrait conduire le Kremlin à renouveler l’accord sur le corridor. Des conditions évidemment inacceptables par la Communauté internationale. Pourtant, une grande partie du maïs importé (23 Mt) par l’Union européenne provient d’Ukraine.
Déficit pluviométrique
Secondo, le déficit pluviométrique, constaté notamment en France depuis quelques semaines, inquiète.
Les céréaliers français ont joué la carte de la sécurité en plantant davantage de blé que l’an passé (4,76 millions d’hectares, + 90 000 ha sur un an). Mais si le rendement est faible, l’effet ciseau prix-charges sera durement ressenti.
Selon les producteurs de blé de l’AGPB, le coût de production de la tonne de blé récoltée l’été prochain est d’ores et déjà estimé autour de 300 € pour un rendement de 8 t/ha dans le grand bassin parisien (+ 40 €/t pour 7t/ha).
Le dérèglement climatique et les crises de l’énergie impactent aussi le trafic maritime. Les navires circulent moins vite pour réduire leur consommation de fioul et surtout, ils modifient leur route commerciale.
Le canal de Suez, qui concentre 1/6ème du trafic maritime mondial (6,32 milliards de tonnes dont 658 Mt de céréales et d’oléoprotéagineux) est de plus en plus emprunté. Des vraquiers chargés de céréales, en provenance d’Amérique, l’empruntent pour se rendre en Asie. Ils ne passent plus par le Cap de Bonne Espérance, au sud de l’Afrique.
Mais la route maritime du Nord, qui longe le Pôle, n’est pas près de devenir la nouvelle autoroute des mers. Car, tout en étant plus courte que celle passant par le canal de Suez pour rejoindre l’Amérique depuis l’Asie, il n’existe aucun grand port le long des côtes.
A l’avenir, des cargos « zéro carbone » fonctionneront à l’hydrogène et à l’ammoniac, lorsque leur construction sera rentable.