Les modes d’emploi, manuels et autres tableaux de réglage verraient-ils leurs jours comptés dans la machine agricole ? Si l’on en croit le développement fulgurant des applications chez les constructeurs, il semble que leur disparition (au moins partielle) soit en bonne voie. Pour favoriser la croissance quasi exponentielle des applis, le smartphone a joué un rôle capital que n’ont pas ignoré les bureaux d’études des entreprises du machinisme agricole. « Nous avons lancé nos premières applis en 2011 », se souvient Sébastien Schroeder, en charge de la transformation digitale chez Kuhn. Une fonction qu’il résume en une formule éclair : « numériser le papier ». La toute première des applications de Kuhn concernait la pulvérisation et s’appelait Configurateur à buses. Elle existe toujours sur les plateformes d’Apple et d’Android. Le constructeur alsacien avait deux axes de travail, qui sont restés les mêmes aujourd’hui : aider l’agriculteur à bien choisir sa machine et l’assister pour son réglage. « Avant d’investir dans un matériel, une application d’aide à l’achat comme Click&Mix vous dit s’il s’adapte à vos contraintes. Par exemple, s’il passe sous la porte du bâtiment ! Puis, une autre application simplifie la vie au moment des réglages ». Kuhn a continué dans cette direction au fil du temps et il n’est pas seul. Venu plus tardivement aux applis, Maschio Gaspardo a lancé un service numérique fondé sur les mêmes principes (gratuité et disponibilité sur un smartphone) en 2020. Baptisé My Maschio Gaspardo, il offre deux entrées. « L’une pour nos concessionnaires qui ont besoin d’informations techniques et commerciales ; l’autre pour nos clients auxquels nous proposons de la documentation sur les machines, des modes d’emploi avec des photos et des vidéos, et une assistance aux réglages », détaille Julien Bauer, responsable de produits chez le constructeur italien. Sur les réglages, Maschio Gaspardo s’est pour le moment intéressé aux épandeurs d’engrais. « On entre le type d’engrais, la dose souhaitée, la vitesse d’avancement et l’appli affiche les points de réglage. C’est simple, rapide et très apprécié par les agriculteurs ». Lors du dernier Sima, le constructeur a officialisé le lancement d’une centaine de tutoriels sur la mise en route des matériels, accessibles sur l’appli. « Nous avons passé toutes nos machines en revue, poursuit Julien Bauer. Et abordé des points comme le remplissage, la vidange et le rinçage d’un pulvérisateur ; l’étalonnage d’un semoir en ligne à entraînement électrique ; l’apport d’engrais dans un semis de précision ». Le constructeur transalpin promet de nouveaux tutoriels et d’enrichir Quick Setup, présent sur l’ appli, avec d’autres assistants aux réglages.
Ni pieds manquants, ni doubles
Si Horsch n’a pris le train des applis qu’en 2022, il estime avoir sauté dans le bon wagon. Horsch Connect, son système payant de communication et d’informations digitales, ouvre la porte au téléchargement gratuit sur un téléphone de l’application Mobile Control. Plusieurs semoirs en ont aussitôt profité. L’utilisateur renseigne ses pesées sans remonter dans la cabine du tracteur. « C’est un vrai confort avec un Avatar à quatre cuves et huit pesées à faire, au minimum », argumente Matthieu Noroy, responsable des produits chez Horsch France. Même régime avec un Maestro monograine. « La mise en route d’un seul élément semeur suffit pour les paramétrer tous. Sur un douze-rangs-betteraves, vous en calez un et l’espacement entre les graines est correct sur la ligne de semis. Il n’y a ni pieds manquants ni doubles ». Mobile Control repère aussi les buses bouchées sur les rampes de pulvérisateur. Sans tirer de conclusions hâtives, Horsch estime que ces systèmes, très récents chez lui, ont du succès. « Environ 10 % de nos clients en pulvérisation utilisent l’ appli, et autour de 20 % pour les semis », considère Matthieu Noroy. Le constructeur bavarois étudie, en outre, la réalisation de tutoriels de mise en œuvre des pulvérisateurs et des semoirs. Son activité « digitalisation » aurait même fait l’objet de nouvelles embauches en Allemagne. Les constructeurs veulent anticiper et laisser le moins de monde possible au bord du champ. Kuhn développe aujourd’hui un configurateur à l’image de l’industrie automobile. « Le client choisit sa machine et ses équipements. L’application est de type Multi Device et donc disponible sur tous les supports numériques », précise Sébastien Schroeder. Chez Kuhn toujours, la dernière de ses treize applications, Easy Transfer, payante et téléchargeable sur l’ appli My Kuhn, facilite le recours à une carte de préconisation. Après l’avoir récupérée auprès du prescripteur, son chargement sur le terminal du tracteur est immédiat. Plus besoin de logiciel pour la visualiser, ni de clé USB pour la transférer. C’est la voie ultra-rapide. La fin du stress né des incompatibilités. Kuhn s’est même débrouillé pour que l’ensemble de ses applications fonctionne hors réseau, en plein champ, au beau milieu de nulle part.