En s’appuyant sur les interactions entre les écosystèmes, l’agroécologie amène de la diversité et de la complexité dans les itinéraires agronomiques. « Ces pratiques culturales se traduisent au champ par une réduction des débits de chantier », a souligné Matthieu Preudhomme, ingénieur de la Chambre d’agriculture de la Somme, lors d’une conférence organisée par les Digifermes, le 8 novembre sur le Sima. « Il va falloir accroître la main d’œuvre afin de compenser cette perte de débit ou faire appel à la robotique ! » Avec les départs en retraite, l’agrandissement des exploitations et une ressource de travailleurs saisonniers limitée, la réponse sera du côté de la technique.
Offre encore embryonnaire en grandes cultures
En grandes cultures, la robotique a trouvé une première application en désherbage des betteraves biologiques. « Nous avons testé beaucoup de solutions depuis 2016, partage Delphine Bouttet, responsable de la Digiferme de Boigneville. À ce jour, seul le robot de FarmDroid tourne sur betteraves pour semer et désherber. Les autres robots, conçus pour le maraîchage, sont bien adaptés pour ces cultures car c’est leur objectif, mais pas pour les grandes cultures ». Mathieu Nouguès, responsable commercial FarmDroid pour la France indique que « 70 robots FD 20 sont en prévision pour 2023 et c’est le début ! 40 % de nos parts de marché concernent la betterave ».
La baisse de l’utilisation des produits phytosanitaires stimule l’innovation. « Les traitements alternatifs demandent du temps », a expliqué Roland Lenain, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), lors d’une conférence organisée ce même jour, au Sima, sur le rôle des robots pour réduire les phytos. « Les robots amènent une autre façon de travailler, gardent la répétabilité des tâches sans perte de précision ». Des innovations entrant dans le champ de l’automatisme peuvent aussi être transposées sur d’autres machines pour servir ce même objectif. Exemple : les systèmes de caméras et les algorithmes pour détecter les betteraves et les adventices s’embarquent sur les pulvérisateurs, pour une application très ciblée des produits.
Partir des besoins du terrain
Une technologie se déploie si elle répond à un besoin de terrain. D’où le lancement en janvier 2023 du Grand défi de la robotique annoncé par l’association RobAgri lors du Sima. L’ITB en est membre aux côtés de 80 autres entités. Doté d’un fonds de 21 M€ provenant du plan d’investissements France 2030, ce programme est ouvert à tous. « Des groupes de travail au niveau des territoires, pilotés par les instituts techniques, vont identifier les nouveaux besoins afin que les constructeurs français puissent proposer aux agriculteurs, d’ici à 5 ans, des solutions faciles d’utilisation et avec une adoption rapide », explique Adrian Couvent, responsable du projet chez RobAgri.
Ce dernier point est essentiel. La robotique ne doit pas faire peur. Claude Juriens, directeur commercial d’Écorobotix, explique que la prise en main d’une machine comme Ara (primé par un Sima innovation award), plateforme de pulvérisation dotée d’intelligence artificielle pouvant travailler sur betteraves, n’est pas compliquée car elle est autonome mais « c’est la partie agronomique qu’il va falloir bien comprendre pour l’insérer dans les itinéraires techniques ».
En culture betteravière, Matthieu Preudhomme estime que l’enjeu de préservation des sols va aussi monter en puissance. « Les robots pourraient travailler en essaim, offrant des alternatives aux grosses unités telles les arracheuses de betteraves. Un chef des robots piloterait sur site le robot effeuilleur, le robot arracheur et le robot débardeur ». Spielberg n’en est pas le scénariste.
Lors du Sima Agritech Day, organisé le 5 novembre par Axema, Paul Pannetier, ingénieur chez UniLaSalle, a partagé les conclusions de son étude réalisée pour Axema. Elle identifie des scénarios de désherbage en grandes cultures à horizon 2035, à partir d’interviews d’experts et d’utilisateurs, menés de février à mars 2022. « Tous les agriculteurs se disent ouverts au spot spraying, a-t-il souligné. C’est même jugé inévitable afin de répondre aux problèmes de résistance des adventices aux herbicides et de réduction de leur utilisation ». Toutefois, le prix de ces technologies doit être accessible et ne pas nécessiter de nouvelles compétences. Quant au désherbage mécanique, il s’appuiera sur des outils robotisés pour compenser le manque de main d’œuvre. Enfin, les leviers agronomiques vont monter en puissance. Des facteurs de rupture sont identifiés comme l’arrivée de solutions de biocontrôle, le désherbage localisé sur l’adventice par procédé électrique, thermique, par laser, ou encore l’interdiction totale de désherbant chimique.