Tant qu’il durera, le conflit dans la mer Noire restera l’épée de Damoclès des places de marché. Mais d’importantes quantités de céréales sont disponibles à la vente. Les cours des grains ont encore baissé pour retrouver leur niveau d’avant le conflit. Le prix de la tonne de blé est même en voie de passer sous le seuil de 280 €, et celui du maïs se stabilise autour de 275 €. Le retour aux fondamentaux est confirmé !
Cependant, on notera le faible différentiel de prix entre les deux céréales. Mais la production mondiale de blé est excédentaire quand celle de maïs reste déficitaire, plombée par la faible récolte aux États-Unis (353 Mt ; – 50 Mt sur un an) et dans l’ensemble de l’hémisphère nord. Par ailleurs, l’euro revalorisé à son niveau d’avril 2022 (1 $=1,10 €) accentue, sur le marché européen, la baisse des prix observée sur les marchés mondiaux.
Le blé européen est moins compétitif que le blé russe. Bien que 14,9 millions de tonnes (Mt) de blé aient déjà été exportées depuis le mois de juillet, les ventes marquent le pas. À peine 800 000 tonnes ont été expédiées durant le mois de janvier dernier.
Au mois de juin, les principaux pays exportateurs de la céréale achèveront la campagne 2022-2023 avec des stocks de grains estimés d’ores et déjà à 65 Mt, soit 7 Mt de plus que l’an passé selon le Conseil international des céréales (CIC).
Mais ces stocks progresseraient de plus de 10 Mt en Russie, où ils atteindraient un niveau record : 21 Mt selon le site Sovecon.ru. Et ils baisseraient d’au moins autant dans les autres pays exportateurs.
Arme alimentaire
Autrement dit, la Russie a les moyens de brandir l’arme alimentaire à tout moment si de nouvelles tensions géopolitiques survenaient dans le bassin de la mer Noire. Aussi, la prolongation du corridor humanitaire, érigé sous la protection de l’ONU, sera un rendez-vous diplomatique important.
En attendant, la Russie est aux commandes sur le marché du blé alors que, chaque seconde moitié de campagne, elle est habituellement en retrait. Mais le pays est pressé d’écouler le blé qu’il n’est pas jusque-là parvenu à vendre.
Elle vend chaque tonne 20 € de moins que la France. L’Égypte a flairé la bonne affaire puisqu’elle vient d’importer des centaines de milliers de tonnes.
Selon le site Sovecon.ru, la Russie écoulerait 22 Mt de grains d’ici la fin du mois de juin prochain, soit près de 9 Mt de plus que les années précédentes. Mais en n’exportant que 43 Mt durant la campagne 2022-2023, les opérateurs céréaliers russes auront vendu à peine plus de blé qu’en 2021-2022. Or, la Russie avait alors récolté 75 Mt de blé, soit 20 à 30 Mt de moins que l’été dernier.
Évidemment, l’abondance de blé pèsera sur les cours mondiaux tant que les marchés resteront bien approvisionnés. Mais elle desservira encore les agriculteurs russes contraints d’écouler à vil prix leurs récoltes.
Les nouvelles en provenance d’Amérique contribuent aussi à détendre les marchés des céréales. Ils comptent sur les récoltes de maïs brésilienne et argentine pour approvisionner les pays importateurs, même si elles ne compensent pas les 50 Mt de grains produites en moins dans l’hémisphère nord.
Selon l’USDA, l’institut américain de statistiques agricoles, la production de maïs argentine est estimée à 52 Mt. La Niña a encore frappé le pays au moment de la période des semis aux mois d’octobre et de novembre derniers. La production serait néanmoins supérieure de 5 % à celle de l’an passé.
Au Brésil, le début d’année est, après la récolte de soja, la période des semis de la Safrina, qui représente 73 % de la production totale de Brésil.
L’USDA table sur une production totale de maïs de 125 Mt, en hausse de 8 % sur un an. Le retour progressif de l’El Niño augure des précipitations plus abondantes que l’an passé durant la période de végétation.