Pierre, agriculteur individuel sur 175 hectares (ha), possède 35 hectares à titre personnel et des parts dans un Groupement foncier agricole (GFA) familial (100 ha). Par ailleurs, Pierre possède deux gîtes ruraux où il accueille des touristes. Aucun de ces biens ne figure au bilan de son exploitation.
« Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 15 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, en application dès le 15 mai dernier, l’agriculteur individuel est assimilé à un entrepreneur individuel, explique Patrick Van Damme, expert-comptable, directeur du centre de gestion AS76. Ce nouveau régime prévoit une distinction entre le patrimoine professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel (EI) sans que ce dernier n’ait à réaliser de démarches particulières ».
En conséquence, le patrimoine personnel de l’entrepreneur devient, par défaut, insaisissable par les créanciers professionnels, ce qui n’était pas toujours le cas avant.
« Autrement dit, l’ensemble des terres détenues par Pierre à titre personnel ou sous forme de parts de sociétés est dorénavant assimilé à son patrimoine professionnel, même si ces immobilisations ne figurent pas au bilan de l’exploitant », précise l’expert-comptable. Ses gîtes font donc aussi partie de son patrimoine professionnel.
En fait, le patrimoine professionnel de n’importe quel agriculteur entrepreneur individuel est étendu à tous les biens immobiliers corporels (bâtiments, terres) ou incorporels qui ne sont pas inscrits au bilan, si ces actifs sont indispensables à l’activité agricole.
Si Pierre détient les 35 hectares en indivision avec ses frères et sœurs ou avec sa femme, seule la part des terres, qu’il possède à titre personnel, sera assimilée au patrimoine professionnel de son exploitation.
Au sein de la résidence principale, seule la partie d’un local utilisé pour l’activité professionnelle est intégrée au sein du patrimoine professionnel, qui est ainsi saisissable par les créanciers professionnels.
Dans tous les cas de figure, l’entrepreneur individuel peut vendre, donner ou apporter en société l’intégralité ou une partie seulement de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci.
Créances créées après le 15 mai
Le nouveau statut d’entrepreneur individuel protège moins les biens professionnels privés de Pierre que l’ancien statut d’agriculteur entrepreneur individuel.
Si la société est déjà endettée, la séparation automatique entre les deux patrimoines s’applique uniquement aux créances nées à compter du 15 mai 2022, à l’occasion de l’activité professionnelle de l’EI. A contrario, l’EI ne peut plus se porter caution d’une dette dont il est le débiteur principal à titre privé.
« En cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservations graves et répétées à ses obligations fiscales et sociales par l’EI (recouvrement de l’impôt sur le revenu et prélèvements sociaux, taxes foncières afférentes aux biens immeubles utiles à l’activité professionnelle, cotisations sociales), le droit de gage de l’administration portera sur l’ensemble de ses patrimoines professionnels et personnels », précise Patrick Van Damme.
En 2005, Pierre a protégé son patrimoine foncier et ses gîtes en faisant une déclaration d’insaisissabilité effectuée devant notaire, pour un dépôt au bureau des hypothèques et, au besoin, au registre de publicité légale. Aussi, Pierre est seulement responsable des dettes professionnelles de l’entreprise sur son patrimoine professionnel.
Toutefois, sa déclaration d’insaisissabilité ne vaut que pour les dettes contractées avant le 15 mai 2022. Aussi, pour les prêts contractés depuis le 15 mai dernier, la déclaration d’insaisissabilité est caduque.
« Pour mieux protéger son patrimoine personnel, Pierre devra se mettre en société. Puis, il louera à cette société ses terres et les bâtiments qu’il possède en nom propre, suggère Patrick Van Damme. Cette société louera aussi au GFA les terres jusqu’à présent cultivées par Pierre en fermage ».