Acheter une Matrot 41 ? Quand trois agriculteurs voisins lui proposent d’investir dans une automotrice début 2021, Timothée Guéroult hésite beaucoup. Agriculteur sur 150 hectares à Croix-Mouligneaux dans le Santerre, il fait alors appel à une Entreprise de travaux agricoles (ETA) pour sa récolte. Pour 295 €/ha, le prestataire gère l’arrachage et le débardage. « L’ETA m’apparaissait comme la solution la plus facile. À cette période, j’ai beaucoup de travail, entre la récolte des pommes de terre, des betteraves et les semis de blé », détaille le betteravier. D’autant plus qu’il conditionne une partie de ses pommes de terre en sacs.
Mais la volonté de préserver ses sols a prévalu. « Depuis mon installation en 2017, je pratique le non-labour. Comme mon père le pratiquait depuis 2002 », explique-t-il. « Les intégrales tassent en profondeur, notamment en condition humide. J’ai constaté des semelles lors de profils culturaux qui pourraient provenir de leurs passages à plein ». Le planteur vise une bonne structure sur tout le profil. Mais le pragmatisme reste sa règle. « En cas de compactage important comme la reprise d’un silo de betteraves ou d’une fourrière vraiment trop tassée, je ne m’interdit pas la charrue », précise-t-il.
110 hectares de plan de charge
La possibilité de travailler avec d’autres agriculteurs pratiquant l’agriculture de conservation a fini par le convaincre d’investir dans l’automotrice. « Je découvre d’autres organisations, d’autres techniques », s’enthousiasme-t-il. Les quatre collègues partagent tous cette volonté de préserver les sols. Leur premier levier utilisé réside dans de bonnes conditions météo lors des arrachages. Ce que le plan de charge de 110 hectares arrachés par an permet. Le quatuor a trouvé une Matrot 41 de 2013, 1100 heures pour 75 000 € HT. Très bien entretenue, elle était vendue avec un gros lot de pièces détachées, dont un bâti arracheur.
« Pour l’instant, nous avons réussi à travailler dans de bonnes conditions pour le sol, même si cela s’est un peu bousculé en fin de campagne 2021 », constate-t-il. L’équipe vise une fin de récolte pour le 10 novembre. Les planteurs, disposant de plus de temps en septembre, commencent la récolte par les parcelles les plus difficiles : petits champs, terres argileuses. La productivité de l’arrachage peut baisser à 0,6 ha/heure transport compris contre 0,8 ha/h, voire 1 ha/h en conditions idéales.
Une bonne organisation
La qualité des chantiers dépend d’une bonne organisation. Tous les associés sont aptes à conduire l’automotrice. Deux salariés des associés connaissent parfaitement la machine, dont un est le chauffeur attitré. « Je fais appel à ce chauffeur et à un autre salarié d’un associé pour conduire une benne. Mon salarié conduit la deuxième benne. Pendant ce temps, je sème mes céréales ou je charge des pommes de terre », explique-t-il.
Autre aspect, le service après-vente et les réparations. Outre l’expertise de leurs salariés, les quatre collègues font appel au prestataire Dachy à Athies-sous-Laon (Aisne), spécialiste des Matrot. Il leur a proposé plusieurs améliorations. Comme renforcer certaines tôles, des parties plus fragiles, monter des ressorts, changer des socs, ajouter des joints sur le boîtier des socs, changer le jonc des turbines et un arbre de roue. L’éclairage en led et la pose de quatre caméras ( au-dessus de la trémie, dans la machine au niveau des turbines, en dessous) améliorent le confort de conduite. « Cette année, l’installation d’une petite tôle dans le circuit de nettoyage a évité la perte de petites betteraves », détaille le planteur.
Car ils ont envie de la garder longtemps, leur belle rouge. Dix à quinze ans, espère Timothée. En 2022, la campagne a nécessité 16 jours de récolte, soit 200 hectares, transport compris. Le planteur estime le coût d’arrachage par hectare à 249 €/ha avec une productivité de 0,8 ha arraché par heure et un coût du carburant de 1,1 €/l. (voir tableau). « L’arrachage avec l’automotrice revient à 188 €/ha, auquel il faut rajouter le coût du transport avec deux bennes (68 € x 2). Soit de 324 €/ha ». Le planteur estime une augmentation de rendement en blé en N+1 après la betterave de 3 qx/ha, soit 75 €/ha.
Après deux campagnes, le chef d’entreprise ne regrette pas son choix. « J’ai hâte de voir les résultats agronomiques sur le long terme. J’espère mieux préserver mes sols et obtenir de meilleurs rendements dans les blés suivants avec des coûts d’implantation plus faibles. Notre tare terre moyenne est inférieure ( – 1 %) ou égale à celle des sucreries. Et surtout, j’apprécie de travailler avec des collègues. Une véritable plus-value pour moi. Nous n’hésitons pas à nous prêter de la main d’œuvre pour optimiser d’autres chantiers. Un vrai confort ».
Pour limiter l’impact des bennes sur le sol, Timothée Guéroult et ses trois associés de la Matrot ont réfléchi pour diminuer le tassement. Les chauffeurs des bennes utilisent les traces du pulvérisateur pour leur déplacement. Dans les longues parcelles (entre 500 et 1000 m de long), Timothée pose deux jalons pour les séparer en deux. La première benne suit l’automotrice jusqu’à la moitié du champ, puis est vidée à l’autre bout de la parcelle. La seconde benne prend le relais pour la deuxième partie de la longueur et vide dans le même côté. La première benne reprend à côté du silo pour la moitié de la parcelle et vide de l’autre côté. La deuxième benne la relaie et vide au bout du rang. Avec ce système, les remorques tassent moins sans ralentir le chantier, se félicite le betteravier.
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