« Je suis allé manifester à Paris le 8 février dernier parce que je n’accepte plus la suppression de solutions sans alternatives qui mettent la filière en péril. C’est particulièrement le cas pour la betterave en ce moment, mais c’est vrai dans d’autres cultures », explique Guillaume Wullens, agriculteur à Nouvelle-Église (Pas-de-Calais), conseiller de région chez Tereos et président de la CGB Nord-Pas-de-Calais. Autre sujet qui le préoccupe : les rotations. « Entre les successions culturales derrière la betterave et les écorégimes, construire une rotation est devenu un enfer. Et, à chaque fois, c’est une strate réglementaire qui se rajoute. On en ajoute toujours mais on n’en retire jamais », explique-t-il.
Un syndicat dynamique
« Je me suis investi dans la betterave un peu par hasard. La CGB m’a appelé à intégrer son conseil d’administration à une époque où j’étais disponible, et j’avais envie de m’investir dans une mission à côté de mon exploitation », raconte le betteravier. Pour lui, l’engagement syndical et coopératif a un double intérêt : pour le monde agricole et à titre personnel. D’une part, il permet d’œuvrer pour le bien commun de l’agriculture, et particulièrement d’une filière. Et, d’autre part, les rencontres qu’il fait et les informations auxquelles il a accès sont une vraie stimulation intellectuelle.
Après la gestion de ses 80 hectares de culture (blé, betterave, pomme de terre, lin et colza), sa principale occupation est son implication au sein de la CGB. « C’est un syndicat dynamique. Il y a pas mal d’idées qui sont discernées et mises en application, tout cela dans l’intérêt des planteurs », explique Guillaume Wullens. Pour lui, la défense de cette culture passe par des prix attractifs et des compétences techniques et agronomiques, en particulier via l’institut technique de la betterave (ITB). « Je cherche des moyens techniques, pas des subventions. À court terme, l’assurance sur les dégâts de la jaunisse est la seule solution, donc elle est nécessaire. Mais sur le principe, je ne suis pas complètement satisfait. Je veux retrouver la capacité de faire mon métier », reconnaît-il.
« Sur le plan local, mon rôle consiste à faire le trait d’union avec les sucriers, les autres syndicats (comme les FDSEA et les JA), les politiques, les journalistes, les chambres d’agriculture, l’administration et à défendre les problématiques locales au niveau de la CGB nationale », explique-t-il. Par exemple, j’ai travaillé avec différents acteurs sur la question des enlèvements de betteraves le long des départementales. Moins chronophage, son rôle chez Tereos est de faire le relais entre le terrain et la coopérative : transmettre les informations importantes aux planteurs et faire remonter les problèmes à la direction. « J’ai l’impression de participer à la vie de l’entreprise », se réjouit-il.
Je vais continuer la betterave mais…
« Malgré l’interdiction des néonicotinoïdes, je vais continuer la betterave », assure Guillaume Wullens, conscient d’avoir été moins impacté par la jaunisse de 2020 que d’autres régions. « Et le contexte pédoclimatique de la région se prête bien à cette culture. On a toujours des rendements plus élevés que la moyenne nationale », avoue-t-il. Outre la pluviométrie et la qualité des sols, le betteravier fait remarquer que la betterave du nord bénéficie souvent des apports d’effluents permis par la présence de l’élevage dans cette région. « Mais un jour, cela va s’inverser, et c’est le nord de la France qui va subir une attaque de jaunisse carabinée », prévient-il en se rappelant l’impact de ce virus dans sa région avant l’arrivée des néonicotinoïdes. Même si certains planteurs du Nord-Pas-de-Calais utilisent des semences F8 en raison des problématiques de successions culturales, Guillaume Wullens tient beaucoup à la disponibilité de l’ensemble de la « boîte à outils » pour parer à toutes les situations.
En raison du changement climatique, Guillaume Wullens a fait évoluer ses pratiques de travail du sol : il a abandonné le labour car les conditions météorologiques nécessaires à sa bonne réalisation sont de moins en moins souvent réunies (automne très pluvieux, hiver doux). Mais cette pratique requiert du glyphosate. « Si cette molécule subit le même sort que les néonicotinoïdes, je vais me retrouver dans une réelle impasse », prévient le betteravier, un peu agacé, tout en nous confiant être un homme heureux et épanoui dans son travail. « Mon engagement continue ».