Ces trois dernières semaines, les prix des céréales ont évolué au gré des nouvelles provenant du bassin de la mer Noire, portant sur la participation ou la suspension de la Russie dans l’accord sur le corridor maritime. Il permet d’expédier par cargo, depuis les ports ukrainiens, des commodités agricoles.
À Rouen, le prix de la tonne de blé, qui avait atteint 350 € le 2 novembre dernier, s’est depuis replié pour se stabiliser huit jours plus tard autour de 325 €, soit quasiment le seuil de rentabilité au-dessous duquel la production de blé commencerait à ne plus être rentable. La remontée de l’euro de 7 points est un facteur baissier important.
Grâce au corridor maritime, l’Ukraine est parvenue à expédier 10 millions de tonnes (Mt) de commodités agricoles depuis ses ports. Et tous moyens de transport confondus, le pays est parvenu à en exporter près de 27 Mt, selon Ukrainian Agrarian Council (UAC).
Mais le pays croule toujours sous les stocks d’invendus. Et à la fin du mois dernier, des dizaines de milliers de d’hectares de maïs n’étaient toujours pas récoltés, faute de gaz et d’argent pour sécher les grains.
Par ailleurs, le marché ukrainien s’est effondré. Si les banques ne soutiennent plus les agriculteurs, ces derniers ne savent pas comment ils vont financer l’implantation de leurs terres. 2 à 2,5 millions d’hectares de céréales d’hiver en moins ont été emblavés cet automne. Au printemps, des mises en jachère ne sont pas exclues.
Finalement, l’agriculture ukrainienne produirait moins en 2023 que cette année.
Mais si le pays retrouve rapidement le chemin de la paix, il se mobilisera pour relancer la production agricole. Et les prix de sortie de ferme se redresseront, car les frais d’expédition diminueront. Exporter d’Ukraine sera moins risqué.
À l’export, Ukragroconsult table d’ores et déjà sur 14,7 Mt de blé et 30 Mt de maïs. Optimistes, ces prévisions révèlent avant tout les quantités de grains en stock qui pourraient être mises sur le marché lorsque leur commerce ne sera plus entravé.
Or, dès le mois prochain dans le monde, des quantités énormes de blé et de maïs seront d’ores et déjà disponibles à l’export.
Offre pléthorique de maïs
Dans l’hémisphère sud, l’USDA annonce une récolte conséquente de blé, d’orges et de maïs qui entrera en concurrence avec les céréales encore à écouler dans l’hémisphère nord.
En produisant 34 Mt de blé, l’Australie en offre 27 Mt à l’export. Et en récoltant 9,4 Mt de blé, soit 1,7 Mt de plus que l’an passé, le Brésil réduira d’autant ses importations d’Argentine. Quoi qu’il en soit, ce dernier ne pourra exporter plus de 10 Mt de blé (- 7Mt sur un an).
Mais ces deux pays seraient en mesure d’expédier 86 Mt de maïs, une offre pléthorique qui pèsera immanquablement sur l’évolution des cours mondiaux des grains si l’Ukraine parvient aussi à expédier ses récoltes 2022 et même 2021 encore en stock.
Dans le même temps, la Russie doit expédier 42 Mt de blé d’ici la fin du mois de juin. Et d’après le site sevecon.ru, ce sont même 48 Mt de blé qui devraient être vendues pour tenter de désengorger le marché intérieur.
Or, la Russie n’a exporté que 15 Mt au début du mois de novembre. Et depuis quelques semaines, la compétitivité retrouvée du blé russe se fait aux dépens des prix de sortie de ferme payés aux producteurs.
Le Kazakhstan peine aussi à exporter son blé alors que sa récolte est excellente. Concurrencé par la Russie, le pays a l’ambition de vendre au moins 12 Mt.
Mais depuis le début de la campagne, l’Union européenne profite très bien de la conjoncture. Elle a déjà vendu plus de 12,4 Mt de blé depuis le mois de juillet, selon FranceAgriMer. La France a expédié à elle seule 3,6 Mt de blé.
Toutefois, elle est de plus en plus concurrencée par le bassin de la mer Noire et l’hémisphère sud. Mais ses capacités de vente vers les pays tiers sont limitées à 10 Mt.