Un des arguments des opposants aux réserves de substitution du Marais poitevin consiste à dire que le stockage de l’eau maintient un système agricole non viable, à savoir l’agriculture dite « industrielle », basé sur la monoculture de maïs à destination de l’exportation et de l’élevage intensif. Ce sujet génère beaucoup d’idées reçues. Décodage.

Selon François Petorin, « Dans les Deux-Sèvres, on est très loin de la monoculture du maïs. Je ne connais d’ailleurs pas d’agriculteur qui pratique cela autour de moi », ajoute-t-il. Selon la chambre d’agriculture, la culture tant décriée ne représente plus que 38 % des cultures irriguées du bassin Sèvre Mignon, contre 65 % en 2007. Et les surfaces de maïs ont baissé de 30 %.

Chats errants : toujours plus
La culture tant décriée ne représente plus que 38 % des cultures irriguées du bassin Sèvre Mignon, contre 65 % en 2007. ©Chambre d’agriculture des Deux-Sèvres

Le sorgho est complémentaire au maïs

« Une partie a déjà été remplacée par du sorgho », explique Denis Mousseau. Selon Martin Gomez, de la Fédération nationale de la production des semences de maïs et de sorgho (FNPSMS) et de Sorghum ID, l’association européenne de promotion de la culture du sorgho, « le sorgho est une culture très intéressante par sa capacité de production en situation sèche et chaude. Mais ce n’est pas une plante magique. En condition froide, la pollinisation de la fleur est perturbée et le rendement est amoindri. Par ailleurs, si cette plante consomme moins d’eau, elle est aussi moins productive à l’hectare. Le remplacement total du maïs par du sorgho n’est ni possible ni souhaitable. Les deux plantes sont complémentaires et non substituables ».

Le maïs, une culture propre

Par ailleurs, selon l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM) et contrairement aux idées reçues, le maïs est, avec le tournesol, la grande culture la moins polluante. Son indice de fréquence de traitement (IFT) est compris entre 1,5 et 1,9, contre 5 pour le blé ou 6 pour le colza. En effet, le désherbage peut se faire mécaniquement, entièrement ou partiellement, et cette culture ne requiert pas de fongicide. Côté insecte, les maïsiculteurs sont les premiers à avoir utilisé le bio contrôle à grande échelle grâce aux trichogrammes. C’est d’ailleurs pour cela que le maïs présente un écart de rendements entre le bio et le conventionnel assez faible.

Coté engrais azoté, le maïs en consomme moins par quantité de grain produit que les autres grandes céréales. Il lui faut 2,3 unités d’azote / quintal, contre 2,5 unités pour l’orge et 3 unités pour le blé.

L’AGPM rappelle que le maïs est la plante qui valorise le mieux l’eau. Pour un apport de 30 mm, on peut s’attendre à une augmentation de 13,5 q/ha en maïs grain, de 10,5 q/ha en sorgho, de 7,7 q/ha en blé tendre et de 2,7 q/ha en tournesol.

Pour ce qui est de la culture de maïs population, l’AGPM rappelle qu’« elle est très hétérogène et ne répond pas aux exigences de l’agriculture d’aujourd’hui, que ce soit en matière de résilience, de rendement, de tolérance aux ravageurs ou à la verse. C’est pourquoi elle n’est que marginalement pratiquée. Par ailleurs, les essais variétaux de l’institut technique Arvalis montrent que les variétés de maïs les plus récentes sont les plus performantes, même en situation de contraintes hydriques ».

Assurer la souveraienté alimentaire de l’Europe

Selon les opposants au projet, ce maïs serait destiné à l’exportation. L’AGPM précise que 40 % du maïs produit en France est exporté. Cependant, ces exportations se font exclusivement en Europe. En effet, « l’Union Européenne est le plus gros importateur mondial de maïs après la Chine, et le maïs importé provient majoritairement à 80 % du Brésil ou de l’Ukraine », affirme l’AGPM avant de préciser que la production française participe à la souveraineté alimentaire européenne. L’excédent français de maïs permet donc de diminuer les importations européennes en provenance d’Amérique du sud, continent où cette céréale est partiellement produite avec des semences OGM. À noter que si l’on importe des produits (fruits, légumes, viande, café, cacao, coton…), il semble normal d’en exporter d’autres. Pour assurer la souveraineté alimentaire, il faut que la balance commerciale agricole et agroalimentaire soit au moins à l’équilibre.

Élevage intensif ?

Selon les anti-bassines, le maïs servirait à l’élevage intensif. Ce n’est pas tout à fait vrai car une partie s’oriente vers l’alimentation humaine, mais ce n’est pas tout à fait faux non plus. Cette remarque soulève de nombreuses questions : qu’est-ce qui permet de dire si l’élevage est intensif ou pas ? Peut-on se permettre de généraliser l’élevage de monogastrique en bio ou en pleine air à grande échelle quand on sait que ces modes d’élevage consomment beaucoup plus de céréales et de surface par kilo de viande produite ? Est-ce que l’élevage de monogastrique est à bannir alors qu’il n’émet pas de méthane, contrairement à l’élevage bovin et ovin ? Par ailleurs, « une part importante du maïs d’ensilage rentre dans la production du lait nécessaire à la fabrication du beurre d’Echiré, un produit haut de gamme reconnu. En effet, le cahier des charges de l’AOP l’exige », explique Denis Mousseau.

Renaud d’Hardivilliers